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30/01/2014

A la grâce de Marseille de James Welch

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A la grâce de Marseille de James Welch, ed. Albin Michel, coll. Terres d'Amériques, 2001, 467p.

 

Charging Elk, jeune lakota à la stature imposante et la peau brune, grandit en même temps que l'émergence des réserves sur sa terre ancestrale. Tandis que ses parents acceptent de vivre comme les wasichus, lui s'échappe avec son compagnon Strikes Plenty pour vivre au Bastion, ce coin de nature sauvage où vivent encore quelques membres dissidents de son peuple. Mais cette vie libre n'a pas que des joies : le quotidien est dangereux, la nourriture rare et les hivers rudes. Tandis que Strikes Plenty décide donc de réintégrer la réserve pour s'établir et se marier, Charging Elk est engagé dans la troupe du Wild West Show de Buffalo Bill et part avec d'autres lakotas pour le vieux continent. Pendant plusieurs semaines, il va rejouer la chasse au bison ou les combats contre les cowboys ; toutes ces scénettes qui deviendront autant de clichés de "l'Indien". Cette vie s'arrête net un jour qu'il chute de cheval à Marseille car atteint par la grippe, et se blesse. La troupe du Wild West Show quitte la ville et le laisse seul, à l'hôpital, sans une seule connaissance - pas même celle de la langue - dans ce pays inconnu. Cet évènement, sur lequel début le roman, est le virage radical d'une vie qui devra dorénavant se jouer entre le vieux port et les quartiers animés du sud de la France. Chaque rencontre que fera Charging Elk influera sur son évolution chaotique, souvent faite d'embûches mais aussi d'instants de douceur.

 

Buffalo_Bills_Wild_West_Show,_1890.jpg
Buffalo Bill Wild West Show (1890)

 

Après avoir exploré l'Histoire Blackfeet aux prises avec les colonisateurs dans Comme des ombres sur la terre, James Welch fait ici le voyage inverse et projette son héros amérindien sur le vieux continent où tout lui est différent. Charging Elk est l'étranger par excellence. Le choc des cultures est total. Même les personnages qui tâchent de l'aider ont tendance à voir toujours en lui ce "sauvage en voie de disparition". Charging Elk est comme un animal exotique : il était passionnant lorsque observé depuis un gradin de spectacle mais terrifiant dès qu'il se balade librement dans les rues. Dans ce roman, Welch nous invite à réfléchir sur cette dichotomie entre connu et étranger, sur le rejet et la possibilité d'une intégration. Au delà d'une histoire amérindienne (qui lui a été inspirée lors d'une dédicace en France par un de ses visiteurs dont la grand-mère était amérindienne), il s'agit d'une histoire universelle et plus que jamais d'actualité. On le voit bien ici, l'intégration se révèle difficile tant du point de vue de Charging Elk qui peine à se plier à de nouveaux modes de vie sans pour autant perdre son identité, que du point de vue des marseillais divers et variés qui éprouvent toute une gamme d'opinions - du rejet à l'affection - mais qui, quoiqu'il en soit, ne le considèrent jamais comme leur égal. C'est ce regard supérieur qui fera souvent chuter Charging Elk bien plus durement que justifié. Sa "sauvagerie", son incompréhension, loin de fonctionner comme des circonstances atténuantes sont souvent aggravantes.

Progressivement néanmoins, il apprend à vivre au contact de cet Ancien Monde. Il n'a plus honte d'être lui-même, il apprécie les nouveaux espaces. D'autant qu'il a l'intime conviction que son monde de jadis n'existe plus. Il s'agit pour lui de se créer son propre monde, d'opérer une sorte de syncrétisme duquel peut émerger une nouvelle existence. Malgré de nombreux épisodes sombres, le roman est finalement poignant et plein d'espoir. Il existe toujours l'opportunité d'un aboutissement ; le cheminement n'est jamais vain. C'était déjà sur cette note que se terminait Comme des ombres sur la terre. En finissant ce nouvel opus, James Welch me fait vraiment l'effet d'un romancier pour qui l'exploration du passé, sa connaissance, sert avant tout à un nouveau souffle d'avenir. Ce n'est pas nostalgie ou ressassement mais plutôt lumière pour avancer vers de nouvelles perspectives.

Bref, malgré un petit bémol car j'ai trouvé le début un peu long - l'histoire met un moment à démarrer vraiment - c'est là un roman que je vous encourage vivement à découvrir si ce n'est pas déjà fait ! Pour ma part, je ne compte pas arrêter là l'exploration de son œuvre !

 

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Commentaires

Je n'ai pas lu celui-ci mais t'encourage à aller plus avant chez ce romancier hélas disparu assez jeune. J'ai lu et aimé Comme des ombres sur la terre, La mort de Jim Loney (mon préféré), L'avocat indien.

Écrit par : Eeguab | 30/01/2014

Oui, c'est le projet (je bosse sur lui, entre autres, pour mes recherches donc... ^^). J'ai déjà lu "Comme des ombres sur la terre" (j'ai mis le lien sur le billet d'ailleurs) ainsi que "L'hiver dans le sang" (billet à venir) et "La mort de Jim Loney" est dans ma PAL. Je note qu'il est ton préféré ! Je le lirai prochainement.

Écrit par : Lili | 30/01/2014

Wow, quel billet ! Je ne suis pas très tentée par l'histoire, mais j'admire la finesse de ton analyse, tes réflexions sont vraiment intéressantes. (Tu vas cartonner pour tes recherches ! ;) )
Par contre, je t'avoue avoir eu du mal à comprendre la signification du titre du bouquin ^^

Écrit par : Charline | 31/01/2014

Merci ma douce ! J'espère tout déchirer, ouais :D
Concernant le titre français, il n'a aucune signification en plus d'être moche et rebutant : c'est bien le problème ! Le titre VO est "The heartsong of Charging Elk", difficilement traduisible, certes, mais bon, on aurait pu remplacer "heartsong" par "ballade" par exemple ? Bref, trouver un subterfuge pour garder quand même l'essence du titre plutôt que de tout changer pour... une grosse daube, fausse qui plus est !

Écrit par : Lili | 31/01/2014

Ouch ouais, y'a pas photo : le titre en VO est quand même vachement plus beau. À la limite, ils auraient pu le laisser en anglais, je ne comprends pas ce que le "à la grâce de" vient foutre... :D

Écrit par : Charline | 31/01/2014

Disons qu'il est effectivement "à la merci" de Marseille dans un long premier temps, mais le roman va au-delà, idée qui est bien mieux rendue par le titre original qui laisse entendre l'idée d'un parcours, d'un apprentissage du cœur. Rahhh, cette fâcheuse tendance à vouloir parfois transformer des titres qui n'avait pas lieu de l'être !

Écrit par : Lili | 02/02/2014

Ah tiens, il ne me déplairait peut-être pas celui-ci ! Et je suis bien d'accord pour le titre !!!! Je suis sûre que ce genre de titres doit desservir à mort ce roman !

Écrit par : Manu | 02/02/2014

Clairement ! Déjà que la littérature amérindienne ne botte pas grand monde, avec un titre pareil, c'est totalement foutu. Perso, j'ai longtemps hésité à l'attaquer à cause de ça, j'imagine donc les autres... Alors que, pourtant, le propos du roman est très intéressant. Contente en tout cas que mon billet te donnerait presque envie de tester ;)

Écrit par : Lili | 02/02/2014

Les commentaires sont fermés.