28/06/2016
Le train bleu d'Agatha Christie
Le train bleu d'Agatha Christie, LGF, 2001 [1928], 253p.
Difficile de résumer l'intrigue du Train bleu tant elle met en scène de nombreux personnages d'horizons divers. Agatha Christie, d'ailleurs, se voit dans l'obligation de nous gratifier d'une longue mise en place - bien plus longue que les autres romans que j'ai lus d'elle, pour présenter tous ces personnages au lecteur. Nous avons d'un côté les Van Aldin père et fille, américains richissimes. Le père est de ces hommes d'affaires dont on ne sait pas de quoi ils s'occupent au juste mais semblent le faire avec brio vu sa fortune considérable. A tel point qu'il se paye le luxe d'offrir à sa fille un bijou d'un rareté exceptionnelle, au risque d'attirer quelques convoitises. La fille, quant à elle, végète dans un mauvais mariage avec Derek Kettering, un noble anglais désargenté et frivole et aspire à s'évader sur la Riviera. On sent très vite, à la suite du père, qu'elle ne dit pas tout. Nous avons ensuite l'ancien amant escroc et la maîtresse danseuse du mari : l'un comme l'autre ont l'appât du gain comme point commun. Enfin, et l'on se demande au début ce qu'elle vient faire ici, se colle au tableau Katherine Grey, une dame de compagnie campagnarde qui vient d'hériter d'une somme colossale. Cette nouvelle inattendue va la conduire à croiser tous nos personnages, à plusieurs reprises, et à élucider l'enquête avec notre fameux Hercule Poirot.
Fameux, certes, mais finalement peu présent dans cette enquête ! Poirot apparaît tardivement et avec parcimonie, à tel point que la résolution de l'enquête semble tenir du miracle. Même en revenant en arrière, on se demande comment il a pu arriver à certaines conclusions. Le personnage de Katherine est par contre délicieux : voilà une jeune femme sobre, pudique, toute en nuances, dotée d'un caractère bien trempé et d'une intelligence certaine. J'aime trouver de ces femmes qui ne payent pas de mine a priori mais se révèlent des petits trésors ! Pour l'enquête elle-même, je l'ai trouvé un peu lente, un peu laborieuse et assez peu prenante. La masse des personnages est ici au détriment d'un mystère vraiment haletant. Un peu déçue de ce retour aux sources christiennes, j'ai fait quelques recherches sur ce titre et ai découvert qu'Agatha Christie elle-même ne l'aimait pas. Elle dut l'écrire à une période trouble de sa vie (son divorce et sa mystérieuse disparition) pour des raisons purement financières et n'y prit aucun plaisir. Ceci explique donc cela et je me sens moins honteuse de le juger moi aussi avec un certain déplaisir. Il ne me reste plus qu'à espérer que ma prochaine lecture de Poirot sera plus réjouissante !
Le mois anglais 2016 chez Lou et Cryssilda
7ème participation
LC Agatha Christie
06:46 Publié dans Challenge, Classiques, Littérature anglophone, Polar | Lien permanent | Commentaires (10)
20/06/2016
Expiation de Ian McEwan
Expiation de Ian McEwan, Folio, 2005, 488p.
Suite à ma découverte très plaisante de Ian McEwan avec Sur la plage de Chesil, je n'ai glané que des éloges d'un autre de ses romans (jusqu'alors inconnu à mon bataillon, je l'avoue) : Expiation. Un élément a retenu alors tout particulièrement mon attention et précipita non seulement l'achat mais la lecture du dit-titre : la question de l'écriture romanesque.
En 1935, Briony est une jeune demoiselle de treize totalement obnubilée par l'écriture. On peut, très franchement, parler d'une sorte d'obsession. Son quotidien, précieux et ordonné au centimètre près, est l'occasion perpétuelle d'une création ou, du moins, d'un projet créatif. Au début du récit, elle s'apprête à jouer sa première pièce avec des cousins fraîchement arrivés pour l'été. Briony se révèle très vite autoritaire, presque maniaque et, surtout, persuadée de décrypter au plus près faits et gestes tandis qu'elle ne fait que lire l'existence des gens qui l'entourent comme un roman à ciel ouvert : il y a bien du vrai, mais où commence l'imagination ?
Autour de cette auteure en devenir, évolue sa soeur Cecilia, elle aussi en pleine construction. Ce n'est plus l'adolescence qu'elle franchit mais l'âge adulte, où il lui faut doser l'affirmation de soi et comprendre ce qu'on ressent exactement entre le dégoût, la colère et l'attirance.
Le problème lorsque bien des êtres se cherchent et cherchent à comprendre les autres et le monde, c'est qu'ils n'aboutissent pas tous aux mêmes conclusions. Briony, pour le malheur de beaucoup, aboutira à une réponse romanesque dont elle est l'héroïne tragique salvatrice. Échec cuisant.
Quelques années plus tard, lorsqu'un peu de maturité et la tornade de la Seconde Guerre Mondiale seront passées par là , il sera tant de retrouver nos personnages sur le cheminement du pardon et de l'expiation.
Le début m'a déroutée : j'y retrouvais exactement un McEwam woolfien (je n'ai pu m'empêcher de sourire et d'acquiescer en lisant une référence aux Vagues de Woolf au fil du livre, d'ailleurs) mais je ne saisissais pas exactement où il m'emmenait. Soit, je ne boudais pas mon plaisir au départ : les pages relatives à Briony sont subtiles et savoureuses. Quel talent de saisir avec tant d'acuité le passage compliqué de l'adolescence et l'émergence d'un écrivain qui se cherche et se construit ! Malheureusement, je me suis très vite aperçue qu'absolument tous les personnages du roman m'irritaient profondément. Impossible de ressentir autre chose que de l'ennui chatouilleux pour Briony - les réflexions sur l'écriture et son processus mises à part -, pour Cecilia et les autres (dont j'ai déjà oublié les prénoms). Par conséquent, la première partie est lentement devenue un exercice de persévérance, m'accrochant péniblement à la promesse que bientôt, je n'allais plus pouvoir lâcher le livre.
