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11/03/2012

Requiem d'Antonio Tabucchi

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Requiem d'Antonio Tabucchi, traduit du portugais par Isabelle Pereira et la collaboration de l'auteur, ed. Christian Bourgois, 1993/Folio 2006, 184p.

 

 

Sous-titré "une hallucination", cet ouvrage ne pourrait être mieux décrit. Escapade fantaisiste, fantasme de rencontres improbables, le lecteur est invité à vivre douze heures de grand n'importe quoi. Il aura pour acolyte un personnage qui ne comprend pas plus ce qui lui arrive. En train de lire tranquillement la seconde d'avant, il s'assoupit et se réveille dans un Lisbonne halluciné où il va évoluer durent une journée de juillet. Il croisera toute une série de personnages étranges, fascinants - imaginaires ou réels, vivants ou morts - le tout dans un enchaînement délirant jusqu'à dîner avec un raconteur d'histoires que l'on sait grand poète du XX - s'agirait-il de Fernando Pessoa pour qui l'auteur nourrit une grande passion ?

Il y a sans doute mille manières de lire ce type de livres, pour ma part j'en vois deux : soit le lire à cloche pages, en prenant un maximum de recul et de distance, soit prendre du LSD et se marrer comme une baleine en vivant en même temps le voyage. Je vous conseille la première solution (moins risquée pour la santé), et ainsi, on savoure pleinement la loufoquerie de l'ouvrage servie avec une langue rythmée et piquante qui relève bien le plaisir. Ne le lisez surtout pas trop sérieusement, vous risquerez de vous ennuyer et ce serait dommage.

A noter que l'édition Folio nous offre un très chouette appendice en fin de livre, initialement paru dans La NRF en 1999, dans lequel l'auteur revient sur son processus d'écriture et surtout sur le choix d'une langue étrangère pour rédiger cette "hallucination". Un ajout passionnant sur le travail d'écrivain.

 

 *

 

Incipit :

 

"Je me dit : ce mec n'arrivera donc jamais. Puis, je pensai : je ne peux pas l'appeler "ce mec", c'est un grand poète, peut-être le plus grand poète du XXe siècle, il est mort depuis longtemps, je lui dois du respect - disons mieux, un grand respect. Malgré tout, je commençais à m'ennuyer ferme, le soleil était brûlant, un soleil de fin juillet, et j'ajoutai pour moi-même : je suis en vacances, je me trouvais tellement bien là-bas, à Azeitao, dans la ferme de mes amis, pourquoi donc ai-je accepté ce rendez-vous ici, sur ce quai au bord du Tage ? C'est complètement absurde. Et je regardai à mes pieds la silhouette de mon ombre, qui me parut elle aussi absurde, incongrue, dénuée de sens, courte comme elle était, écrasée par le soleil de midi, et c'est alors que je me souvins ; il m'a donné rendez-vous à douze heures, mais il voulait peut-être dire douze heures du soir, parce que les fantômes apparaissent à minuit. Je me levai, je longeai le quai. La circulation sur l'avenue avait cessé, les voitures étaient rares, certaines emportaients des parasols sur leur porte-bagages - tous ces gens-là s'en allaient vers les plages de Caparica, il faisait une chaleur étouffante, et je pensai alors : mais qu'est-ce-que je fais ici, le dernier dimanche de juillet ? Et j'allongeai le pas pour arriver le plus vite possible au jardin de Santos, peut-être y ferait-il un peu plus frais."