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25/08/2011

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de M-A Shaffer et Annie Barrows


De ces livres qu'on laisse s'endormir sur une étagère après leur sortie puis qu'on finit par aller repêcher à force de critiques enthousiastes de toutes parts (Merci Mélie !)


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Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Nil, 2009/ 10/18, 2011

 

1946. Juliet, londonienne trentenaire, est en pleine tournée de promotion pour son dernier livre. Elle connait le succès grâce à une compilation d'articles humoristiques publiés sous pseudonyme chez Stephens & Stark.
Juliet aspire maintenant à d'autres horizons littéraires. Fini le pseudo, fini l'humour : il est temps de passer aux choses sérieuses. Sauf que l'inspiration fait défaut.

Et voilà qu'arrive une lettre sortie de nulle part, point de départ d'une correspondance truculente et pleine d'affection avec le cercle littéraire de Guernesey. De fil en aiguille, ces étrangers deviendront ses amis, sa famille et la source de son futur roman.


Dawsey dit de Juliet qu'elle a un tempérament solaire et on pourrait l'attribuer au roman tout entier. Touchant, drôle et profondément humain (comme le souligne si bien la 4eme de couv), ce livre se boit comme du petit lait avec le sourire aux lèvres.
D'anecdotes de guerre en propos du quotidien, c'est un hymne joyeux à la lecture et à l'amitié. Au partage en somme. A lire sans modération pour prolonger en douceur le goût des vacances.

 

*



Je vous laisse quelques petits morceaux choisis pour vous régaler par vous mêmes :

"J'adore faire les librairies et rencontrer les libraires. C'est vraiment une espèce à part. Aucun être doué de raison ne deviendrait vendeur en librairie pour l'argent, et aucun commerçant doué de raison ne voudrait en posséder une, la marge de profit est trop faible. Il ne reste donc plus que l'amour des lecteurs et de la lecture pour les y pousser. Et l'idée d'avoir la primeurs des nouveaux livres.
[...]
Je trouvais incroyable à l'époque - et encore aujourd'hui - qu'une si grande partie de la clientèle qui traîne dans les librairies ne sache pas vraiment ce qu'elle cherche, mais vienne juste jeter un oeil aux étagères avec l'espoir de tomber sur un livre qui répondra à son attente. Puis, quand il sont assez futés, ils vous posent les fameuses trois questions : 1. De quoi ça parle? 2. Vous l'avez lu ? 3. C'est bien ?
Les vendeurs bibliophiles pur jus - comme Sophie et moi l'étions - sont incapables de mentir. Nos visages nous trahissent immédiatement. Un sourcil arqué ou un coin de lèvre relevé suffit à trahir le libre honteux, et incite les clients futés à demander autre chose. Nous les conduisions alors de force vers un opus précis que nous leur ordonnons de lire. S'il leur déplaît, ils ne reviendront jamais ; mais, s'ils l'apprécient, ils seront clients à vie."pp 27-28

 

"Isola nous a raconté que, lorsque sa Mamie Phine avait neuf ans, son père a noyé son chat. Apparemment, Muffin est montée sur la table et a léché le beurre. Il n'en a pas fallu davantage à ce type infect pour fourrer la bête dans un sac en toile, le lester de quelque pierres et jeter le tout à la mer. Puis il a rencontré Phine qui rentrait de l'école et lui a raconté ce qu'il venait de faire en ajoutant : "bon débarras".
ll s'est rendu à la taverne en titubant, abandonnant l'enfant, assise au milieu de la route, pleurant toutes les larmes de son corps.
Un attelage est alors arrivé à vive allure et s'est arrêté à un cheveu d'elle. Le cocher s'est levé de son siège pour l'incendier mais son passager, un homme de grande taille vêtu d'un manteau sombre au col de fourrure, est descendu. Il a demandé au cocher de se taire et s'est penché sur Phine pour lui proposer son aide.
Phine lui a dit que personne ne pouvait l'aider. Muffin était partie pour toujours ! Son papa avait noyée sa chatte. Elle était morte. Elle ne la reverrait plus jamais.
L'homme a répondu : "Bien sûr que non, Muffin n'est pas morte. Tu ne sais pas que les chats ont neuf vies?" Phine en avait entendu parler oui. "Eh bien, il se trouve que je sais que ta Muffin n'en était qu'à sa troisième vie, si bien q'il lui en reste six."
Phine lui a demandé comment il le savait. L'homme a dit qu'il le savait, un point c'est tout. Il possédait ce don depuis sa naissance. Il ne savait pas pourquoi ni comment, mais des chats lui apparaissaient en pensée et il arrivait à discuter avec eux. Pas avec des mots, avec des images.
[...]

