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14/02/2015

Orgueil et préjugés de Jane Austen

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Orgueil et préjugés de Jane Austen, Le livre de poche, 2011 [1813], 512p.

 

Ça y est : je l'ai fait ! J'ai enfin lu l'incontournable, le piquant, que dis-je, le roman le plus célèbre de Jane Austen : j'ai nommé, Pride and prejudice (et quelle délicieuse allitération, n'est-il pas ?). J'ai enfin décidé de ne pas douter qu'un célibataire nanti doit être nécessairement à la recherche d'une femme ; j'ai enfin considéré que les breakfast à l'anglaise étaient savoureux ; et, comme tout un chacun (il serait plus juste de dire chacune), j'ai très sérieusement envisagé de me pâmer devant Darcy. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Mais parce que, très simplement, les pirates m'attirent plus de prime abord que les ambiances anglaises à base de thé et de petits gâteaux. De ce fait, j'ai toujours regardé le P&P dans ma PAL (à moitié déchiqueté d'ailleurs, déniché par hasard à 50cts dans une brocante parce qu'"on sait jamais, c'est quand même un classique") avec un regard suspicieux et hautain. Inutile de dire que je souffrais donc moi-même d'orgueil et de préjugés.

 

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Et puis, paf, dès la première page, l'ironie d'Austen me saute au yeux et me fait sourire instantanément. (A propos, je considère que je peux vous faire grâce d'un résumé en bonne et dure forme de l'histoire, hein.) S'il est bien question de mariage à tout bout de champ, c'est sous couvert d'un filtre que le lecteur averti peut aisément déceler pour mieux se délecter de la subtilité des divers niveaux de lecture. Quelle acuité et quelle modernité de Jane Austen dans l'appréciation de mœurs de son époque !  D'autant que cette fameuse ironie se dessine selon toutes les gammes possibles : On frise la caricature à travers les personnages de Mrs Bennett ou de M. Collins, la comédie sociale dans les scènes collectives ou l'analyse psychologique et caustique - souvent déléguée au merveilleux personnage d'Elizabeth.

Parlons, d'ailleurs d'Elizabeth. Je comprends à présent mieux pourquoi ce personnage a tant marqué des générations de lectrices. A travers elle aussi, Austen affiche une décoiffante modernité. Qu'il soit envisageable qu'une jeune femme célibataire puisse à ce point affirmer sa pensée et faire preuve de liberté et de franchise - dans le respect des mœurs évidemment, Elizabeth est un personnage féminin moderne, pas une rebelle écervelée - et que ce personnage ait été créé par une femme également célibataire, tout cela apparaît particulièrement subversif et d'un féminisme avant l'heure éclairé et rafraîchissant. Je n'aurais typiquement pas eu cette lecture d'Elizabeth très jeune , je pense, n'ayant pas alors le recul nécessaire quant à l'histoire littéraire et à l'Histoire tout court. Il est donc heureux que P&P m'ait attendue si longtemps (et hop, on se dédouane comme on peut de découvrir un classique sur le tard).

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Quant à Darcy. Ah, Darcy. Sacré Darcy, devenu le parangon du parfait British prince charmant (j'hallucine d'ailleurs passablement du nombre de romance à trois balles qui utilisent sans vergogne la veine Darcy. Jane Austen doit s'en étrangler depuis un paquet d'années). Voyons, voyons. Bien sûr, comment ne pas tomber amoureuse de Darcy ? Mais très franchement, j'ai quand même gardé suffisamment de lucidité pour constater qu'on commence franchement à tomber amoureuse de lui quand il devient peut-être moins passionnant et mystérieux. Globalement, d'un point de vue littéraire, du point de vue de cette ironie austenienne si mordante, c'est sans doute la première partie qui se lit avec le plus de délice. A partir de la deuxième, on en revient doucement à une lecture premier degré - ou il serait plus juste de dire que, chez le lecteur, c'est clairement la lecture premier degré qui prend le dessus sur l'autre - et l'on guette avidement le moindre signe de rapprochement entre Darcy et Elizabeth, non sans s'identifier à Elizabeth (ahahaha). Dans mon cas, la littéraire a adoré la première partie et la gonzesse a dévoré la seconde. Au fond, Darcy est assez typique : Le bel homme fier, plein de mystère et de non-dit, d'une beauté à faire fleurir un artichaut, qui subjugue tout le monde - positivement ou pas - sans décrocher un seul mot. Et paf ! Dans le mille. Même le renversement progressif du type est lui aussi un type : sous le mystère, se cache la perfection (C'est moi où on est presque chez Disney ?). Là où le personnage tire son épingle du jeu, c'est lorsqu'il tombe amoureux d'un audacieux esprit libre comme Elizabeth Bennett. Celle-là, on ne l'attendait et celle-là est vraiment bien bonne. Le fait que les deux personnages masculins les plus éclairés du roman - M. Bennett et Darcy - accordent leur préférence à Elizabeth est une fameuse caution (pour l'époque) que l'audace, l'intelligence et la franchise s'élèvent bien au-dessus de la beauté, de la vanité et de la docilité.

