11/03/2014
Swap autour du monde avec Natiora !
En janvier dernier, Vanessa/Natiora nous proposait sur son blog un swap autour du monde : un swap pour découvrir, voyager, partir à la rencontre de nouveaux horizons et d'autres cultures. Je ne pouvais résister à une invitation si délicieuse, moi qui suis curieuse de nature (et fan de swaps en prime).
Elle a achevé de me convaincre en m'offrant d'être sa binôme ! Nous avions déjà partagé ensemble lors du swap de Noël 2012 d'Asphodèle grâce auquel nous avions fait connaissance, je savais donc que ce nouveau swap en sa compagnie allait être super et je m'en réjouissais d'avance !
Mais ce n'était rien comparé à la grande joie que j'ai eu à l'ouverture de son colis ! C'est une multitude de couleurs qui m'a cueillie et dépaysée immédiatement. Vanessa m'a noté sur sa carte que le voyage est associé pour elle à l'exotisme : son colis retranscrit ce goût à merveille ! Et pour que le voyage soit complet nous n'avons opté ni l'une ni l'autre pour un seul pays en particulier mais avons picoré le monde entier : le must ! Je vous laisse juger par la beauté du colis dès l'ouverture :
A l'intérieur, trois livres d'horizons très différents :
L'Inde en héritage d'Abha Dawesar : "De sa chambre, coincée entre les cabinets de ses parents médecins, avec les microbes et les bactéries pour compagnons de jeux, un petit garçon ausculte son entourage. Observateur discret, il capte l'imposture ambiante, perçoit la violence qui vérole le système. Ses oncles et tantes cupides qui complotent pour détourner l'héritage du grand-père constituent ses sujets d'étude. Puis la télévision lui offre le spectacle de l'avidité des puissants. Ici, on vole un rein, là on occulte un virus. Quand on assassine Miss Shampoing, pin-up qui affole les populations, le gamin noircit encore le diagnostic. Ainsi, par cercles concentriques, Abha Dawesar expose une société gangrenée. A travers les mésaventures d'une famille, son roman nous conduit au cœur d'un pays écartelé entre démocratie et barbarie."
Une voix de la jeune génération indienne, subversive et incisive. Une découverte qui s'annonce surprenante car je ne connais pas du tout cette littérature !
L'Odeur du café de Dany Laferrière : "Au coeur de ce récit, il y a l'enfance. Celle d'un petit garçon passant ses vacances chez Da, sa grand-mère, et accompagné de la chaleureuse vigilance de ses tantes. Un peu de fièvre, et le voici privé de jeux avec ses camarades. Alors il reste sur la terrasse de bois, à côté de Da qui se balance dans le rocking-chair, avec toujours une tasse de café à portée de la main pour les passants et les voisins. Le long des lattes de bois, l'enfant regarde les fourmis, les gouttes de pluie marquant le sol, regarde et écoute les adultes s'occuper et parler, respire les odeurs de la vie. Chronique des sensations enfantines, L'Odeur du café est un livre envoûtant, le récit d'un voyage au temps si fragile et si merveilleux de l'enfance."
Voilà un moment que j'entends parler de Laferrière avec beaucoup d'éloges ! Je me réjouis de le découvrir à travers ce récit d'enfance et d'exotisme.
Swamplandia de Karen Russel : "A treize ans, Ava Bigtree a passé toute sa vie à Swamplandia, un parc à thème peuplé d'alligators, que sa famille a créé sur une île des Everglades, au large de la Floride.
Quand le cancer emporte sa mère, l'indomptable vedette du parc, toute la famille plonge dans le chaos. Le père lâche prise, la soeur tombe amoureuse d'un garçon inquiétant du nom de Louis Thanksgiving, son grand frère Kiwi les lâche pour se faire embaucher dans le parc concurrent, Le Monde de l'Obscur. Alors qu'Ava se lance dans une périlleuse mission à travers les marécages pour sauver les siens et Swamplandia, le lecteur se retrouve plongé dans l'univers luxuriant et magique de Karen Russell, dont l'écriture inventive n est pas la moindre des qualités.
