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20/10/2016

New York Esquisses Nocturnes de Molly Prentiss #MRL16

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New York Esquisses Nocturnes de Molly Prentiss, Calmann-Lévy, 2016, 413p.

Dire New-York, c'est encore trop vaste tant une multitude d'univers cohabitent de quartiers en quartiers. Il faudrait dire Downtown, précisément : ce quartier branché malgré lui où artistes avant-gardistes, fous, déracinés, esprits libres et aventureux, vivent d'art, d'eau fraîche et, à l'occasion, d'un squat ou d'une chambrette à moitié délabré(e)s, et de sexe n'importe où. On commence alors à entrevoir le décor et les personnalités hautes en couleurs qui vont frayer dans les pages de ce premier roman.
Voici un artiste argentin totalement déterminé dans sa vocation de peintre mais totalement paumé, au sens propre du terme : loin du pays, sans plus de racines. Il se crée des liens qui ne font qu'aller et venir. Un peu plus loin, c'est la traditionnelle provinciale montée à New-York qui entre en scène - on peut difficilement faire plus cliché : la naïveté, le peu d'intelligence et les cheveux décolorés sont de rigueur. Et par-dessus tout, gravite un critique d'art, réputé pour cette plume si originale qu'il doit à sa synesthésie. Sans elle, il n'est rien : vivre en sons, lumières, couleurs et odeurs tout à la fois lui est plus vital que Marge elle-même qui, pourtant, ne démérite pas à supporter ses passions dévorantes. 
Ces trois personnages bien taillés dans le bois des figures littéraires antédiluviennes (parce qu'il n'y a pas grand chose de nouveau sous le soleil, il faut bien en convenir), se rencontrent un soir de réveillon. 1980 sera pour eux tous la décennie où tout bascule, où les aspirations les plus folles parviennent à se réaliser en même temps que bien des certitudes s'écroulent. 

Depuis la rentrée scolaire, c'est un peu la Bérézina de la chronique : les bouquins patientent systématiquement un bon moment avant de passer au grill du billet de blog, le temps de reprendre le rythme... Ce qui, pour certains livres, se révèlent une excellente expérience de décantation, devient pour d'autres l'épreuve fatidique du désert de Gobi. C'est un peu le cas pour moi avec ce New York Esquisses nocturnes...Très emballée par le coup de coeur d'Eva, j'ai sauté dessus aux matchs de la rentrée littéraire de PriceMinister - Il va pourtant me falloir ralentir drastiquement mes élans désormais lorsqu'il s'agira de romans sur le monde de l'art car, définitivement, je ne cesse d'être déçue... 
L'épreuve du désert de Gobi, disais-je donc, car, quelques temps après la lecture de ce roman, je n'en retire quasiment rien. J'ai pourtant apprécié dans les premiers temps découvrir la personnalité de James Bennett. L'ancrage de sa personnalité à travers l'évolution de sa synesthésie et la tentative pas si mauvaise de donner au texte une forme originale censée rendre compte de cette collision un peu folle des sens étaient franchement prometteurs. Même Raul Engales n'était pas si mal dans son genre, avec cette soif créatrice incommensurable, malgré ce côté séducteur impénitent un peu pénible. Mais ça dégringole définitivement dès que Lucy intervient et que les interactions entre chacun se mettent en place. De l'art, finalement, il ne reste pas grand chose si ce n'est un décor de carte postale (devant lequel il serait de bon ton de pratiquer l'onanisme si on en croit Molly Prentiss), des successions de clichés, des noms célèbres cités pour faire jolis, des hasards et des accidents assez grossiers et une fin qui tombe comme un cheveu sur la toile. 
Je ne peux même pas reconnaître avoir passé un bon moment de lecture (comme ça peut parfois arriver avec certains romans de qualité moyenne) : mon ennui a tout bonnement été croissant après la première partie. 


