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01/12/2011

Le philosophe et le loup de Mark Rowlands

 

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Le Philosophe et le loup de Mark Rowlands, ed. Belfond, 2010, 283p.

 

Jeune professeur de philosophie à l'université d'Alabama, Mark Rowlands adopte un louveteau sur un coup de tête (j'ai découvert par là qu'il était légal, du moins aux USA, d'adopter un loup, tant qu'il ne l'est qu'à 96% - comme si ça changeait fondamentalement la donne, aha). Il le prénomme Brenin, le roi en gallois.

Sa vie en est radicalement changée. Au quotidien tout d'abord, puisqu'il est tout à fait impossible de laisser Brenin seul à la maison ; son côté destructeur s'en donnerait trop à coeur joie. Il le traine donc partout, y compris en cours (un loup philosophe, n'est-ce-pas la classe?!). Et cette cohabitation sera l'occasion d'un nouvel apprentissage de la vie à travers une réévaluation de l'homme et de son rapport au monde.

Toutes les grandes questions y passent : l'amour, la mort, le bonheur, notre prétendue intelligence de singe... et il semble qu'il s'agisse d'un procès en bonne et due forme du genre humain, à travers le regard d'un misanthrope. Un brin misanthrope, il l'est certes, et ne s'en cache pas. A-t-il tort dans ses propos ? Force est de constater que non la plupart du temps, même si on pourrait souhaiter un ton moins péremptoire. L'homme a parfois grand besoin d'être remis à sa place.
Au fond, l'ouvrage est à prendre comme une réflexion anthropologique où le loup apparaît comme l'emblême d'une véritable liberté à reconquérir pour vivre l'instant présent. Une belle leçon à méditer.

 

*

 

Extrait :

 

"Le loup est la représentation traditionnelle - et injuste - de la face obscure de l'humanité. Choix ironique à bien des égards, ne serait-ce que du point de vue de l'origine du mot, puisque lukos, le terme grec, est très proche de leukos, la lumière, si bien que les deux termes ont souvent été associés. Outre l'éventualité de simples erreurs de traduction, ce rapprochement pourrait aussi résulter d'un lien étymologique plus intime. Apollon était révéré à la fois en tant que dieu du soleil et dieu des loups. Et c'est précisément ce rapport entre le loup et la lumière qui importe ici : pensez le loup comme une clairière dans la forêt. Il fait parfois si sombre au fond des bois qu'on ne distingue plus les arbres, et la clairière représente l'espace propice à la découverte de ce qui est dissimulé. J'aimerais essayer de démontrer que le loup figure la clairière de l'âme humaine. Il dévoile le sens caché des fables que nous contons à notre propre sujet, ce qu'elles révèlent sans l'exprimer.

Nous nous tenons dans l'ombre du loup. La production d'une ombre peut s'envisager de deux façons : du point de vue de l'objet qui occulte la lumière, tel un homme ; où du point de vue de la source lumineuse qui rencontre un obstacle, telle une flamme. Ainsi parle-t-on de l'ombre d'un homme et de celle d'une flamme. Par l'ombre du loup, je n'entends pas celle du corps de l'animal, mais les ombres qui se forment lorsque nous sommes exposés à la "lumière" du loup. Et là, parmi ces ombres, on tombe nez à nez avec ce qu'on préfèrerait justement ne pas savoir sur soi."

 

 

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Mark Rowlands et Brenin