Oui ! La voilà ! Elle va naître dans une minute ! Dans un manoir... Non, un château. Je crois qu'elle est en France... Oui, elle est bien en France. Il y a un petit garçon. Il la caresse. Il l'aime déjà. Il va lui donner un nom... Comme c'est étrange... Il l'appelle Solange. C'est un nom bizarre pour un chat, mais bon. Elle va vivre vieille et mener une vie plein d'aventures. Cette Solange a beaucoup d'esprit. Quelle verve!
Mamie Phine était tellement emerveillée par le nouveau destin de sa chatte qu'elle a arrêté de pleurer. Mais Muffin lui manquerait tout de même énormément, a-t-elle dit à l'homme. Il l'a remise sur pieds et lui a expliqué que c'était normal de pleurer un si bon chat, que c'était même obligatoire et qu'elle serait triste encore un moment.
En attendant, il convoquerait Solange régulièrement pour prendre de ses nouvelles. Savoir si elle mangeait à sa faim et s'amusait bien. Il a demandé son nom à Phine, ainsi que celui de la ferme de ses parents. Il a noté tout cela sur un petit carnet avec un crayon en argent et lui a promis qu'elle recevrait bientôt de ses nouvelles. Il lui a baisé la main, il est remonté dans son attelage, et il a disparu.

Aussi absurde que cela puisse paraître, Sidney, Phine a effectivement reçu des lettres de lui. Huit longues lettres espacées sur une année, l'informant de l'existence que menait Muffin depuis qu'elle était devenue Solange. A l'en croire, c'était une sorte de mousquetaire féline. Elle n'avait rien de ces chats paresseux qui se prélassent sur des coussins et lapent de la crème. Elle bondissait d'aventure en aventure. C'est le seul chat à avoir jamais été distingué de la Légion d'honneur.
Tu n'imagines pas quelle histoire pétillante, brillante, pleine de rebondissements et de suspens, cet homme est allé inventer pour Phine. Je peux au moins parler de l'effet qu'elle a eu sur l'assistance : nous étions tous ravis. Même Will étant sans voix." pp 341-343

 

Bonne lectuuure !

 

23/08/2011

Le cantique de l'apocalypse joyeuse d'Arto Paasilinna

 

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Le Cantique de l'apocalypse joyeuse d'Arto Paasilinna, traduit du finnois par Anne Colin du Terrail, Denoël, 2008 (Edition originale : Maailman paras kylä, WSOY, 1992)

En 1992, la dernière volonté d'Asser Toropanein est pour le moins étonnante : construire une église en bois sur ses terres. C'est à son petit-fils, Eemeli Toropanein, spécialisé dans la constructions de chalets en rondins, que revient l'exécution de ce testament sous l'égide d'une fondation funéraire.
Il va dès lors s'y employer avec assiduité, tout d'abord avec quelques ouvriers puis, avec toute une ribambelle d'écolos, de paumés, et d'étrangers jusqu'à ce que les terres du vieux deviennent un village puis plusieurs villages vivants en parfaite autarcie et régis par des lois autonomes.
Pendant ce temps-là, le monde part tranquillement en déliquescence, une troisième guerre mondiale a lieu, les sources de carburant sont taries et tout le monde meurt de faim. Mais dans la communauté d'Ukonjärvi, tout va bien - on vit au rythme simple et abondant de la nature.


La lecture de cet ouvrage me laisse dubitative.
Alors que la manière de présenter le propos sur la 4eme de couverture m'avait emballée, toute la première partie du livre m'a déçue. Tout y est plat et sans intérêt, tant l'histoire que le style. Près d'une centaine de pages pour l'édification de l'église, c'est long et quant à l'humour promis, soyons clairs, il n'y en pas. Juste une certaine loufoquerie absurde.
Je me suis tout bonnement demandée si je n'allais pas arrêter là le voyage. Et puis, pour je ne sais quelle raison - peut-être parce que les personnages sont malgré tout un peu attachants - j'ai décidé de voir où tout cela allait mener.
La deuxième partie m'a plus intéressée, malgré les mêmes défauts de style et de narration, parce qu'en fin de compte, cette communauté a tout compris. Sous le couvert du roman, Paasilinna défend une thèse plutôt intelligente dont il y aurait quelques leçons à tirer.
Bref, un avis mitigé. A voir un autre roman de l'auteur pour faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.


*

 

Extrait

 

"Alors qu'Eemeli et Taina Toropainen étaient encore à Helsinki, un vieil ours cardiaque vint traîner du côté d'Urkonjärvi. Il était apparenté à la femelle qui avait jadis mangé le quichetier des postes de Valtimo et se trouvait aussi par hasard être un descendant direct de l'animal qui avait tué la Finlandaise d'Amérique Eveliina Mättö. A l'origine, les plantigrades étaient russes. Leur ancêtre avait quitté les côtes de la mer Blanche pour la Finlande à l'époqe des purges staliniennes. Sans doute ne fuyait-il pas la dictature - les bêtes sauvages ignorent ce genre de choses - et avait-il juste vagabondé lbrement à travers les forêts.

L'ours était âgé et malade. Il souffrait depuis déjà deux ans de graves problèmes cardiaques. Dès qu'il galopait un peu trop kongtemps derrière une proie, son coeur se mettait à battre la chamade et il était obligé de s'arrêter. Un défaut de famille. Il devait se contenter de charognes et autres mets de fortune. Il croquait volontiers des moutons et se servait dans les nasses oubliées des étangs de forêt. Il ne mangeait pas souvent à sa faim.

