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06/01/2014

Un coeur simple de Gustave Flaubert

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Un cœur simple de Gustave Flaubert, extrait de Trois Contes, 1877
Lecture numérique

 

Un coeur simple ou une petite centaine de pages pour suivre l'existence étonnamment pathétique et pourtant douce de la simple Félicité. Orpheline très tôt et séparée de ses sœurs, elle vivote comme servante dans des familles peu scrupuleuses et éprouve des sentiments qui ne sont jamais partagés. Elle rentre enfin au service de Madame Aubain chez qui elle restera toujours. Elle s'occupe de toute l'intendance et des deux enfants, Paul et Virginie. Félicité est celle qui vit dans l'ombre. Même lorsqu'elle agit en héros, elle n'en a pas conscience. Elle fait ce qui est à faire, vit au jour le jour sans jamais une arrière pensée ni une tergiversation. Elle n'est pas stupide ; elle vit simplement toujours au premier degré dans cette naïveté tantôt fraîche tantôt pitoyable. A cause de son grand cœur qui ne cherche pas plus qu'il ne voit, on la roule parfois dans la farine. On la traite parfois comme un meuble, sans aucun égard pour sa douleur ou sa santé.
Malgré tout, Félicité continue. Dans sa solitude, elle découvre Dieu puis un perroquet et va nourrir pour tous deux un même mysticisme, un même amour fervent, jusqu'à les confondre dans ces vieux jours en un Saint Esprit chatoyant.

Pour une fois, Flaubert ne fait pas preuve d'ironie. Il ne faut pas voir dans ce coeur simple la moquerie condescendante des esprits sans fioriture. Ce serait bien mal connaître Flaubert qui fustigeait au contraire cet esprit petit-bourgeois dogmatique. Il offre le destin sans fard de ceux qu'on ne voit jamais, qui passe sans jamais être saisis. L'hommage se joue dans la prose délicate qui mêle l'héroïsme au profond pathétique.
J'ai été particulièrement émue de cette existence - et au fond, de cette force vive dont fait preuve celle à qui la vie ne sourit jamais vraiment. Une belle découverte classique, encore une ! Décidément, s'occuper un peu de sa PAL a vraiment du bon !

 

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Un coeur simple de Marion Laine avec Sandrine Bonnaire et Marina Foïs


Challenge XIX.jpgChallenge XIXème chez Fanny, dans le manoir aux livres
3eme lecture

12/09/2013

Le Violon noir de Maxence Fermine

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Le Violon noir de Maxence Fermine, ed. Arléa, 2001, 129p.

 

La jeunesse de Johannes Karelski commence comme celle de Mozart. Jeune prodige de la musique, il tombe amoureux du violon et se produit dans toutes les cours d'Europe. Son rêve est d'écrire un opéra qu'il veut grandiose. Que le violon parvienne à exprimer la musique céleste. Mais l'Histoire contrarie ses plans et le voilà appeler à grossir les rangs de l'armée napoléonienne contre l'Italie. Ses camarades soldats dénigrent sa musique : il ne s'agit pas d'être ému la veille de combattre. Un matin, Johannes retrouve son violon détruit au pied de sa couche. Après plusieurs semaines de campagne, il est laissé en garnison à Venise et est hébergé par le meilleur luthier de la ville. Ce dernier a créé un mystérieux violon noir aux pouvoirs puissants. En jouer, c'est tomber amoureux et se briser le cœur en même temps. Johannes confie à Erasmus son rêve d'une femme en noir dont il est épris. Elle lui inspire l'écriture de son opéra mais il s'efface au fur et à mesure qu'il le compose. Erasmus prend alors le relai du récit et lui raconte l'histoire du violon noir, lui aussi lié à cette femme.

J'ai découvert Maxence Fermine il y a un an et demi avec son premier récit, Neige dont j'avais apprécié l'écriture et la thématique. Dans Le violon noir, j'ai retrouvé cette même poésie et une destinée initiatique. Il s'agit plutôt d'un conte que d'un roman. Les chapitres sont très courts et le style embarque par des formulations délicates, aériennes. Il me fait l'effet de petites perles brillantes. Nulle place pour la description ou les péripéties d'une vie entière. Il s'agit plutôt de retranscrire une vie étonnante avec une poésie simple et lumineuse. Les vies croisées de Karelski, musicien virtuose embarqué malgré lui dans l'Histoire, et d'Erasmus, luthier également virtuose sont émouvantes. Tous deux sont animés par cet amour inconditionnel du violon qui se matérialise sous les traits d'une femme à la voix d'or. Le violon inspire un amour tellement divin qu'il semble inatteignable, si ce n'est dans la perte.

