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05/07/2015

Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll

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Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Le livre de poche, 2009 [1865], 320p. (La Traversée du miroir comprise, que je n'ai pas relue, pour le coup)

 

Pas plus tard qu'hier, Alice au pays des merveilles fêtait ses 150 ans. Âge vénérable, n'est-ce pas, d'autant qu'elle a su inspirer à tous les enfants que nous sommes (encore) des rêves persistants à base de chats, de chenilles et de fumette (oui, soyons francs hein. Mais je ne vous avouerai pas ce que j'ai eu l'occasion de concrétiser depuis.) Du coup, quand Alice nous a invités à replonger dans ce délicieux univers le temps d'un mois pour fêter dignement cet anniversaire, j'ai évidemment trouvé l'idée géniale. Hier après-midi, je me suis donc armée de thé et d'un bon coussin moelleux et suis repartie à l'aventure aux côtés de cette friponne d'Alice et du lapin blanc.

Et là, comment vous dire... C'est un peu le gadin. Disons, un semi-gadin. Figurez-vous que je ne me suis pas autant éclatée que ça à la relecture du conte. J'ai suivi avec enthousiasme jusqu'à la chenille puis ai commencé à décrocher doucement ensuite, jusqu'à trouver franchement pénibles les deux/trois derniers chapitres. Oui, j'avoue ! Je vous assure que j'aurais adoré adorer. Mais voilà, malgré la bienséance d'être en pâmoison devant cet univers, ça n'a pas été mon cas. Je gardais d'Alice un souvenir entre merveille, précisément, et angoisse ; entre enchantement et frisson. J'aimais profondément cette savante dichotomie dans mon souvenir. Problème : je crois que je me rappelais bien plus du dessin animé de Disney que de l’œuvre de Lewis Carroll. Le conte original est essentiellement absurde, il faut bien le dire - et si, chez certains, cette absurdité conduit à ressentir la dichotomie sus-nommée, ce n'est malheureusement pas le cas chez moi. Trop d'absurdité tue l'absurdité. Et au lieu de m'enthousiasmer comme un jeune pinson frétillant, ça m'ennuie comme un rat crevé. Alors évidemment, l'adaptation de Disney conserve tout le sel de cette absurdité. Mais est-ce la nécessité d'en construire un scénario qui donne à l'ensemble un chouillas plus de cohérence et surtout de progression, ou bien est-ce le simple fait de la mise en image qui clarifie le propos et lui donne une visée, je ne saurais le dire. Toujours est-il que le conte original m'a semblé souffrir d'un manque de dynamisme qui ne m'a guère sied. A tel point que je n'ai finalement pas relu La traversée du miroir.

Soyons clairs : je n'avance ici qu'un avis très subjectif de lectrice un brin confuse. D'un point de vue littéraire, Alice au pays des merveilles est indéniablement un bijou d'humour british et fourmille surtout de réflexions complexes et passionnantes sur le rêve, le langage et le passage à l'âge adulte. De ce point de vue là, j'adorerais en savoir plus sur Alice et creuser la richesse de son œuvre. Comme il arrive parfois pour certains grands classiques, ce qu'on dit du texte est parfois plus alléchant que le texte lui-même...

N'empêche que me rendre compte de ça m'a bien emmerdée : je comptais coller Alice à mes 6e l'an prochain. Dois-je revoir mes plans sur la base de mon ressenti de présente lecture ou me fier à tous les avis enchantés alentours et au souvenir que j'en avais gardé. J'hésite.


Dans la foulée, j'ai revu également l'adaptation de Burton. Là aussi, c'est plutôt une tuile, mais sans surprise cette fois-ci. Comme lors de sa sortie ciné, j'ai apprécié le premier quart d'heure, jusqu'à ce que tout parte en cacahuètes. L'univers est charmant, les personnages farfelus comme on les aime chez ce réalisateur, même l'idée de la réécriture est intéressante au départ. Mais elle est décidément orchestrée n'importe comment du début à la fin, et cet espèce de couscous à base de mauvaise fantasy auquel on a droit toute la deuxième heure est parfaitement indigeste. Alice en armure face au dragon : c'est à se demander si Burton ne s'est pas trop pris pour la chenille.

Cela étant dit, je clos donc ce billet comme je l'ai commencé : à propos de fumette. J'espère que je ne suis pas celle qui a trop fumé avec cet avis en demi-teinte sur ce merveilleux conte (et que j'avais adoré dans mon souvenir en plus, raaaah). Peut-être est-ce la chaleur aussi ; elle me grille certains neurones. Toutes mes plus plates excuses.