 

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Néanmoins, si Darcy est le parfait prince charmant, il est aussi la parfaite tarte à la crème lorsqu'il s'agit de l'incarner à l'écran. J'espérais être plus indulgente à l'égard de Matthew MacFadyen, en revoyant l'adaptation de Joe Wright après lecture du roman, mais il n'en est malheureusement rien. Je lui trouve le charisme d'un beignet ; or, un Darcy qui ne respire pas l'orgueil n'est pas un bon Darcy. Colin Firth est évidemment la référence en la matière et il faudra se lever tôt pour l'égaler. Mais même si je le trouve supérieur en tout point, je ne le trouve pas impeccable de bout en bout. Ces scènes de silence où Darcy ne parle que par son regard sont décidément bien casse-gueule. Allez, cela dit, j'avoue tout : Colin Firth a quand même fini en fond d'écran de mon ordinateur. C'est officiel : je suis passée du côté fleuri de la force.

 

Lu en lecture commune avec ma copine blogueuse du royaume de fort fort lointain, Topinambulle. Allons voir sa chronique ! 

 

challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpg challenge-un-pave-par-mois.jpgDoublé gagnant chez Bianca (ça faisait longtemps) pour le pavé du mois de février et le 20eme titre à avoir lu

 

 

 

 

Challenge XIX.jpgChallenge XIXeme chez Fanny

13eme lecture

 

 

 

 

 

challenge melangedesgenres1.jpgChallenge mélange des genres chez Miss Léo

Catégorie Classique étranger

 

 

 

 

 

04/02/2015

L'arabe du futur de Riad Sattouf

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L'arabe du futur de Riad Sattouf, Allary Editions, 2014, 158p.

 

L'arabe du futur planche 1.jpgIl convient parfois de ne pas trop se fouler le poignet, surtout quand on peut éviter de le faire. En l'occurrence, la quatrième de couverture de cette autobio graphique dit à peu près l'essentiel du propos : "Ce livre raconte l'histoire vraie d'un enfant blond et de sa famille dans la Libye de Kadhafi et la Syrie d'Hafez Al-Assad." J'ajouterais à cela une petite précision concernant l'auteur et presque protagoniste du récit : Riad Sattouf est né en 1978 et c'est en 1980 qu'il embarque avec ses parents pour la Libye. Ils y vivront deux ans pour le travail de son père, puis ce sera la Syrie, son pays d'origine. Riad est issu d'un couple mixte : Sa mère est bretonne ; d'elle, il a la blondeur angélique qui subjugue pas mal de monde au Moyen-Orient ; et son père est syrien. Tous deux se sont connus lors de leurs études à la Sorbonne. Le père est docteur en histoire contemporaine - et sera, étonnamment, le seul à travailler. Nous ne connaîtrons jamais les études ou diplômes de la mère qui sera cantonner tout le long de ce tome à garder les enfants à la maison. Ça commence bien.

L'arabe du futur s'inscrit de prime abord dans la même veine que Persepolis de Marjane Satrapi. Comme elle, Riad Sattouf enclenche la marche arrière et revient sur son enfance un brin spéciale dans deux pays en pleine dictature. Néanmoins, deux différences d'importance sont à noter, l'une découlant de l'autre. Il n'y a pas ici de processus de distanciation. Dans Persepolis, le regard de Marji enfant est confronté au regard de Marjane adulte. Ce va-et-vient entre le je narrant et le je narré diraient les littéraires de haute volée crée, de fait, à la fois humour et ironie et, surtout, une position tout à fait claire de l'auteur sur son propos. La prise de partie dans Persepolis ne me semble pas prêter à discussion. Or, dans L'arable du futur, point d'intervention véritable du Riad Sattouf adulte. Sa voix est là, évidemment, mais au titre de voix off. A aucun moment il ne livre son ressenti a posteriori, son interprétation des faits à présent qu'il a les clés pour les décrypter. Il est là pour nous donner un contexte histoire, politique ou familial. Il explique à quel moment untel est arrivé au pouvoir, pourquoi ou comment. Il explique pourquoi ils arrivent en Libye ou en Syrie. Mais il ne s'implique pas émotionnellement ou intellectuellement. Le regard porté sur les évènements, et particulièrement sur le père, est délégué au Riad enfant. Ainsi, beaucoup moins de parti pris dans cette autobio là et beaucoup plus de travail de recul, de compréhension, d'appréhension et de mise en perspective est demandé au lecteur. 

En ce sens, l'arabe du futur met tout particulièrement en lumière toute la complexité d'une culture qui réside dans l'ambigüité du père : extrêmement cultivé, non pratiquant et prônant l'importance de l'éducation pour évoluer vers une société plus juste et plus éclairée, il se révèle par ailleurs engoncé dans une série d'atavismes culturels qui ne manqueront pas de faire hérisser le poil de pas mal de gens. En outre, sous prétexte d'avancement social et culturel, le voilà qui félicite Kadhafi et Al-Assad : d'après lui, la dictature est nécessaire. Grosso modo, la fin justifie les moyens. On ne sait jamais trop sur quel pied danser avec le père. Il n'est pas détestable et pourtant, on grince fréquemment des dents. Il a un pied en Europe et un pied au Moyen-Orient et les deux sont parfois en contradiction ; l'oscillation crée un mélange sous forme de gros point d'interrogation pour le lecteur. Et c'est précisément ce point d'interrogation nécessaire que Riad Sattouf dessine dans cette autobiographie. A quoi bon nous livrer un point de vue pré-cuit ? Ici, tout est à faire, à comprendre, à questionner. Cette posture réflexive à laquelle il nous invite n'a jamais autant nécessaire qu'en ce moment. J'ai hâte de lire le tome 2 pour voir comment tout cela évolue !

 

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