Deuxième roman de la rentrée littéraire ; deuxième plantade donc, bien qu'il y ait de bonnes choses dans ce roman, je le reconnais. J'en attendais simplement autre chose, de plus consistant, de plus profond, de plus éclatant. J'espère faire mieux la prochaine fois !

 Merci à Priceminister pour l'envoi de ce titre ! #MRL16

 Challenge rentrée littéraire 2016.gif

Challenge Rentrée Littéraire 2016 chez Hérisson

2ème participation

 

17/10/2016

La femme vampire de E.T.A. Hoffmann

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La femme vampire de E.T.A. Hoffmann, 1821

Livre audio en ligne (ou ici en lecture numérique)

 


A l'époque où Hoffmann écrit cette nouvelle, les vampires n'ont pas encore la renommée que l'on sait aujourd'hui. Les grands noms de Dracula ou de Carmilla ne sont pas encore nés - ne sont pas même encore pensés dans l'esprit de leurs auteurs. Les vampires n'évoluent que depuis le milieu du siècle précédent dans les contrées allemandes et viennent tout juste de s'expatrier, depuis à peine dix ans, sur les côtes anglaises grâce à John Stagg. Bref, le vampire, cet être antédiluvien, qui a vécu mille vies en une et dont il nous semble tout connaître, n'est alors qu'un jeune vermisseau frétillant, attendant la maturité. 

Tout commence ici par un jeune homme sémillant, esthète et voyageur, qui, par chance, hérite de son père. Il y gagne alors un titre de comte et une propriété cossue qu'il s'emploie à redécorer à grands frais. La noblesse, lorsqu'elle est heureusement associée ainsi à la jeunesse, à la beauté et à la richesse, ne manque pas d'attirer de nombreux visiteurs, dont une vieille tante, qu'Hypolite reçoit malgré les recommandations de feu son père. Cette femme, dit-on, s'est trouvée mêlée jadis à un scandale dont on ne sait, au fond, rien du tout. La répugnance qu'elle inspire semble surtout liée à sa figure pâle, cadavérique et sèche. La baronne est de celle dont on ne peut souffrir le regard sans faillir. Nul doute pour le lecteur qu'elle est le vampire, cette créature au bord de la tombe, terrifiant à souhait. 

Pourtant, à mesure que le court texte défile, on hésite. La baronne souffre d'accès de paralysie et finit par mourir. N'était-elle donc qu'une vieille femme, après tout ? Cette mort subite n'empêche pas Hypolite et Aurélia, la fille de la baronne, de prévoir leur mariage. Aurélia apparaît comme l'exacte contraire de la baronne : à la beauté douce et naturelle, elle a le pouvoir de subjuguer Hypolite malgré ses sauts d'humeur impromptus. La mort de sa mère est l'occasion de confier toute la haine et le dégoût qu'elle nourrissait pour elle. A dire vrai, on ne sait plus qui est qui : la mère était-elle ignoble ou tentait-elle de survivre ? Aurélia était-elle maltraitée ou manipule-t-elle son entourage grâce à ses beaux yeux clairs ?

Dans ce texte des premiers temps du vampirisme, tout est terriblement flou et pourtant terriblement là : la femme vampire se révèle tantôt sous les atours de l'ignominie la plus totale, du cadavre terrifiant, tantôt sous la beauté diabolique d'une jeune fille innocente, fragile, que l'on brûle d'aimer. La mère et la fille sont les deux facettes du même être, la représentation bicéphale de la dualité vampirique : instrument de terreur et de fascination ; la mort et la passion à la fois, qui nous repousse et nous attire. 

En outre, texte parfaitement fantastique, il ne saurait être question de trancher tout à fait comme le fera Bram Stoker presque quatre-vingts ans plus tard, chez qui l'hésitation ne dure qu'un temps : ici, jusqu'au bout, le lecteur se demandera s'il était vraiment question d'une femme vampire. Si, vraiment, ce groupe de femmes improbables se réunissait à la faveur de la nuit sous la lune du cimetière pour se repaître de chair humaine et de sang ou si le comte Hypolite était déjà fou...