Brassant des thèmes tels que la vie et la mort, le sauvage et le civilisé, l'humain et l'animal, l'enfer et le paradis, le réel et le fantastique, auxquels elle insuffle une incroyable énergie romanesque et qu'elle renouvelle, Karen Russell nous offre une extraordinaire parabole sur la famille, l'amour et la perte de l'innocence."
Avec une telle 4eme de couverture, dois-je préciser que ce titre me fait sacrément de l’œil ? ^^
Pour accompagner ces trois titres alléchants, Vanessa a glissé trois marque-pages super vifs et plein de bonne humeur : Je les adore !
Du côté des surprises, un vrai délice, tout simplement !
Vanessa a bien compris mon petit penchant du week-end pour les apéros ^^ Elle me glisse l'opportunité de varier mes traditionnels bières/fromages/chips avec Un apéro à Cuba plein de recettes de cocktails et de tapas muy calieeeeeente ! Ca sent prochainement la soirée entre filles pour tester tout ça (héhéhé)
En parlant de fille, mon côté gonzesse est également comblé avec une magnifique pochette d'inspiration indienne pour balader mes bijoux en voyage et un baume à lèvres à la figue.
et puis, comme je reste tout de même une littéraire dans l'âme (même alcoolisée, même maquillée, oui oui), je pourrais noter toutes mes idées de lecture au fil de mes pérégrinations avec un joli carnet de voyages.
Et the last but not the least, des gourmandises cosmopolites :
Des crackers japonais pour l'apéro que j'adore (oui, l'apéro, c'est la vie - et d'ailleurs, ces crackers n'ont pas passé le samedi soir dernier aha!)
Du chocolat noir de Madagascar
Du thé noir chaï masala indien (ironie : c'est exactement celui que j'avais prévu pour Vanessa avec qu'elle me dise détester le gingembre et la cardamome... Du coup, j'ai changé de plan^^)
Je vous laisse admirer l'ensemble de ce fantastique colis :
Merci mille fois à toi, Vanessa, pour cet échange toujours si agréable entre nous et toutes ses surprises qui me ravissent vraiment. Oui, je radote et je commence à être à court de synonymes de la joie/du plaisir/de l'enthousiasme mais parce que décidément, une telle explosion de couleurs ne peut que donner la pêche et la banane (un délice résolument fruité, donc) !
C'est par ici pour voir le colis que je lui ai envoyé ^^
08:03 Publié dans Swap | Lien permanent | Commentaires (14)
10/03/2014
L'Assommoir d'Emile Zola
L'Assommoir d’Émile Zola, Le livre de poche, 1983 [1877], 491p. (+30p. de notes pour la présente édition)
Gervaise a le malheur d'être née Macquart, cette branche bâtarde issue de l'ancêtre Adelaïde à qui l'on doit tous les personnages de la saga zolienne. Elle porte le vice héréditaire sur sa jambe boiteuse et l'alcool coule depuis toujours dans ses veines, tant ses parents aimaient la goutte et l'anisette. Pourtant, Gervaise est aimable comme tout, ronde et rose comme une fleur et travailleuse avec ça. Lorsque cette fripouille de Lantier la délaisse en plein Paris, avec deux enfants sur les bras, pour aller courir le jupon et une meilleure fortune, Gervaise se démène comme un diable à la blanchisserie de madame Fauconnier et assure son train-train. "On ne m'y reprendra plus" dit-elle en parlant des hommes et de leurs belles promesses. Pourtant, Coupeau se montre bien gentil, lui fait une cour comme il faut et ne boit pas. Ça, non ! Le père Coupeau s'est cassé le cou en tombant d'un ouvrage un jour de grosse culotte, on ne risque pas de le prendre à faire pareil ! Gervaise finit donc par céder et se remet en ménage. Elle se marie même cette fois-ci (et la noce de crapahuter au Louvre avec des yeux ronds). Si la vie semble tourner joliment, c'est pour mieux dégringoler. La faiblesse de Coupeau pour la boisson, qu'il a lui aussi dans les veines, finit par le rattraper. Du vin, il tombe