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19/09/2013

Le Livre des nuits de Sylvie Germain

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Le Livre des nuits de Sylvie Germain, ed. Gallimard, 1985, 293p.

 

Voilà presque trente ans que Sylvie Germain embellit les Lettres de notre belle contrée et trente ans que je passais à côté. Allez savoir pourquoi. Au moment de refermer ce premier roman prodigieux, je me dis que le temps est venu pour moi de rattraper mon retard tant j'ai pris une claque comme ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps en littérature française.

Ce sont six nuits et presque un centenaire que nous traversons le souffle coupé et les yeux éblouis aux côtés de la famille Péniel. Des racines de l'eau douce, naitront trois générations d'hommes marquées par la mort brutale, la guerre de 70 et la mutilation. Au décès de son père, Victor-Flandrin quitte ce territoire aquatique avec sa grand-mère Vitalie, qu'il perdra bientôt. Il pénètre seul mais habillé d'un collier de larmes perlées et d'une ombre blonde mystérieuse dans la vie d'à-terre jadis si terrifiante et s'établit dans un hameau feuillu de la Meuse. Loin de tout, ne ressemblant à rien, c'est dans cet espace sans amarre qu'il va construire sur cinquante ans une famille tentaculaire marquée d'une pointe d'or dans le regard.

Comment décrire ce livre sans l'amoindrir, le résumer tragiquement ? Sylvie Germain nous embarque dans un pays fascinant où les deux guerres mondiales deviennent épopée médiévale, où les destinées fauchées des enfants Péniel deviennent tragédie antique, où la vie même de Victor-Flandrin tient du conte fantastique. Cette faculté de transfigurer ainsi le réel pour en exprimer aussi bien sa cruelle vérité tient du génie le plus pur. J'en suis tant charmée et admirative qu'il m'apparait vraiment compliqué d'écrire à présent une chronique sur ce roman. Il fait partie de ces œuvres à côté desquelles on se sent tout petit et tout nu. Toute ma lecture, j'ai oscillé entre l'étonnement, la terreur, et le délice, ce fameux mélange d'émotions qui se révèle au contact des grandes œuvres. Aussi, plutôt que de vous la paraphraser ou continuer à énumérer tout ce que je sais de verbes élogieux, je vous invite urgemment à vous procurer ce livre et à le lire dès lors que vous en sentirez le bon moment. C'est un roman dur, sans nul doute. Les destins des enfants Péniel, tous frappés de gémellité,  se perdent dans les affres de l'histoire et des passions. Le livre des nuits est un roman d'initiation fantastique et fantasmé où la quête identitaire se joue à la croisée de mondes surnaturels implacables. Mais c'est aussi un roman lumineux où point l'éternel recommencement de la vie. Jusqu'à la fin la naissance saura contrer la mort et même au sortir de l'effroyable épisode de la seconde guerre mondiale un nouvel enfant germera de l'antique terre noire. Un roman tout simplement bouleversant et indispensable.

 

 

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16/09/2013

La marche du cavalier de Geneviève Brisac

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La marche du cavalier de Geneviève Brisac, ed. de l'Olivier, 2002, 136p.

 


Voilà plusieurs mois que je suis inscrite au challenge Lire avec Geneviève Brisac d'Anis et je n'avais toujours pas lu l'ouvrage qui l'avait inspiré. Je faisais la mauvaise élève à ne chroniquer quasi que des livres de Virginia Woolf et il était temps que je rattrape mon retard. Justement, je le trouvai sur la table des nouveautés de ma bibliothèque la veille de partir en vacances : Bingo ! Une lecture parfaite, me dis-je, pour faire contre-point avec les autres livres déjà dans la valise. C'est donc dans la décontraction et la disponibilité d'esprit la plus totale que j'ai bu ce petit essai sous le soleil breton...

...Et j'avoue, un poil embêtée, que si je ne l'avais pas lu dans le cadre d'un challenge, je ne le chroniquerais probablement pas ici. Je ressors globalement déçue de cette rencontre avec Geneviève Brisac à plusieurs niveaux (mais il s'agit d'un essai, aussi sa plume de romancière est sans doute différente?). Il faut avouer tout de go un point crucial pour comprendre ma déception et il posera ainsi le fait que mon billet est subjectif de bout en bout : Je n'ai pas l'âme féministe en général, et en littérature en particulier. Un écrivain est un écrivain. Après ma lecture, je pense pouvoir dire que cela m'a fait défaut pour l'apprécier voire pour y adhérer. J'ai eu beaucoup de mal avec la posture de départ qui a consisté à prendre en grippe une réflexion de Nabokov à l'égard de Jane Austen, qu'il jugeait visiblement avec une certaine condescendance, et à s'offusquer qu'il préfère travailler sur Stevenson. Bon. Ça arrive hein, et ça s'appelle une question de goût. Il ne faut pas se monter le bourrichon pour autant. Et d'ailleurs, je vais faire un coming-out : moi aussi, je ne goûte pas à Jane Austen et préfère l'Île au trésor. Ceci étant donc lu et pensé, je me suis dit que la lecture allait être compliquée, étant donné que l'introduction m'avait un poil désappointée. Même si la réflexion de Nabokov était effectivement limite - et limitée -, à quoi bon jouer des mêmes armes pour faire une réflexion tout aussi insipide à l'égard des romans d'aventure ? Oeil pour oeil, dent pour dent ? Bof.

