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11/11/2013

Canada de Richard Ford

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Canada de Richard Ford, ed. de l'Olivier, 2013, 476p.

 

Dans le Montana de 1960, Dell Parsons vit paisiblement avec sa famille. Ses parents, Neeva et Bev sont de ses couples mariés trop tôt après que Neeva est tombée enceinte et peu assortis. Dell, souvent déraciné à cause des mutations de son père, n'a pas d'amis et connait une relation mêlée de complicité et de tension avec sa jumelle Berner. Mais cette existence banale prend un virage radical lorsque les parents commettent un braquage insensé et terriblement amateur. Lorsqu'ils sont arrêtés, Berner fugue vers la Californie et Dell est emmené, selon les dernières consignes de sa mère, vers le Canada, dans la région de Saskatchewan. Il est accueilli par Arthur Reminger, un être charismatique mais distant, et un métis glauque. Il est contraint de vivre à la dure, dans une remise insalubre puis dans un presque placard, doit assurer le nettoyage de l'hôtel de Reminger et accompagner le métis en chasse. Dell peine à cerner Reminger, à la fois attirant et glaçant, jusqu'au jour où Reminger l'utilise dans une sombre affaire. Les quelques mois que raconte Canada, à mi-chemin entre deux frontières, signeront la fin de l'innocence.

Ce roman a tout d'un grand roman américain : la vie de banlieue, les vicissitudes des relations familiales qui n'ont jamais rien de simples, les grands espaces et les routes que l'on parcourt à n'en plus finir pour avancer toujours. En outre, écrit du point de vue d'un Dell Parsons devenu adulte et professeur près de Winnipeg, il se présente comme une introspection minutieuse. Dell revient sur les deux évènements qui ont marqué à jamais sa vie - sans pour autant la briser. Il les décortique pour le lecteur avec une précision telle qu'elle en est parfois fastidieuse : sans du tout tomber dans l'ennui, on ne peut nier que certains passages sont longs, presque trop. On sent le besoin de narrateur-personnage d'expliquer. Cette période a été maintes fois réfléchie, il livre ainsi chaque détail, sa propre version des faits et comment ceux-ci ont infléchi le cours de sa vie.
Canada questionne également la notion de frontières : Ces frontières physiques, entre les enfants libres et les parents prisonniers, entre les USA et la Canada et ce qu'elles enjoignent ou reflètent de la psychologie des êtres. Ce n'est pas tant l'éloignement géographique peut-être que la lente séparation des consciences dans des évolutions radicalement opposées.

Richard Ford livre ici un roman puissant, savant, extrêmement bien construit et d'une écriture maîtrisée. Je regrette néanmoins les quelques longueurs qui ralentissent trop souvent la progression narrative car même si elles ont leur sens objectivement, force est de constater qu'au fil de la lecture, elles finissent par essouffler un peu. C'est d'autant plus dommage que le lecteur attend avec un certain besoin la dernière partie dans laquelle Dell livre enfin sa vie après les drames, partie plutôt courte au regard de la minutie des deux précédentes.

Vous trouverez par ici la rediffusion de La Grande Librairie où Richard Ford est invité et parle de son roman.

 

challenge US.jpgChallenge US chez Noctenbule

7eme lecture

 

 

 

 

 

rentrée littéraire 2013.jpgChallenge Rentrée Littéraire 2013 chez Hérisson

5eme lecture

08/11/2013

Concerto pour la main morte d'Olivier Bleys

 

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Concerto pour la main morte d'Olivier Bleys, ed. Albin Michel, 2013, 234p.

