31/10/2016
Le fantôme de Canterville d'Oscar Wilde
Le fantôme de Canterville d'Oscar Wilde, 1887
Livre audio gratuit en ligne
M. Otis, un ministre américain, achète l'antique manoir des Canterville où il emménage avec toute sa famille. On comprend rapidement que le dernier Lord Canterville cède cette demeure ancestrale à cause du fantôme de Sir Simon qui rôde dans les couloirs et se plaît à terroriser tout le monde. Qu'à cela ne tienne : il en faut plus pour faire fuir la famille Otis ! Une tâche de sang ose persister sur le sol ? Le fils aîné, Washington, y va de son détergent Pinkerton surpuissant et n'hésite pas à frotter tous les jours pour affirmer qui est le maître sur cette ennuyeuse tâche ! Le fantôme fait grincer ses chaînes dans les couloirs ? M. Otis lui envoie gentiment au visage une fiole de lubrifiant pour cesser de réveiller tout le monde avec ce bruit de vieille ferraille ! Et il en va ainsi sur les 2/3 tiers de la nouvelle, le fantôme rivalisant d'ingéniosité pour pétrifier de peur les nouveaux propriétaires, et ces derniers poursuivant tranquillement le cours de leur vie, non sans s'amuser à terrifier le fantôme à leur tour. A ce petit jeu, c'est le fantôme qui finit par se lasser, à bout d'idées pour hanter les lieux. Il commence à se dire que le repos serait doux, si seulement il pouvait cesser d'être une âme en peine...
Que cette nouvelle démarre bien et de manière délicieusement audacieuse ! Oscar Wilde nous ravit d'une ironie caustique qui subvertit les codes du récit gothique de fantôme, cher au XIXème siècle anglais, et égratigne les liens et différences entre américains et britanniques. La famille Otis incarne ces américains progressistes, qui n'ont que faire d'obscures croyances ridicules ; Sir Simon, Lord Canterville et les domestiques de la maisonnée sont, quant à eux, les parangons des vieilles valeurs et des vieilles coutumes. Le combat est évidemment inégal : il est difficile d'effrayer celui qui se moque des fantômes. Tout n'est pas clivé, cependant, et la famille Otis apparaît aussi, sous certains aspects, comme une famille bourgeoise de l'époque : certes riche, et bien en vue dans le monde, mais sans la classe aristocratique des Canterville.
Malheureusement, cette verve originale et impertinente décline à mon sens dans le dernier tiers du texte, au profit d'un retour à cette morale que j'avais déjà sentie sourdre dans Le portrait de Dorian Gray. Cette amitié délicate qui se noue entre le fantôme et la jeune fille de la famille, Virginia, et le rachat des péchés pour acquérir la paix de l'âme fait basculer la nouvelle dans un premier degré beaucoup moins savoureux et l'enthousiasme retombe progressivement jusqu'à une fin (heureusement courte) presque ennuyeuse et banale. Il faut croire que l'audace du dandy vaut pour un certain temps ; celui de secouer un peu le cocotier des conventions sociales sous couvert d'atours amusants et piquants ; mais ne saurait, pour autant, prétendre à déraciner totalement l'arbre séculaire. Après avoir bien secoué, on finit tout de même par remettre le cocotier en place et par balayer les feuilles. Oscar Wilde laisse ainsi la place nette, aussi belle et conventionnelle, qu'il l'avait trouvée en arrivant.
Challenge Halloween 2016 chez Lou et Hilde
3ème lecture
15:58 Publié dans Challenge, Classiques, Fantastique/Horreur, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : oscar wilde, fantôme, canterville, morale, gothique, ironie, second degré, américain, anglais, halloween
Commentaires
Haha j'adore cette nouvelle pour sa première partie. En effet la fin est ennuyeuse. Je me souviens vaguement d'un grand rayon de lumière et de l'aspect religieux de la chose... À lire néanmoins. :)
Écrit par : Alys | 31/10/2016
"un grand rayon de lumière et de l'aspect religieux de la chose" : c'est exactement ça ! Et un peu dommage, quand on connaît les velléités iconoclastes de Wilde... Mais je suis d'accord avec toi, c'est malgré tout une nouvelle à lire et découvrir, ne serait-ce que pour les deux premiers tiers réjouissants à souhait !
Écrit par : Lili | 02/11/2016
J'avais craqué pour cette nouvelle durant mon adolescence. Il va s'en dire que c'était dans ma période Oscar Wilde. Je continuerai à le conseiller à des amies lectrices.
Écrit par : toujoursalapage | 01/11/2016
Héhé, pour ma part, j'ai eu ma période Baudelaire. C'était pas mal non plus :D
Écrit par : Lili | 02/11/2016
C'est vrai que la dernière partie est un peu plus fade mais ça reste une histoire que j'adore ! intemporelle :-) Bon halloween+1 jour !
Écrit par : FondantGrignote | 01/11/2016
Je suis d'accord avec toi ! La fin ne doit pas gâcher l'intérêt de toute la nouvelle ! Bon début de Novembre à toi !
Écrit par : Lili | 02/11/2016
J'avais aussi trouvé très ennuyeuse cette nouvelle. Pas de bel esprit comme dans d'autres récits de Wilde....
Écrit par : maggie | 01/11/2016
Je ne dirais pas que je l'ai trouvée ennuyeuse dans sa totalité... Je me suis vraiment amusée pour une bonne partie. Mais la fin est un peu dommage...
Écrit par : Lili | 02/11/2016
Je vais noter ce titre pour le prochain challenge ;)
Écrit par : Nahe | 02/11/2016
Oui !
Écrit par : Lili | 04/11/2016
Les commentaires sont fermés.