07/05/2018
Rendez-vous poétique avec Charles Baudelaire et Alfons Mucha
En ce moment, je suis plongée dans Salammbô de Flaubert et c'est tout simplement merveilleux. Dans ce roman, je découvre Flaubert poète des sens, du luxe et de l'exotisme, ce que ne m'avaient pas laissé présager ses autres œuvres. Salammbô est une invitation au voyage. Tout y est poétique, ardent et impeccable (les mauvaises langues diront grandiloquent et invraisemblable mais elles sont faites pour être ignorées).
C'est exactement le roman qu'aurait pu écrire Baudelaire s'il s'était adonné à ce genre littéraire. A défaut, "La chevelure", dans Les fleurs du mal, fait particulièrement écho à cette beauté surannée et cette sensualité exigeante, un poil décadente, de Salammbô. Je ne résiste pas à l'envie d'en faire le rendez-vous poétique de ce joli mois de mai. Après tout, un poème de Baudelaire, c'est toujours une bonne idée.
La Chevelure
Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.
J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :
Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
Alfons Mucha, Salammbô, l'incantation, 1896
13:20 Publié dans Art, Poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : charles baudelaire, baudelaire, chevelure, poésie, poème, voyage, invitation au voyage, exotisme, correspondances, synesthésie, mucha, alfons mucha, art, salammbô, flaubert, gustave flaubert, rendez-vous poétique, peinture
Commentaires
Que j'aime Baudelaire. Et l'art Nouveau. Belle association, merci :-)
( j'avais lu le petit opus " un été avec Baudelaire ", interessant et agreable a lire, le propos ne se limite pas au poète mais aussi au critiqué, au parisien )
Écrit par : Marilyne | 07/05/2018
Je l'ai noté il y a un moment ce titre, tiens ! Moi aussi j'aime passionnément Baudelaire et Mucha ! L'occasion s'est bien trouvée de les proposer aujourd'hui ; Salammbô était particulièrement inspirante !
Écrit par : Lili | 07/05/2018
Somptueux ! Que j'aime tes associations ! Et Baudelaire est évidemment toujours une bonne idée. Tu m'as sérieusement fait considérer Salammbô comme lecture prochaine, ce que je n'aurai jamais pu croire possible (mais j'aime quand la vie me surprend ;))
Écrit par : ellettres | 08/05/2018
Ahhh je suis ravie !! Si ça peut te rassurer, je ne l'aurais pas cru possible pour moi non plus, tout récemment encore ! Et puis, la magie des podcasts France Culture que tu connais bien et bim ! Coup de foudre ! Vivent les surprises !
Écrit par : Lili | 09/05/2018
Oui, Beaudelaire est toujours un bon choix... Je pense que c'est le seul poète que j'apprécie réellement! :)
Écrit par : Alys | 10/05/2018
Oh quel dommage ! Enfin, je comprends : s'il n'en restait qu'un, ce serait celui-là (comme dirait l'autre !). Mais quand même, il y a tellement d'autres merveilleux poètes !
Écrit par : Lili | 11/05/2018
J'étudie Baudelaire avec ma classe de Première en ce moment, plus spécifiquement la section "Spleen et Idéal". Il y a plusieurs années que je ne m'étais pas replongée dans Les Fleurs du mal et je me régale. Je prends un vrai plaisir à préparer mes cours.
Écrit par : George | 19/05/2018
Ce recueil de Baudelaire fait partie de ces monuments poétiques indépassables. C'est pour faire travailler sur ce genre d’œuvres que je regrette parfois de ne pas être au lycée mais bon, je ne me prive pas de faire tout de même un texte de Baudelaire à chacune de mes classes. On pousse simplement un peu moins loin l'analyse ^^
Écrit par : Lili | 21/05/2018
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