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20/09/2012

La caverne des idées de José Carlos Somoza

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La caverne des idées de José Carlos Somoza, ed. Actes Sud Babel, 2003, 346p.

 

Comme tout roman de Somoza -et celui-là étant le premier, il a ouvert le bal de la tradition-, l'histoire nous plonge dans une aventure sanglante et énigmatique : Tramaque, étudiant de l'Académie philosophique de Platon, est retrouvé mort à moitié dépecé dans Athènes. Parmi la foule indignée, un seul homme reste stoïque et concentré : Héraclès Pontor, le célèbre déchiffreur d'énigmes. Très rapidement, le lecteur comprend que ce n'est pas seulement pour son lien avec la mère du défunt que ce décès l'interpelle. C'est bien plutôt parce qu'il ne croit pas à l'attaque accidentelle de loups pendant une partie de chasse pour expliquer cette tragédie. C'est également pour cette raison que Diagoras, philosophe et mentor de Tramaque, engage Héraclès pour découvrir le fin mot de l'histoire - histoire qui va décidément rester sanglante et énigmatique jusqu'au bout.

Mais comme tout roman de Somoza, les choses ne s'arrêtent pas là. Il serait bien trop simple de réduire cet ouvrage à un "polar antique" - genre déjà suffisamment original en soi. L'auteur va plus loin et inclu en deuxième lecture l'omniprésence en bas de page d'un traducteur hypnotisé par son travail et progressivement plongé dans une aventure rocambolesque. Je ne vous mentirais pas : cela rend la lecture parfois fastidieuse : certaines notes sont particulièrement longues, il faut donc ensuite revenir en arrière pour reprendre le fil de l'enquête et ainsi de suite. MALGRE TOUT, que cela ne vous décourage pas ! Car comme tout roman de Somoza, je ne peux m'empêcher de refermer le livre en me disant que cet écrivain est fou d'imagination et de génie, que non seulement il parvient à créer des mondes surréalistes et uniques mais qu'en plus, il y distille une érudition étourdissante. Qui peut se targuer, en effet, d'avoir rédiger des livres qui soulèvent des questions cruciales concernant l'art, la philosophie, la poésie, Lovecraft et shakespeare, chaque fois avec brio ?

Ici, vous l'aurez deviné vu l'époque et les personnages, le propos touche à l'interaction, à la semblance et à la puissance de la fiction et de la pensée philosophique. Qui détient la vérité - qui, tout du moins, est le plus à même de s'en approcher ? La réponse de Somoza est sans appelle avec une chute magistrale à laquelle j'adhère parfaitement. Je vous laisserai seulement la découvrir et la savourer comme le mérite La caverne des idées, espèrant que ce petit flou final vous incite à courir dévorer l'ouvrage !

 

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"Lire n'est pas réfléchir seul,c'est dialoguer. Mais le dialogue de la lecture est un dialogue platonique: ton interlocuteur est une idée. Cependant,ce n'est pas une idée figée: en dialoguant avec elle,tu la modifies, tu la fais tienne,tu en viens à croire en son existence indépendante."

 

 

72427108.pngChallenge Mythologies du monde

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17/09/2012

Lundi graphique

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Lincoln de Olivier, Jérôme et Anne-Claire Jouvray, 6 tomes depuis 2002 (le 7eme à paraître cette année), ed. Paquet, 48p. chacun.

 

Alors là, gros coup de coeur !

Lincoln est un cow boy particulièrement grincheux, insoumis et malveillant. Ses passe-temps favoris ? Ronchonner sur tout et tout le monde, faire la gueule, et à l'occasion, se foutre dans des combines pourries. Intrigué par ce personnage, Dieu en personne décide d'aller y mettre son grain de sel et lui propose un deal : devenir un héros moderne en échange de l'immortalité. Concernant l'immortalité, pas de problème, Dieu remplit sa part du contrat. Ca sauvera sacrément la mise à Lincoln en divers occasions d'ailleurs. Pour ce qui est de la partie héros, c'est beaucoup moins évident. Lincoln est un indécrottable rebelle que la compagnie divine fait plus chier qu'autre chose ; et c'est pas mieux quand le diable s'en mêle. Il passe son temps à tenter de les semer ou de les décourager, en vain à son grand désespoir. Alors, il faut avec, tout en restant fidèle à lui-même.

C'est drôle et savoureux - j'ai tout simplement adoré et dévoré les 6 volumes en quelques jours avec une banane en permanence. Le fait que le personnage de Lincoln m'évoque très nettement quelqu'un de proche n'y est sans doute pas pour rien mais, je vous assure, même si vous n'avez pas un drôle de cul terreux dans votre entourage, vous vous fendrez tout autant la poire, j'en mets ma main au feu !
Allez, faites pas la fine bouche, laissez-vous séduire par Lincoln !

