28/08/2013
La Chartreuse de Parme de Stendhal
La Chartreuse de Parme de Stendhal, ed. Le livre de poche, 1839, 530p.
Je me suis fixée comme challenge personnel pour l'année scolaire à venir de lire un certain nombre de "classiques" entassés dans ma PAL depuis heu... le lycée... Histoire de commencer en beauté et pour ne pas le laisser pour la fin (quelque chose me dit que ç'aurait été un plan foireux du type "tiens, finalement, je le lis pas celui là"), j'ai attaqué par un bon gros pavé incontournable mais assez terrifiant pour moi, je l'avoue : La Chartreuse de Parme. Stendhal. Rien que l'auteur me fait frémir. J'ai un mauvais souvenir du rouge et le noir essayé trop jeune et arrêté au bout de 150 pages à bout de souffle. Du coup, je n'avais jamais retenté par peur d'un nouvel échec. D'ailleurs, vous remarquerez que je n'ai pas repris le dit-bouquin échec. Une façon de conjurer le sort? Peut-être bien. Car cette fois-ci, j'ai fini La Chartreuse !
Le roman narre l'évolution de Fabrice Del Dongo, jeune noble italien, au début du XIXeme siècle. Il naît dans un contexte épique qui touche à la légende : Napoléon est à son apogée. En 1796, il entre dans Milan, alors général, et apprend ainsi "au monde qu'après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur". Si son père et son frère aîné sont de fervents royalistes étriqués, Fabrice se ralliera plutôt à la cause républicaine de sa tante. Encore adolescent, il décide de partir combattre aux côtés de Napoléon lors de la bataille de Waterloo. LA fameuse bataille de Waterloo de La Chartreuse de Parme dont on nous a si souvent rabattu les oreilles. Narrée en focalisation interne, de l'oeil d'un jeune premier tellement idéaliste et ignorant du monde de la guerre qu'il en est vraiment drôle, le lecteur ne voit quasiment rien de la bataille. Fabrice se demandera d'ailleurs toujours s'il y a vraiment assisté. Toute cette première partie du roman, qui couvre ensuite son retour semé d'embûches à Milan et une première incarcération à laquelle il échappe, offre un anti-héros plus qu'un héros. Fabrice est naïf et se drape dans le fantasme d'un héroïsme de carnaval. Il se persuade en outre d'avoir lu des signes prémonitoires là où il n'y avait qu'un arbre feuillu. Contre toute attente, j'ai beaucoup ri - car Stendhal a une plume d'une finesse ironique sans pareille absolument délicieuse.
La seconde partie m'a paru un peu plus fastidieuse, c'est pourtant celle qui développe ses amours avec Clélia Conti (il faut dire que je n'ai pas l'âme romantique, ce qui n'aide sûrement pas). Dans cette partie, Fabrice se verra offrir comme possibilité d'avenir d'entrer au séminaire pour devenir haut dignitaire de l'Eglise à Parme comme l'ont été ses ancêtres. Adieu ses rêves de chevalerie depuis son emprisonnement. Heureusement, sa tante devenue duchesse Sanseverina a ses entrées à la cour de Parme et peut ainsi manoeuvrer pour qu'il ne reste pas éternellement caché. Pourtant, Fabrice commet de nouvelles bévues qui lui coûteront cher. De son aveu même, il n'a jamais connu le véritable sentiment d'amour - à part cet attachement fusionnel et réciproque pour sa tante (et incestueux, accessoirement). Il s'entiche d'une petite comédienne insignifiante en prenant cela pour un début de sentiment amoureux et tue son souteneur lors d'une rixe. Un tel évènement, dans le Parme du XIXeme n'aurait du occasionner que peu de retombées pour un noble de sa classe. Mais pour d'obscures raisons politiques largement développées dans le roman et fort complexes (que l'on pourrait néanmoins résumer en disant qu'il s'agit de la sempiternelle guerre entre les royalistes et les républicains), il est incarcéré à la tour Farnèse, LA prison de la cité. Il y retrouve Clélia, jadis croisée sur une route, qui n'est autre que la fille du gouverneur de la prison. Et bien sûr, c'est le coup de foudre. Ils entament alors une délicate relation faite de coups d'oeil et de petits mots furtifs échangés à travers la fenêtre de la geôle. Malgré toute une série de difficultés qui ne vont pas se faire minces, leur amour perdurera jusqu'à la mort des protagonistes, celle de Fabrice intervenant dans une fameuse subordonnée.