à la gnôle que le père Colombe distille dans son alambic aux allures de monstre infernal. La faiblesse de Gervaise pour la gourmandise et la paresse la pousse à des complaisances de plus en plus délétères. Pour ne pas embêter son monde, pour ne pas être embêtée, elle tolère d'abord beaucoup puis tout et n'importe quoi. Dans ce torrent, la boutique de Gervaise, l'argent, les maigres espoirs fondent et c'est tout une boue qui finit par engluer le ménage. Plus on s'encrotte et moins on a l'envie d'en sortir. Coupeau ne travaille plus depuis longtemps et part régulièrement à Saint-Anne se retaper après une crise de delirium tremens. Gervaise salope tous ses ouvrages, finit par être mise dehors de partout. Au fond, une goutte n'a jamais fait de mal à personne alors à quoi bon s'en priver ? Quitte à boire l'argent du ménage, autant le boire à deux. De toutes façons, Gervaise n'a plus qu'une paillasse sous un escalier. Gervaise n'est déjà plus grand chose. La tragédie héréditaire l'a rattrapée.
Évidemment, le naturalisme de Zola est impressionnant. Dans le quartier noir de la Goutte d'Or, si joliment choisi, c'est tout le monde ouvrier qui se met en branle. On croise tantôt une fleuriste, un forgeron, une dentelière, un sergent de ville, des concierges, des ouvriers en chambre, un serrurier, un croque-mort et tout ce petit monde s'agite dans la ruche de Paris ; une ruche crasseuse, où règne la promiscuité, mais qui se refait tranquillement une beauté en ouvrant les boulevards. Et quoi de mieux pour faire parler le peuple que d'user de sa propre langue ? Pour sûr, il fallait oser, il fallait bien s'appeler Zola, pour cravacher la littérature à coup d'oralité et de jurons bien tapés ! On comprend mieux les quelques critiques salées qui ont pu fleurir à la parution du roman en 1877. En attendant, ces petites langues précieuses rabattues, ce procédé audacieux donne à chaque page une vie explosive. Non, L'Assommoir "ne porte pas bien son nom" comme je l'entends si souvent ironiquement. L'Assommoir est vibrant, à chaque page.
Pour schématiser honteusement, le projet romanesque de Zola dans ce volume était de démontrer les ravages de l'alcool dans le milieu ouvrier, de concert avec sa théorie déterministe héréditaire. En d'autres mots, tous les personnages sont peu ou prou les deux pieds dans la goutte mais ceux qui s'y roulent carrément jusqu'à la déchéance sont ceux qui en avaient déjà quelques antécédents fâcheux. Oh oui, on lit tout cela dans L'Assommoir. Mais, on ne va pas se mentir : ce n'est pas ce pseudo-côté scientifique qui le rend génial.
Ce qui est fabuleux chez Zola, ici comme dans tous ses autres romans, c'est qu'aussi naturaliste soit-il, il est 100 fois plus que ça. Son naturalisme dépasse les bornes d'une stricte obédience à une logique scientifique et à l'observation documentaire. Son naturalisme se fait mythe, se fait grandiloquence, et parvient comme l'a jadis fait le Romantisme avant lui, à créer toute une gamme d'émotions puissantes. Nous ne sommes pas dans la dissection mais dans la passion perpétuelle ! Zola n'a rien du naturalisme un peu froid, un peu pince sans rire de son comparse Maupassant. Bien au contraire, comme le fait si bien l'alambic, il allume les flammes, déchaîne les passions, et rend le lecteur tout essoufflé de toutes ses impressions qu'il provoque. Comment, en effet, ne pas ressentir une sympathie dévorante pour Gervaise, cette pauvre petite bonne femme si gentille qui s'enlise inexorablement ? On a bien souvent envie de la cajoler ou de lui secouer les puces. Et puis ses fripons de Lorilleux ou de Lantier, ils mériteraient bien quelques tannées bien senties. Enfin, on se surprend à aimer ou détester les personnages de Zola comme si on les connaissait.