Et là, c'est donc la dégringolade à partir de la deuxième partie, bien pire que la précédente dans l'ennui mortel car le style d'Ewan qui a le don de faire miroiter joliment les âmes au gré d'un rayon de soleil a disparu. Je tombai donc dans un roman lambda, où les personnages sont passés d'irritants à totalement inintéressants à mes yeux. Je n'ai développé aucun intérêt ni goût pour notre trio devenu fade et mièvre - Briony avec cinq ans de plus décroche la palme de la platitude - encore une fois, quelques très brèves réflexions sur l'écriture romanesque (et la fameuse référence aux Vagues) mises à part. Je me suis accrochée encore jusqu'aux dernières pages, tenue par la promesse d'une fin inattendue à faire pleurer les plus dures. C'est donc officiel : je suis un cœur de pierre et n'ai absolument pas saisi où était l'inattendu dans l'affaire. C'était terriblement attendu au contraire, non ?! (eu égard aux cinquante mille réflexions sur l'écriture romanesque sus-citées).
Bref, tout comme Briony avec sa conclusion romanesque à l'affaire familiale de 1935 : échec cuisant. Je me faisais une telle joie de ce roman ! J'étais tellement persuadée de l'adorer comme tout le monde ! Mais comme plusieurs blogueuses l'ont fait remarquer dernièrement, entendre trop de commentaires dithyrambiques d'un titre, c'est peut-être le meilleur moyen d'en être déçue... Je crois qu'à force, je m'en étais faite une idée tellement élevée, qu'évidemment, la déconvenue ne pouvait qu'être au bout du chemin...
Le mois anglais 2016 chez Lou et Cryssilda
6ème participation
LC autour d'un auteur contemporain
06:54 Publié dans Challenge, Lecture commune, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : expiation, mcewan, mois anglais 2016
17/06/2016
La double disparition de Nancy Springer
Les enquêtes d'Enola Holmes - Tome 1
La double disparition de Nancy Springer, Nathan, 2015, 264p.
Vous l'ignoriez mais Sherlock et Mycroft ne sont pas les seuls de la fratrie Holmes ! Bien après eux, tellement sur le tard que c'en fut une honte à l'époque, une petite dernière est née, joliment prénommée Enola, comme un clin d'oeil à la solitude qui déterminera ses pas. Alors qu'elle a vécu choyée et libre dans le domaine familial, sa mère disparaît le jour de son quatorzième anniversaire. Il n'est plus temps de courir les champs en culottes de garçon ou de croquer le fleurs du jardin à l'aquarelle. Enola doit prendre sa vie en main et choisir la vie qu'elle veut mener : entre un Mycroft tout à fait détestable, seulement piqué que sa mère ait osé élever Enola bien loin des conventions victoriennes, et un Sherlock franchement désintéressé, elle se voit imposée une place dans une institution corsetée pour apprendre les bonnes manières et constate avec dépit que ses frères n'ont aucune envie de chercher leur mère disparue. Enola fomente donc une évasion en bonne et due forme vers la liberté. Sur son chemin pour Londres et, peut-être, cette mère qui se dessine comme une succession d'énigmes, elle croisera de nouveaux mystères dans lesquels elle ne pourra s'empêcher de mettre son nez. Après tout, c'est une Holmes, elle aussi !
Ah, que voilà un roman jeunesse comme je les aime, sans prétention, toutefois plutôt juste et bien écrit et qui a la vertu de faire voyage dans l'histoire et dans la littérature !
Enola est un personnage attachant d'emblée, tant par sa fraîcheur, sa naïveté que son esprit libre si rare pour l'époque. Enola est un personnage contemporain, soit, et étonnamment futé pour son âge mais cela ne la rend que plus délicieuse. Nancy Springer joue habilement avec cette modernité pour ne pas la rendre trop franchement anachronique et nous pousse, du coup, à nous interroger sur la place de la femme à l'époque victorienne - place peu enviable, à n'en pas douter (l'époque victorienne est décidément plus alléchante vu avec deux siècles de distance...).
Mycroft et Sherlock, mine de rien, en prennent pour leur grade au passage - comme quoi, l'intelligence supérieure ne prémunit pas contre la servilité aux règles sociales - mais je n'en pensais pas moins d'eux. Après tout, ils n'ont jamais été des modèles de délicatesse et encore moins d'empathie sous la plume de Conan Doyle !
L'enquête en elle-même, soit, ne casse pas trois pattes à un canard. D'autant que c'est peut-être sur ce point que le bât blesse dans l'emploi du personnage de Sherlock Holmes : Nancy Springer lui fait rater des indices monstrueusement faciles au profit de sa sœur, ce qui semble tout de même un peu gros pour ce génie de la déduction. Mais peu importe : je ne crois pas que le projet de l'auteure était de renouveler le genre du roman policier. En ce que ce premier tome distille un vent frais et sain de liberté et d'émancipation féminine, il est bon de le faire tourner entre toutes les mains de nos jeunes collégiennes.
Le mois anglais 2016 chez Lou et Cryssilda
5ème participation
LC autour de Sherlock Holmes et dérivés
07:29 Publié dans Challenge, Littérature ado, Littérature anglophone, Polar | Lien permanent | Commentaires (16)