 

Quatrième découverte de cette rentrée littéraire avec un voyage musical en Sibérie!
Olivier Bleys nous emmène dans l'obscure hameau de Mourava ou règnent la solitude et la vodka. A peine quelques maisons délabrées, la vacuité des jours sans travail - sauf pour l'épicier et le bistrotier - et une saleté incessante que Vladimir Golovkine s'emploie à nettoyer. Il aspire à s'en aller. La compagnie des grands espaces ne lui suffit plus ; à son âge avancé, il veut enfin voir le monde. A cette aventure ratée, car il se fait piteusement refouler de l'avant-dernier bateau de la saison, va se substituer une toute autre aventure : héberger un étranger fraîchement débarqué, visiblement perdu à tous points de vue. Colin Cherbaux, qui devient Kolincherbo dans la bouche de Volodia, est un pianiste assidu mais médiocre et surtout paralysé par le trac. Il espère trouver dans sa retraite impromptue au pays de nulle part une solution à sa main droite paralysée dès qu'il joue le concerto n°2 de Rachmaninov. De cette tentative désespérée va naître une relation amicale teintée de drôlerie où chacun des deux hommes apportent à l'autre l'opportunité d'une renaissance : Ce qu'il faut pour partir pour l'un ; ce qu'il faut pour rester pour l'autre.

Concerto pour la main morte se lit comme on écouterait un morceau de piano : une même facilité aérienne, jubilatoire pourtant pointue et poétique. Cette écriture musicale nous livre une parabole de la quête de soi - qui suis-je et qui ai-je vraiment envie d'être ? - dans les grands espaces de la Sibérie profonde. Aussi hostile que magnifique, pleine de déchéance alcoolique comme de surprises au détour d'un bois, elle est le théâtre parfait pour brosser l'ambiguïté des hommes et mettre à nu leur complexité cachée. Après tout, la forêt n'est-elle pas l'endroit des contes, où se trament tous les caractères fous et typiques qui débloquent les malédictions ?!
Ce Concerto est une vague qui fait rêver, à l'envers. De l'incompréhension, de ce dernier chiffre 7 -magique lui aussi- pour aboutir au numéro 1, du départ vers l'inconnu jouissif, on se laisse griser par la langue, le voyage, les incongruités et les notes de piano qui résonnent autant sur les pages que dans l'esprit amusé. Il n'en faut pas plus pour faire un bon livre ; en même temps voilà un cocktail déjà plus que savamment distillé (et à consommer avec moins de modération que la vodka artisanale de Sergueï).

Merci Anne pour ce livre voyageur ! Et par ici son chouette billet qui m'avait donné l'eau à la bouche !

 

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Naufrage - Yro (2007)
Source

 

challenge-des-notes-et-des-mots-4.jpgPar la même occasion, je valide une 2eme lecture pour son challenge Des mots et des notes

 

 

 

 

 

 

rentrée littéraire 2013.jpgEt une 4eme pour le challenge 1% de la rentrée littéraire 2013 chez Hérisson

07/11/2013

La poésie du jeudi avec Arthur Rimbaud

Poésie jeudi.jpgPour ce nouveau rendez-vous poétique grâce à Asphodèle, je voudrais vous faire partager un poète qui m'a beaucoup marquée pendant mes années universitaires : Arthur Rimbaud. Pendant mon adolescence, je l'ai plutôt fréquenté de loin. Il faut dire que son génie est aussi ébouriffant qu'il est souvent obscur au lecteur. Et puis, à l'université, j'ai eu la chance d'avoir un professeur de XIXème fantastique, de ses profs qui vous font vivre la littérature. Il déclamait régulièrement des poèmes avec une fougue et un emportement qui m'a définitivement fait comprendre que si l'on ne comprend pas toujours tout aux vers, ils sont avant tout une musique à l'oreille et à au cœur. Et cela saisi, j'ai eu un coup de foudre pour Arthur Rimbaud, poète par excellence des sensations et des folies de l'être.

Voici donc un de ces poèmes déclamés, extrait des merveilleuses Illuminations rimbaldiennes. Je serais infoutue d'en expliquer la moindre signification - bien que le professeur nous en ait sûrement donné quelques pistes - mais j'ai encore le souvenir vivace de l'instant magique où je l'ai entendu pour la première fois et où je me suis dit qu'il y avait là la quintessence de la vie et de la littérature (ce qui, n'est-ce pas, est un peu un pléonasme)

 

À une raison


Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie.

Un pas de toi, c'est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.

Ta tête se détourne : le nouvel amour ! Ta tête se retourne, — le nouvel amour !

« Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps », te chantent ces enfants. « Élève n'importe où la substance de nos fortunes et de nos vœux», on t'en prie.

Arrivée de toujours, qui t'en iras partout.

 

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