 

Logo Alice.jpgAvec ce titre, je participe à l'année anglaise de Titine (en attente de logo), aux 150 ans d'Alice au pays des merveilles chez Alice, of course

 

 

 

 

 

 

challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpgAinsi qu'aux 100 livres à avoir lus chez Bianca

21ème participation

 

 

 

 

 

08/06/2015

Hollow City de Ransom Riggs

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Hollow City de Ransom Riggs, Bayard jeunesse, 2014, 502p.

Hollow city 3.jpgAttention : Un soupçon de spoilers du tome 1 !

A la fin de Miss peregrine et les enfants particuliers, nous avions laissé notre bande de gamins dans de beaux draps : Une tripotée d'estres déguisés en nazis (oui, ils sont partout) avaient attaqué leur boucle temporelle. Leur repaire détruit, les voilà projetés dans un temps qui se déroule à nouveau, en pleine seconde guerre mondiale, et qui plus est sans la protection aimante et courageuse de Miss Peregrine qui ne peut plus reprendre sa forme humaine.
Hollow City débute à leur départ sur de maigres barques de fortune pour rallier le continent. Leur île n'est plus sûre et trop isolée de tout. Il leur faut trouver l'aide nécessaire pour guérir Miss Peregrine et envisager une nouvelle stratégie face à la menace des estres mégalos.

Ceci est le point de départ mais aussi le résumé de la quasi totalité du tome 2 - à l'exception d'uneHollow city Althea.jpg avancée enfin un poil significative dans la dernière centaine de pages, afin de préparer le tome suivant. On passe donc du roman d'apprentissage qu'était, pour résumer très grossièrement, le premier tome à une sorte de récit d'aventures - en direction de Londres puis en plein cœur de la capitale - où diverses rencontres et péripéties s'enchaînent afin de sauver Miss Peregrine. Why not ! Sauf que j'ai beaucoup moins accroché à ce projet tant j'ai trouvé les dites-rencontres et péripéties plates et poussives, qui semblent n'avoir pour but que de retarder délibérément l'action. J'ai eu la sensation que Ransom Riggs essayait de délayer le peu d'idées qu'il avait sur la perspective à donner à son projet plutôt que de nous en livrer, au contraire, l'étoffe. C'est bien de se lancer dans une trilogie mais encore faut-il avoir la matière pour cela. Le résultat de ce manque de rythme et de ce remplissage est, du coup, un deuxième tome trop long, trop étiré et trop ennuyeux à mon goût. D'autant que le construire uniquement sur la quête d'un remède pour Miss Peregrine nous l'ôte totalement des personnages du récit - si ce n'est comme figurante sous sa forme d'oiseau -, ce qui est une grave erreur : Miss Peregrine était le personnage le plus savoureux du premier tome ! Dans le second, tout tourne autour des enfants aux caractères trop délimités, trop typiques pour être passionnants - et notamment de la donzelle pour qui craque Jacob et qui me hérisse le poil.

En somme, je dois dire que mon enthousiasme précédent est retombé comme un soufflé. Je lirai sans doute le tome 3 quoiqu'il en soit, ne serait-ce que pour avoir le fin mot de l'histoire, mais je ne pense pas me jeter dessus comme j'ai pu le faire sur ce tome-là.

 

challenge-un-pave-par-mois.jpgChallenge Un pavé par mois chez Bianca

Participation de juin 2015

 

 

 

logo mois anglais 2011.jpgLe mois anglais chez Lou, Titine et Cryssilda

3eme lecture

LC autour de la littérature jeunesse/ado

13/12/2014

Le Déchronologue de Stéphane Beauverger

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Le Déchronologue de Stéphane Beauverger, Folio SF, 2012, 554p.

 

coup de coeur.jpg Amateur de pirates endiablés et de folles aventures sur les flots, te voici sur le bon navire ! Tandis que le Déchronologue du capitaine Villon prend l'eau et rend gorge en l'an de grâce 1653, celui-ci use ses dernières secondes pour dérouler le testament le plus ahurissant qui soit, fait de mille vies en une. 
En bon flibustier, Henri Villon a parcouru tous les ports des Caraïbes, bu plus que de raison et embauché pour le plus offrant dans le but de poursuivre son obsession : ces fameuses maravillas énigmatiques qui débarquent ici ou là sans trop savoir d'où et qui ont la vertu d'améliorer grandement un quotidien aride. C'est à peine, en 1640, s'il circule autre chose que des conservas, de la quinquina - et quelques ballons au loin. Rien de dangereux ; seulement de quoi intriguer et éblouir.