 

Challenge Halloween 2016.jpgChallenge Halloween 2016 chez Lou et Hilde

Promenade au cimetière

03/10/2016

Le chat noir d'Edgar Allan Poe

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Le chat noir d'Edgar Allan Poe dans Nouvelles histoires extraordinaires, 1843

Livre audio en ligne

 

Piocher dans la littérature fantastique aussitôt octobre arrivé est devenu une tradition dans mes pénates, par plaisir d'accompagner l'automne, les nuits qui tombent fraîchement, le vent et la pluie de quelques frissons littéraires : c'est tout de suite beaucoup plus drôle. Pour une fois, je raccroche mon accointance personnelle au challenge Halloween de Lou et Hilde parce que plus on est de fous, plus on rit et parce que les rendez-vous qu'elles proposent cette année sont franchement savoureux. Je ne pouvais pas résister au premier d'entre eux, amour félin oblige : celui du mystérieux chat noir. 

Je ne suis pas allée chercher loin : j'ai lancé le livre audio gratuit en ligne de la nouvelle d'Edgar Allan Poe (joie des livres audio gratuits !) qui s'intègre normalement au sein de Nouvelles histoires extraordinaires. Point de dépaysement à l'écoute des premières pages de la nouvelle : nous nous trouvons plongés dans le récit à la première personne d'un être qui ne sait trop s'il rêve, s'il est fou ou si quelque chose de pas très catholique rôde bel et bien autour de lui. En somme, on sent le narrateur pas frais du neurone. Pas de doute : on a bien mis les pieds dans une nouvelle fantastique du dix-neuvième siècle, classique à souhait - dont les ficelles marchent décidément toujours pour qui aime ce genre. Et cela ne se démentira pas par la suite : usage d'un vocabulaire volontairement hyperbolique et emprunté au démoniaque pour marquer la descente progressive du narrateur dans les limbes jusqu'à l'apothéose finale et donner avec saveur l'allure d'un surnaturel de maison hantée. 

Dans cette nouvelle, Poe entretient une ambivalence assez intelligente entre le narrateur et l'objet de sa folie qui donne au propos un caractère universel et révèle au lecteur toute la monstruosité de la nature humaine. 
Le chat noir, chez Poe n'est pas tant métaphore que catalyseur de la folie inhérente à tout homme : cette capacité que nous avons tous de glisser doucement vers le démoniaque, le vil, l'honteux, quelle qu'en soit la raison. On ne doute pas tellement, dans Le chat noir, de la folie du narrateur tant elle est flagrante, accentuée par l'alcool. Ce qui devient par contre glaçant à la longue, ce qui gifle bientôt le lecteur, c'est de s'apercevoir que cet être si détestable pourrait être au fond n'importe qui. N'était-il pas un homme aimable et délicat avant de glisser dans la boisson ? C'est une leçon pour tous, une alerte à la face de la nature humaine. 
Dans ces conditions, bien sûr, le chat noir devient insupportable à notre narrateur aviné : il ne le supporte plus, il doit disparaître. Quelle pire horreur que de contempler sa propre déchéance ? 
Et tandis que le corps de la nouvelle met en garde l'homme contre son penchant monstrueux, la fin lui renvoie au visage la tentation suprême de l'orgueil, comme s'il n'était pas suffisant de se complaire dans l'opprobre : il fallait aussi en être fier. 

Finalement, Poe donne à l'animal sa juste place dans cette nouvelle et peut-être, malheureusement aussi, sa juste place à l'homme. 

PS : Au vu de la thématique du jour, je ne peux pas m'empêcher de conclure avec un clin d'oeil à ma vieille chatte noire, dite affectueusement le vieux slip. Antédiluvienne certes, mais toujours de fort belle prestance. 

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Challenge Halloween 2016.jpgChallenge Halloween 2016 chez Lou et Hilde

Rendez-vous autour du chat noir