Et, au passage, vivement le tome 7 !

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Holmes (1854/+1891?) de Cecil et Brunshwig, ed. Futuropolis, 3 tomes depuis 2008


Que s'est-il vraiment passé aux chutes de Reichenbach ? Selon la version "officielle", Sherlock Holmes, le plus grand détective de tous les temps, disparait avec son ennemi de toujours, le professeur Moriarty. Pour seul leg apportant un semblant de réponse : la lettre que Holmes laisse à son ami et collaborateur le docteur Watson.
Pourtant, tout reste dans le flou : qui était vraiment Moriarty et pourquoi Holmes n'en parle quasiment pas ? En effet, force est de constater que pour un ennemi de toujours sensé être à l'origine de tous les mefaits de Londres, à la tête de la plus grosse organisation criminelle du pays, il en est fort peu question dans les enquêtes holmésiennes. Et puis, Holmes est-il vraiment mort ?

Ce sont ces questions que Cecil et Brunshwig se proposent d'éclaircir dans cette série de BD débutée en 2008 et donc le troisième tome a tardé à paraître - pour cause de longue cogitation sur le scénario s'en expliquent les auteurs. Et en effet, leur production est ambitieuse et pointue ! Une construction complexe et rudement bien menée mêlant l'enquête de Watson pour comprendre, de fréquents flashbacks et quelques visions du défun ami nous embarquent dans une rocambolesque aventure pour démêler la troublante personnalité de Holmes. Un dessin sombre, énigmatique et victorien qui nous transporte à merveille dans l'ambiance anglaise du dix-neuvième siècle.

Bref, une parfaite réussite face à l'ampleur du mythe visé : j'attends le quatrième tome avec impatience !


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13/09/2012

La Dame à la licorne de Tracy Chevalier

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La Dame à la licorne de Tracy Chevalier, ed. de la Table ronde, 2003 / Folio, 2009, 356p.

La Dame à la licorne désigne une tenture de six tapisseries du XVe siècle dont l'origine reste très énigmatique. Le doute plane sur leur commanditaire ainsi que sur l'artiste et le maître lissier qui les auraient réalisées. Certains s'accordent à dire qu'elles auraient été confectionnées à Bruxelles, d'autres à Aubusson. Le fait est que nous n'en savons rien. Le blason qui orne chacune des tapisseries serait celui de la famille des LeViste, mais de même, nous ne pouvons savoir avec certitude quel membre de la famille les auraient ordonnées.
Tout ce que nous savons de La Dame à la licorne est ce qu'on peut en admirer aujourd'hui au musée du moyen-âge de Cluny à Paris : Un travail délicat où se mêle bleu profond et rouge grenat, un décor de mille fleurs, et la séduction d'une licorne à travers les cinq sens ; la sixième tapisserie appelant "A mon seul désir".

C'est cette histoire artistique semée de mystère que Tracy Chevalier se propose de nous raconter dans son ouvrage éponyme, ainsi qu'elle l'avait fait pour La jeune fille à la perle. Ainsi se succède sur deux années les lieux ; Paris, Chelles et Bruxelles ; et les personnages à travers lesquels elle fait revivre la création : Nicolas des Innocents serait le peintre, Jean LeViste le commanditaire et George de la Chapelle le maître Lissier. Autour d'eux gravitent ces femmes souvent dans l'ombre mais toujours primordiales qui auront inspiré Nicolas des Innocents au point de retrouver leurs visages dans chacune des dames tissées.

Ce roman fait partie des livres de hasard que l'on trouve un jour sur l'étale d'un bouquiniste à tout petit prix et que l'on prend à l'impro sans tergiverser. Je n'en avais jamais entendu parlé auparavant ni lu cet auteur ; j'avais simplement vu un jour l'adaptation ciné de La jeune fille à la perle. Mais pour un euro, je ne risquais pas grand chose.
C'est tout autant à l'impro que je l'ai empoigné pour goûter un peu de légèreté après Primo Levi. Et dans cet optique, La Dame à la licorne ne m'a pas déçue. Le style est fluide et sous une certaine simplicité se cache quelques tournures tout à fait intéressantes. Le choix de la polyphonie, certes éculé jusqu'à la moelle et difficile à renouveler, reste bien mené et agréable à lire. Il permet de passer de considérations artistiques en considérations plus triviales selon les personnages à qui la voix est offerte. Il donne à voir, en somme, les différentes facettes d'une époque. En outre, l'auteur brosse des personnalités délicates et bien trempées auxquelles on s'attache sans bouder.
En somme, un roman plus que sympathique qui ravira les amateurs de récits teintés d'histoire, d'art et d'amour et qui donne, clairement, envie de retourner jeter un coup d'oeil à ces somptueuses tapisseries, véritables héroïnes de ces 356 pages.