Cela étant dit, j'ai poursuivi ma lecture et ça n'a pas été d'un plus grand intérêt pour moi. Ce qui m'a le plus intéressée, au final, sont les citations d'autres auteurs qui, pour le coup, me donnerait plus envie de creuser cette question de la création. J'ai tout de même découvert quelques écrivains qu'il me tarde de lire (la plupart sont déjà dans ma PAL d'ailleurs) mais là encore, je n'ai pas trouvé l'écriture de Geneviève Brisac d'une très grande profondeur. Je m'attendais peut-être trop à une analyse, à quelque chose de plus consistant. Disons que le livre m'a fait l'effet d'une lecture agréable pour celles et ceux qui se sentent déjà concernés par le propos de l'auteur et qui souhaite le survoler comme un premier abord à la question. Moi qui n'étais pas ralliée à sa cause, il ne m'a pas convaincue et je l'ai trouvé superficiel, un peu facile, sans grand intérêt.

Une lecture plutôt négative donc mais, je le répète, surtout très subjective et qui n'a en rien la prétention de critiquer (au vrai sens du terme) le livre que voilà.

 

Challenge-Genevieve-Brisac-2013.jpgChallenge Lire avec Geneviève Brisac chez Anis

5eme lecture

12/09/2013

Le Violon noir de Maxence Fermine

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Le Violon noir de Maxence Fermine, ed. Arléa, 2001, 129p.

 

La jeunesse de Johannes Karelski commence comme celle de Mozart. Jeune prodige de la musique, il tombe amoureux du violon et se produit dans toutes les cours d'Europe. Son rêve est d'écrire un opéra qu'il veut grandiose. Que le violon parvienne à exprimer la musique céleste. Mais l'Histoire contrarie ses plans et le voilà appeler à grossir les rangs de l'armée napoléonienne contre l'Italie. Ses camarades soldats dénigrent sa musique : il ne s'agit pas d'être ému la veille de combattre. Un matin, Johannes retrouve son violon détruit au pied de sa couche. Après plusieurs semaines de campagne, il est laissé en garnison à Venise et est hébergé par le meilleur luthier de la ville. Ce dernier a créé un mystérieux violon noir aux pouvoirs puissants. En jouer, c'est tomber amoureux et se briser le cœur en même temps. Johannes confie à Erasmus son rêve d'une femme en noir dont il est épris. Elle lui inspire l'écriture de son opéra mais il s'efface au fur et à mesure qu'il le compose. Erasmus prend alors le relai du récit et lui raconte l'histoire du violon noir, lui aussi lié à cette femme.

J'ai découvert Maxence Fermine il y a un an et demi avec son premier récit, Neige dont j'avais apprécié l'écriture et la thématique. Dans Le violon noir, j'ai retrouvé cette même poésie et une destinée initiatique. Il s'agit plutôt d'un conte que d'un roman. Les chapitres sont très courts et le style embarque par des formulations délicates, aériennes. Il me fait l'effet de petites perles brillantes. Nulle place pour la description ou les péripéties d'une vie entière. Il s'agit plutôt de retranscrire une vie étonnante avec une poésie simple et lumineuse. Les vies croisées de Karelski, musicien virtuose embarqué malgré lui dans l'Histoire, et d'Erasmus, luthier également virtuose sont émouvantes. Tous deux sont animés par cet amour inconditionnel du violon qui se matérialise sous les traits d'une femme à la voix d'or. Le violon inspire un amour tellement divin qu'il semble inatteignable, si ce n'est dans la perte.

Le violon noir est une ode à la musique et aux passions artistiques. Un très beau conte qui ravira ceux qui ont gardé une âme de rêveur et qui donne envie de réécouter un bon concerto pour violon.

 

challenge-des-notes-et-des-mots-4.jpgGrâce à cette lecture, je participe pour la première fois au challenge Des notes et des mots chez Anne !

 

 

 

 

 

 

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Le violoniste joyeux de Gerrit van Honthorst (1592-1656)