Un matin d'août, sur la route de Valtimo, il tomba sur l'Ange volant qui, l'âge venant, ne courait plus aussi vite que dans sa jeunesse. L'ours, pensant avoir trouvé là une proie facile, se lança plein d'espoir aux trousses de la malheureuse."

 




21/08/2011

Vous descendez ? de Nick Hornby

 

 

Alors, avant toute chose, il faut le dire : trouver des livres réjouissants, c'est le parcours du combattant ! J'ai tourné des plombes dans les rayons avant d'être inspirée par deux ouvrages tandis que Tom est mort ou La mort en dédicace me sautaient au cou. Véridique.

Il y a une humeur d'époque à ne pas être très drôle et la production littéraire ne fait que le refléter, ce n'est pas ma faute (©Valmont, champion de la mauvaise foi)

Alors, j'ai fait ce que j'ai pu pour dégotter quelque chose qui donne le sourire, sachant que j'ai éliminé d'office la Chicklit (non, parce que bon.). Au final, je ne suis pas sûre d'avoir totalement rempli cette première mission ; à vous d'en juger.

 

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Vous descendez? de Nick Hornby, Plon, 2005 - 10/18, 2006, traduit de l'anglais par Nicolas Richard. (Edition originale : A Long Way Down, 1992)

 

Quatre losers se retrouvent fortuitement le soir du 31 décembre sur la tour du saut : ils ont tous décidé d'en finir.
Entre un présentateur télé déchu, un musicien raté, une ado à claquer et une vieille fille à bout de dévouement, strictement rien ne les rapprochent a priori si ce n'est une certaine lassitude de vivre. C'est sans compter l'arrivée de quelques pizzas autour desquelles ils créent un cercle improbable sensé les ramener, l'air de rien, à la vie.


Pour être tout à fait sincère, il y a du pour et un peu de contre.
Le contre :  Le bouquin avançant, je n'ai pas forcément compris où l'auteur voulait en venir. Qu'il n'y ait pas de franche happy end peut se comprendre ; cela aurait manquer de crédibilité. Mais il n'y a pas pour non plus de france évolution chez les personnages et ça, c'est déjà plus ennuyeux parce qu'on tourne parfois un peu en rond. On en vient à se dire que, partis losers, ils risquent franchement de le rester. C'est plutôt dommage.

Le pour : L'écriture de Nick Hornby est simplement excellente. Enlevée,  pleine d'humour, d'auto-dérision et de perspicacité, un vrai délice. Arriver à transformer le sujet le plus plombant du monde en une fable drôle et atypique, il y a de quoi lui tirer son chapeau. Parce que oui, contre toute attente, on sourit, on rit même, en lisant ce livre.


Au fond, le bonhomme ne nie pas l'humeur actuelle à ne pas être drôle. Sauf que, contrairement à pas mal d'écrivains qui s'engluent là dedans, il applique avec l'écriture ce petit mot d'Elizabeth McCracker qu'il met en exergue : "On dira ce qu'on voudra, le remède contre le malheur, c'est le bonheur".



*


Incipit :

 

MARTIN

 

"Vous avez vraiment envie de savoir pourquoi j'ai voulu sauter du haut d'un immeuble ? Je vais vuous le dire. Je ne suis pas complètement idiot. Il y a une explication logique, car c'était une décision logique, le fruit d'une véritable réflexion. Même pas une réflexion très sérieuse, d'ailleurs. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un coup de tête, mais rien non plus de terriblement compliqué, ou douloureux. On peut présenter les choses de la manière suivante : vous êtes, par exemple, le sous-directeur d'une banque à Guildford, et vous avez envie d'émigrer. Justement, on vous propose de diriger une banque à Sydney. Même si la décision vous paraît évidente, avant de donner votre réponse, il faudra quand même que vous y réfléchissiez un peu, non? Pour savoir si vous pourrez supporter de déménager, quitter vos amis et vos collègues, expatrier femme et enfants. Alors vous vous asseyez avec un bout de papier et vous dressez la liste des pour et des contre. Par exemple :

CONTRE : Parents âgés ; amis ; club de golf.

POUR : Salaire plus élevé ; meilleure qualité de vie (maison avec piscine, barbecue etc) ; mer, soleil ; pas de commissions gauchistes pour censurer "j'ai du bon tabac dans ma tabatière" ; pas de directives européennes pour interdire les saucisses britanniques etc.

Le choix est vite fait, n'est-ce-pas? Le club de golf ! Laissez-moi rire. Evidemment, vos parents âgés vous font hésiter un instant... Mais seulement un instant, et encore, très court. Allez, je ne vous donne pas dix minutes avant que vous téléphoniez aux agences de voyage.

Voilà, telle était ma situation. J'avais beaucoup, beaucoup de raisons de sauter. Le seul élément figurant dans ma colonne des contre, c'était les enfants. Mais de toute manière, Cindy ne me laisserait jamais les revoir. Je n'ai pas de parents âgés, et je ne joue pas au golf. Sans vouloir froisser le bon peuple de Sydney, on pourrait dire que le suicide était mon Sydney à moi."