Le recours au naturalisme grandiloquent a bien son pendant : un bon petit manichéisme de derrière les fagots, l'air de rien, point le bout de son museau. A l'exception des personnages principaux, la plupart des autres s'apparentent surtout à des "types", chargés de broder la toile du quartier ouvrier parisien comme il faut ou simplement de relancer le récit. Il faut bien quelques travers. Celui qui peine le plus le lecteur est sans doute cet indécrottable pessimisme. Vous pouvez courir pour trouver chez Zola quelque chose qui éclaire in extremis le chemin. Non, il est tracé d'avance, c'est comme ça. C'est bien la fatalité tragique. Mais que voulez-vous, avec Zola, je suis aussi faible que Gervaise et je lui pardonne tout. Je deviens toute rose et complaisante à son endroit. D'ailleurs, je suis déjà en manque de cette petite goutte littéraire bien savoureuse et je me demande si je ne vais pas m'enfiler cul-sec un autre Rougon-Macquart pour la peine...
(Illustration 1 : La blanchisseuse de Toulouse Lautrec, 1888 ; illustration 2 : Les blanchisseuses de Degas, 1874)
Lu en lecture commune avec Charline douce dont je vais lire immédiatement le billet !
Challenge XIXeme chez Fanny
4eme lecture
Challenge Rougon Macquart chez Lili Galipette
14eme lecture
Challenge Le mélange des genres chez Miss Léo
1ere lecture pour le XIXeme siècle dans la catégorie "Classique français"
08:18 Publié dans Challenge, Classiques, Lecture commune, Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (18)
06/03/2014
La poésie du jeudi avec Philippe Jaccottet
J'avais initialement prévu un autre poème pour ce nouveau jeudi et puis, fortuitement, je suis tombée sur Au petit jour de Philippe Jaccottet au détour d'un commentaire stylistique. Paf ! Coup de coeur ! Et là, je me suis dit "ok, tu diffères l'autre poème (que j'aime beaucoup aussi, hein, ça n'empêche pas) et tu partages celui-ci sans attendre, c'est obligé". A l'écoute de ma petite voix intérieure pleine de bon sens, voici donc ce poème en partage. Tellement merveilleux, n'est-ce pas ?
I
La nuit n'est pas ce que l'on croit, revers du feu chute du jour et négation de la lumière, mais subterfuge fait pour nous ouvrir les yeux sur ce qui reste irrévélé tant qu'on l'éclaire.
Les zélés serviteurs du visible éloignés, sous le feuillage des ténèbres est établie la demeure de la violette, le dernier refuge de celui qui vieillit sans patrie...
II
Comme l'huile qui dort dans la lampe et bientôt tout entière se change en lueur et respire sous la lune emportée par le vol des oiseaux, tu murmures et tu brûles. (Mais comment dire cette chose qui est trop pure pour la voix?)
Tu es le feu naissant sur les froides rivières, l'alouette jaillie du champ...
Je vois en toi s'ouvrir et s'entêter la beauté de la terre.
III
Je te parle, mon petit jour.
Mais tout cela ne serait-il qu'un vol de paroles dans l'air?
Nomade est la lumière.
Celle qu'on embrassa devient celle qui fut embrassée, et se perd.
Qu'une dernière fois dans la voix qui l'implore elle se lève donc et rayonne, l'aurore.
07:38 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (12)