14/04/2014
Opéra sérieux de Régine Detambel
Opéra sérieux de Régine Detambel, Actes Sud, 2012, 136p.
L'intervention récente de Régine Detambel à La Grande Librairie de François Busnel m'a interpelée et j'ai immédiatement souhaité découvrir la plume de cette auteure. En attendant que ma bibliothèque acquiert le titre pour lequel elle était invitée, La Splendeur, j'ai opté pour Opéra sérieux.
Ce très court roman brosse l'existence dure et hors du commun d'Elina Marsch, fille de chanteurs d'opéra d'exception ; son père est le ténor préféré de Janáček ; et future diva elle-même. Elle nait un soir de décembre 1926 tandis que L'affaire Makroupoulos se joue pour la première fois avec son père en vedette et que sa mère rend son dernier souffle. Opéra, vie et mort sont d'ores et déjà liés dans la vie d'Elina depuis ce prime hiver. Elle devient une enfant solitaire et fragile, que la perte du ventre maternel berce constamment. Seul le chant lyrique, notamment celui de Magda, parvient à calmer ce manque viscéral. Petit à petit, Elina se met elle-même à chanter et le chant prend toute la place de sa jeune vie. Ainsi se rythme une vie d'exercices vocaux, de scènes, de découvertes et de terreurs enfantines entre le vieux continent et les États-Unis - car derrière cette vie intime et impressionnante se jouent la partitions de la seconde guerre mondiale et l'ostracisme galopant à l'encontre des Juifs.
En aussi peu de pages, point de détails à foison ou de longues descriptions. La visée de ce roman n'est pas de brosser une ample biographie fictive mais plutôt de distiller une atmosphère, une allure particulières : pour filer la métaphore toute donnée par le titre et le propos, il s'agit de jouer du rythme et du son des mots avant tout. Vous l'aurez compris, Opéra sérieux est affaire de style musical. J'avoue qu'il m'a surprise - dans le bon sens du terme - dans le premier chapitre qui mêle les trois entités primordiales de la vie d'Elina. Phrases galopantes et vocabulaire acéré miment à la fois le souffle du ténor et le cri de l'accouchée. Progressivement l’œil et l'esprit épousent de mieux en mieux cette écriture qui se meut au gré de l'évolution de l'héroïne. Je n'irai pas jusqu'à me répandre en éloges dithyrambiques comme j'ai pu le lire sur d'autres blogs - il me semble qu'à certains moments, on peut voir les "coutures" du style, ce qui me semble très subjectivement un tantinet dérangeant -, je l'ai trouvé néanmoins intéressant, ambitieux (même si l'ambition n'est pas toujours atteinte) et original. Ce titre me donne indéniablement envie de lire d'autres romans de Régine Detambel car si elle travaille toujours dans cette veine stylistique et qui sait, avec parfois un peu plus de souplesse, elle a tout pour me plaire ! Mon idée de départ était d'enchaîner prochainement avec son dernier titre ; j'en ai maintenant doublement envie !
Dédicace spéciale pour ma copine blogueuse Natiora : j'ai pensé à toi en lisant ce livre. Je pense qu'il te plairait beaucoup !
Challenge Des notes et des mots chez Anne
5eme lecture
09:00 Publié dans Challenge, Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
Ah oui, ton avis me tente beaucoup ! Et comme tu me connais bien, si tu dis que tu as pensé à moi, c'est qu'il me le faut :) Merci ma Lili :***
Écrit par : Natiora | 14/04/2014
En fait, j'ai senti quelques parallèles avec Jeanne Benameur - même si ce n'est pas du tout la même écriture ni le même propos, je me suis dit que c'est une auteure qui devrait te plaire dans cette veine là ! J'ai hâte d'en savoir ton avis si tu essayes ! :) :*
Écrit par : Lili | 14/04/2014
Haaa, ça donne bien envie. Même si je garde en tête les coutures du style que tu soulignes, j'espère qu'elles ne prennent pas tout l'espace de la lecture ! J'ai déjà lu "Petit éloge de la peau" il y a quelques années de la même auteure, un petit livre qui m'avait bien marquée (j'ai d'ailleurs découvert Sylvia Plath grâce à elle ! ;) ). Du coup ton billet me donne envie de remettre un peu de Régine Detambel dans ma PAL, yeah !
Écrit par : Charline | 14/04/2014
Oui, il y a tout à fait possibilité d'apprécier le texte malgré les "coutures", rassure-toi ! J'ai lu cependant ici ou là que certains regrettaient que ce souci du style tende à maintenir le lecteur à distance du personnage d'Elina. Pour ma part, cela ne m'a pas dérangée. J'espère que ce titre te plaira !
Écrit par : Lili | 14/04/2014
Je l'ai reçu lors du swap Des notes et des mots et je ne l'ai toujours pas lu !! Il me faudrait essayer de consacrer un peu de temps à ce challenge en juin !! J'aime bien la sensibilité de Régine Detambel, j'ai lu un roman jeunesse La fille mosaïque et aussi Graveurs d'enfance. Et "Son corps extrême" traîne toujours dans ma PAL aussi, tiens...
Écrit par : Anne | 14/04/2014
Ahhhh le gouffre de nos PAL qui jamais ne s'épuise... J'y ai retrouvé dernièrement un bouquin dont j'ignorais même l'existence héhé ! C'est le lot de la plupart de nos livres d'y rester un petit paquet de temps avant d'être lus ; le tout c'est de les apprécier en temps voulu :)
Écrit par : Lili | 14/04/2014
L'histoire ne me tente pas mais je sais que j'avais repéré un titre de cette auteure et en lisant les commentaires, je pense que c'est "Son corps extrême".
Écrit par : Manu | 17/04/2014
Oui, c'est le titre qui est paru juste avant "Opéra sérieux". Elle semble être une auteure très prolifique... Pour le coup, l'histoire de "Son corps extrême" me tente moins mais pour son style, je me laisserai peut-être tentée un de ces 4. Je louerai d'abord "La splendeur" malgré tout :)
Écrit par : Lili | 17/04/2014
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