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11/05/2016

Le piano oriental de Zeïna Abiracheb

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Le piano oriental de Zeïna Abiracheb, Casterman, 2015, 208p.

 

Adieu les barrières du temps, de l'espace et de la page : Zeïna Abiracheb voyage si elle veut entre son propre passé de franco-libanaise - deux maisons, deux langues et toute la chanson qui va avec - et l'histoire d'un aïeul un brin fantasmé, qui devient Abdallah Kamandja sous sa plume, doux rêveur insatiable qui fantasme un piano oriental : le piano d'entre les cultures, capable de jouer les musiques classiques orientales et occidentales tout à la fois.

Sous la fraîcheur du trait et du propos, sous les sourires affichés de la couverture qui ne se démentent pas au fil de la lecture, la profondeur est impressionnante et jouissive, où l'art devient le pont qui relie durablement et insuffle l'élan primordial des existences - il en va de la musique pour Abdallah comme du jeu de la langue et du dessin pour Zeïna - ; où la bichromie, en outre, se découvre d'une richesse incroyable dans les formes et les gestes : c'est toute une circularité qui imprime son mouvement de page en page, faisant fi des cases ou d'une régularité illusoire. Zeïna Abiracheb donne à son oeuvre une musicalité nouvelle et épatante dans le paysage graphique actuel, pourtant déjà plein d'originalités et d'éclats, quelque chose qui tient à la fois d'une gaieté légère et d'une nécessité de savoir d'où l'on vient pour savoir qui l'on est.

Une bien belle découverte, merci Moglug !

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26/03/2016

L'arabe du futur 2 de Riad Sattouf

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L'arabe du futur 2 de Riad Sattouf, Allary Editions, 2015, 158p.

 

Après une prime enfance baladée entre deux pays, Riad Sattouf s'attèle dans ce second volume à décrire sa première année d'école. La famille est revenue habiter en Syrie, le pays du père, pour que ce dernier soit proche de sa famille et surtout de sa mère vieillissante. Ils logent dans un appartement miteux sans confort particulier - l'électroménager se trouve au marché noir à un prix exorbitant - et la villa luxueuse qu'envisage le père tient plus du fantasme que du véritable projet. Dans ce contexte, Riad découvre l'école, ce territoire sauvage où maîtresse et maître se succèdent dans une violence exacerbée, un culte de la religion et du président. Le mot d'ordre est indéniablement le formatage et les enfants de répéter, régulièrement, en balade ou au jeu, ces phrases toutes faites assénées par les grands comme des vérités prophétiques qui ne se discutent pas.

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En parallèle, on retrouve la figure paternelle toujours aussi contradictoire, tantôt drôle, un peu libre et désinvolte, tantôt engluée jusqu'au cou dans des traditions d'un autre temps (il hésite tout de même à prévenir la police suite à un crime d'honneur). Étonnamment, j'ai bien plus peiné à croire en son rêve d'un arabe du futur éclairé dans ce tome que dans le précédent tant il revient moins, finalement, et tant son comportement théâtral, trop confiant, installé dans une suprématie molle et creuse, opposéE à l'inexistence de la mère sur le devant de la scène, m'a sauté aux yeux.

Honnêtement, je me suis même fréquemment ennuyée à la lecture de ses pages tandis que j'avais goûté franchement mon plaisir auparavant. Il m'a semblé qu'on tournait en rond, c'est à dire que le message n'évoluait pas, ne s'étoffait pas non plus, mais s'étirait indéfiniment sur un tome supplémentaire avec une certaine forme de complaisance qui, à force, m'a irritée. Évidemment, je persiste à reconnaître le talent de Riad Sattouf de croquer des instants de l'être pour lui donner des allures de figures emblématiques - et la figure de l'enseignant dans le contexte de la dictature syrienne est particulièrement prégnant, mais on pense aussi à tous les personnages secondaires du volume, du vendeur de matériel scolaire, au garde du corps du Général, en passant par la demi-sœur du père ou le petit garçon un peu fou dans le cimetière. Tous ces personnages composent indéniablement une fresque à la fois haute en couleurs et passablement désespérante. Il y a quelque chose de doux-amer dans les yeux et les paroles de tous.

Mais voilà, à force, on a bien compris le message et on est tenté de regarder par la fenêtre. La visée est bien moins claire dans ce tome-là, ou peut-être est-ce moi qui n'ai pas eu envie de prendre le recul nécessaire cette fois-ci pour lire avec un double regard. Toujours est-il que cet arabe du futur 2 ne m'a rien apporté de plus que le premier, j'ai même trouvé que la redondance devenait pénible. Ici, on s'écarte clairement du parallèle que j'avais fait avec Persepolis lors de ma lecture du premier tome. Ça manque d'une dynamique et d'une évolution nécessaires du/des personnages et ça tend parfois, malheureusement, à tomber dans l'anecdotique.

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Merci à PriceMinister pour l'envoi dans le cadre de La BD fait son festival 2016

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