Le violon noir est une ode à la musique et aux passions artistiques. Un très beau conte qui ravira ceux qui ont gardé une âme de rêveur et qui donne envie de réécouter un bon concerto pour violon.

 

challenge-des-notes-et-des-mots-4.jpgGrâce à cette lecture, je participe pour la première fois au challenge Des notes et des mots chez Anne !

 

 

 

 

 

 

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Le violoniste joyeux de Gerrit van Honthorst (1592-1656)

20/06/2013

Voler! du moine JAEYEON

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Voler! du moine JAEYEON et illustré par Kim Sehyeon, traduit du coréen par Lim Yeong-Hee et Françoise Nagel, éditions Philippe Pïcquier, 2009, 156p.

 

Voler! est de ces paraboles initiatiques pleines de lumière dont les spiritualités du monde entier ont le secret.
Pilou est un jeune caneton d'élevage. Chaque midi, il part s'ébrouer à la rivière au son clinquant d'une boîte de conserve et il rentre de même le soir avec sa tribu docile. Pilou et les siens ne savent pas voler et se contentent de vivre cerclés d'une haie. Pourtant, Pilou rêve de s'élever dans les airs. Il n'y a aucune raison utilitaire à cela puisqu'il est déjà nourri et est dans une vie confortable bien que recluse. Il veut voler, simplement, comme ces canards sauvages qu'il voit migrer. Tel est le rêve fou de Pilou.
Afin de le réaliser, il s'échappe un jour de son élevage. Oh, ce n'est pas difficile puisqu'aucune barrière n'empêche la sortie ! Mais dès lors que sont loin les entraves rassurantes de la captivité commence une vie faite d'errance, de solitude et de questionnements pour cheminer vers son rêve. Au fil de ses pérégrinations, Pilou va croiser plusieurs personnages étonnants qui, chacun à leur manière, vont le guider sur la voie de l'envol jusqu'à ce qu'enfin, il puisse revenir vers les siens à travers ciel.

Vous l'aurez compris, Pilou, c'est le rêveur en chacun de nous. Bien souvent nous l'oublions et nous devenons comme ce vieux canard qui a trouvé la voie de la sérénité en faisant le deuil de ses aspirations profondes. Parfois, nous croisons aussi des esprits dogmatiques et froids qui nous imposent une foi qui n'est pas la nôtre, comme ce vieux héron qui veut imposer son savoir au lieu de le laisser fleurir dans le coeur de l'élève.
Mais Pilou nous rappelle que les rêves sont ce qui nous consituent, ce qui nous fait avancer et l'auteur profite de ce cheminement en la forêt de l'être pour incarner plusieurs grands principes bouddhistes : la méditation, la concentration, l'ascétisme, la solitude, la persévérance, la liberté et bien sûr l'amour. Le chemin de sa propre réalisation n'est pas un parcours de santé, d'après le moine Jaeyeon. Les embûches et parfois la souffrance sont nécessaires. Elles affinent, aiguisent et recentrent. Mais ce n'est pas que cela non plus car l'être apprend à s'ouvrir à chaque particularité du monde et développe une profonde acuité - comme Pilou peut sentir chacun de ses vaisseaux sanguins lorsqu'il bat des ailes.

Ceux qui me connaissent savent que j'ai quelques accointances avec les spiritualités asiatiques, aussi j'étais une lectrice plutôt conquise d'emblée par le propos du joli récit que voilà. Il y a beaucoup de vrai dans cette quête de soi au-delà des chaînes de la société. J'ai néanmoins toujours un peu de mal avec ce ressassement de l'ascétisme nécessaire ici un peu trop appuyé à mon goût. Ce n'est certes pas complètement faux mais, si la solitude et les entraves sont toujours l'occasion d'un enseignement fructueux s'ils se présentent, ils ne me semblent pas pour autant primordiaux pour cheminer. Et quand bien même ce serait le cas, je préfère aller moins loin dans la joie que peiner comme un pauvre diable tout seul en haut de ma montagne de sagesse.
Malgré ce petit bémol, Voler! est un conte délicat qui fera une très belle introduction à qui veut s'initier à la sagesse bouddhiste ou à qui veut entamer une marche intérieure.

Bonne route - ou devrais-je dire, bon vol !

 

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Oiseaux de Judit Reigl, encre de chine, 2011

 

PrintempsCoree3.jpgLu en lecture commune avec Coccinelle pour clore en beauté son printemps coréen
C'est par ici pour voir son billet !