C'est à cet instant que tu nous rejoins, amateur de science-fiction rondement menée et d'uchronie de belle facture. Le secret des maravillas se lit dans les méandres des temps passés et à venir ; dans les circonvolutions involontaires et dangereuses d'un temps qui n'en fait plus qu'à sa tête. Progressivement, la folle obsession de Villon tombe à mesure qu'il prend acte des horreurs qu'elles suscitent et des tempêtes hors du commun qui déciment villes et populations. S'il ne se bat plus pour trouver ces merveilles, il se bat pour regagner la liberté d'un temps en phase avec son siècle. Et c'est ainsi qu'advient sa nouvelle obsession qui n'a d'égale que celle du capitaine Achab : Villon doit crever le ventre d'un vaisseau au-delà de tous les superlatifs ; celui que bien des marins ont surnommé le Hollandais volant.

 

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Hendrick Cornelisz Vroom, La Bataille de Gibraltar (1621)

 

Christ-mort, comme dirait Henri Villon : que voilà une livre époustouflant ! Plutôt bon public pour les récits d'aventures au long cours, qui plus est s'ils sont saupoudrés de bonne originalité et d'un peu d'invraisemblance, je m'attendais à apprécier. D'autant qu'il faut noter le talent de Beauverger à cuisiner des genres littéraires a priori bien différents sans que le lecteur ne s'offusque ni ne dérive, bien au contraire.

Je m'attendais à apprécier, donc, beaucoup moins à tomber à ce point sur mon séant dès les premières pages du roman, soufflée par la virtuosité stylistique de Stéphane Beauverger. Il parvient à faire revivre la piraterie - qui ne serait pas tout à fait elle-même sans quelques bons jurons, des relents de tafia et une gouaille accrocheuse - tout en ménageant avec brio une langue raffinée, plus que soutenue et exigeante. Bien peu nombreux sont les écrivains contemporains à afficher encore une telle maîtrise de la langue et une telle beauté de l'exécution.

Le résultat est que le roman donne à voir, littéralement. Nous ne lisons pas, nous sommes avec et chaque seconde est un délice vibratoire. Non content, néanmoins, de mélanger genres et registres, Beauverger s'octroie encore le droit de mélanger les temps ainsi qu'il l'impose à ses personnages. Ainsi, nous sommes soumis à une dé-chronologie : les chapitres sont au petit bonheur la chance disséminés au fil des 554 pages. Il faut s'accrocher, il ne faut pas omettre un détail et noter scrupuleusement en tête de chapitre le lieu et l'année des faits qui vont être livrés sous peine de se perdre dans le tourbillon de treize années pêle-mêle. Cela peut paraître bien laborieux mais ça fait très vite partie du jeu et l'on se plait à avancer en sachant que chaque énigme finira pas trouver réponse tôt ou tard.

Il ne saurait, en somme, y avoir de meilleur conseil que celui d'enjoindre quiconque à découvrir cette petite perle rare. On peut faire les marioles avec pas mal de bouquins mais ici, on se tait et on savoure sous un plaid avec une tasse de thé en se disant que, décidément, la littérature de l'imaginaire n'a strictement rien à envier aux grosses têtes d'affiche de la rentrée littéraire - bien pauvres en comparaison.

Merci à ma copine Natiora de m'avoir donné envie de découvrir ce livre.

Et un (long) extrait pour vous coller l'eau à la bouche :

"Tandis que nous ramions jusqu’à distance réglementaire, j’entendis une dernière fois le Baptiste et Gobe-la-mouche qui coordonnaient les manœuvres pour procéder au tir unique comme convenu. Tous les marins au repos s’étaient alignés contre le bastingage bâbord pour assister à l’événement. Puis je n’aperçus plus que des silhouettes qui nous faisaient des gestes d’encouragement… Puis soudain, plus rien ! Le Toujours debout disparut devant moi le temps d’un battement de cils… Le temps d’un battement de cœur… Ma frégate s’était volatilisée à la manière des burbujas Targui !
– Pute vierge ! m’exclamai-je en constatant le miracle.
Face à moi, Simon ne put retenir un sourire moqueur :
– Derrière vous, capitaine.
Je me retournai et ne pus retenir un nouveau juron : le navire semblait être passé dans notre dos en une fraction de seconde. Maravilla ! Sur le pont, des clameurs joyeuses saluèrent la fin de l’exercice. Quant à moi, j’en restai le ventre noué et l’esprit passé à la chaux : vu depuis la barque, le phénomène était plus surprenant que prodigieux, et je ne pus chasser de mes pensée l’image d’un oiseau aux ailes arrachées attendant la balle fatale. Je comprenais maintenant pourquoi Simon avait tenu à me faire vivre l’expérience de ce côté-ci de l’exercice.
– Mort de moi, bredouillai-je, c’est terrifiant. C’est donc ainsi que vous échappez aux tirs de vos ennemis, en piégeant le temps…
J’avais beau m’être fait expliquer vingt fois le principe, je n’en demeurais pas moins estomaqué. Le Targui se pencha sur les rames et souqua ferme pour rentrer au navire :
– Ce n’est pas exactement ça, mais c’est un résumé qui a le mérite d’être aisément compréhensible.
Je continuai de fixer le Toujours debout qui ralentissait l’allure et achevait un large demi-tour pour revenir vers nous. Si notre frêle esquif avait été un galion ennemi, le Baptiste et ses cannoniers auraient eu le temps de le couler sans risquer d’essuyer la riposte d’une seule espingole. Soudain, je réalisai que j’étais le capitaine du bâtiment le plus prodigieux qui eût jamais sillonné ces eaux, et sans doute tous les océans.
– Ce n’est plus le Toujours debout, laissai-je tomber tristement.
Simon me dévisagea calmement sans cesser de ramer :
– C’est encore votre navire, capitaine.
– Il mérite un nouveau nom à la hauteur de ses prouesses. Quelque chose comme La Mort subite ou L’Exterminateur, dis-je amèrement.
– Vous devriez laisser ce genre d’exagérations aux fanfarons et aux hâbleurs, insista le Targui. Cette frégate demeure le navire du capitaine Villon. Si elle doit être rebaptisée, choisissez quelque chose qui vous corresponde.
Je ne répondis pas. Du pont supérieur, j’entendis les exclamations hilares des matelots. Approchant par l’ouest, les deux burbujas n’avaient non plus rien raté de la scène. Impossible, à cette distance, de dire si Sévère était montée au bastingage pour assister à la démonstration… Au moment de prendre possession de mon vaisseau métamorphosé en maravilla géante, je me sentais obscurément dépossédé de mon avenir. J’aurais payé cher pour avaler quelques verres de tafia brûlant.
– Trouvez-lui un nom, maugréai-je. Après tout, c’est votre création.
Simon cessa de ramer en approchant de la coque de la frégate. On nous lança un bout pour être pris à la traîne le temps de mettre en panne. Il saisit la gaffe tendue par un matelot et m’arrêta alors que j’allais grimper à bord par l’échelle de coupée qui venait d’être descendue :
– Je crois avoir trouvé, dans ce cas. Votre premier navire ne s’appelait-il pas le Chronos ?
– Mon brigantin ? Si fait.
– Dans ce cas, pourquoi ne pas raviver son souvenir ?
– Simon, cela porte malheur de prendre le nom d’un bateau qui a sombré…
– Je pensais à quelque chose de plus audacieux, de plus mystérieux.
Je levai la tête vers le bastingage et les têtes de mes marins enjoués. Parmi les visages radieux, je reconnus les traits délicats de Sévère, impassible, penchée au-dessus des vagues pour m’observer fixement.
– Et quel serait donc ce nouveau nom ? demandai-je en saluant la jeune femme d’une courte révérence.
– Le Déchronologue, révéla fièrement le Targui près de moi.
Je ne sais si Sévère entendit notre conversation, ou si c’est ma courbette qui fit son petit effet, mais elle sourit doucement sans me lâcher des yeux.  Ma mélancolie se dissipa plus vide qu’un baquet de cidre un soir de fête. Je serrai la main de Simon pour signer notre accord :
– Ce nom me plaît ! Il sonne bien et remplit parfaitement son office !
Le visage du Targui s’éclaira d’un sourire ravi. Je levai de nouveau le museau vers l’équipage et mon invitée, pour brailler joyeusement :
– Oh là, mes gorets ! Qu’on aille quérir les peintres et les pinceaux, il y a baptême aujourd’hui !
Puis je montai pour la première fois à bord du Déchronologue, en ignorant encore tout de ce que nous accomplirions ensemble."

 

 

 

challenge-un-pave-par-mois.jpgChallenge un pavé par mois chez Bianca

Participation de décembre