Soyons clairs : la brève chronique que je viens de vous servir ne rend pas tellement hommage à ce monument de la littérature française. La Chartreuse de Parme est un roman dense, complexe dont il faudrait parler des heures pour à peine commencer à en effleurer la richesse. J'en retire la très grande surprise d'un Stendhal ironique, piquant et tout simplement virtuose. Une oeuvre pareille écrite en quelques semaines paraît complètement hallucinante pour un regard contemporain. Il faut également préciser que si les intrigues politiques et historiques tiennent une large part dans le roman, elles sont quasiment toutes issues de l'imagination de l'auteur. Le roi de Parme, par exemple, n'a jamais existé. Je n'ai sans doute pas choisi la facilité en le lisant en plein été, avec la chaleur écrasante, et dans une édition poche ancienne avec une police minuscule mais je ne regrette pas le voyage. Il faut s'accrocher, je ne vous dirai pas le contraire. Mais la postérité ne s'est pas planté : c'est un grand roman !
09:00 Publié dans Classiques, Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (18)
Commentaires
Je l'ai aussi chez moi... Il faudrait que je trouve l'occasion de le lire.
Écrit par : Céline | 28/08/2013
Je crois qu'il faut provoquer l'occasion avec Stendhal, sinon elle vient rarement spontanément. En tout cas, c'est le constat que j'ai fait pourmoi après l'avoir gardé près de 12 ans dans ma PAL :D
Écrit par : Lili | 28/08/2013
J'ai beaucoup aimé Le rouge et le noir et pas du tout ce titre qui m'a ennuyé au plus haut point !
Écrit par : Bianca | 28/08/2013
Ahhh ! Il faudrait que je retente Le Rouge et le noir alors ! Perso, c'est la deuxième partie qui m'a paru plus ennuyeuse. Mais bon, globalement, je m'en suis plutôt bien sortie avec ce livre qui me faisait peur !
Écrit par : Lili | 28/08/2013
J'ai détesté ce roman. je l'ai trouvé trop en longueur. Je trouvais le Frédéric Moreau de Flaubert un peu niais, mais Fabrice, c'est le summum. Bravo d'être allée jusqu'au bout. Il doit me rester une cinquantaine de pages.
Écrit par : MademoizelA | 28/08/2013
Clairement Fabrice est complètement ridicule mais du coup, j'ai bien ri ! Je l'ai pris au troisième degré. Pour le coup, je n'ai jamais fini L'Education Sentimentale qui m'a complètement rasée. Mais celui là aussi je le retenterai : j'ai décidé de plus rester sur des échecs de jeunesse !
Écrit par : Lili | 28/08/2013
J'adore comme tu fais part de ton ressenti...J'attendais ce billet avec impatience...Je ne suis pas déçue ! Chez moi, ce fut l'inverse, mon romantisme presque échevelé (à la Chateaubriand) a fait que j'ai aimé davantage la partie avec Clélia... Et...j'ai beaucoup aimé "Le rouge et le noir" !
Merci pour ce beau moment de prose critique, j'adore !
Écrit par : li-lou | 28/08/2013
Merci Christine, ça me fait très plaisir !! Chateabriand : encore un grand auteur que je n'ai jamais lu. Je vais attendre un peu avant de m'y attaquer, je crois... Je vais étaler les romantiques pour ne pas en faire une overdose ;)
Écrit par : Lili | 28/08/2013
Je l'ai aussi en vieille édition, celle de mon père dans sa jeunesse.
J'avais commencé mais m'étais arrêté en cours de route, non pas que je n'aimais pas, mais je n'avais pas envie d'une telle lecture à ce moment là. J'y reviendrai sans aucun doute, surtout après ton billet. Je suis contente que ça t'ait plu, même si tu as dû t'accrocher ;)
Ah au fait, j'ai un tag pour toi : http://lejardindenatiora.wordpress.com/2013/08/29/un-petit-tag-pour-la-rentree/
Bises ma Lili
Écrit par : Natiora | 29/08/2013
Moi pareil : c'est l'édition du papounet que j'ai piquée ^^ Et ben, ils n'étaient pas sympas pour les yeux, les éditeurs à l'époque fiou !
Clairement, il faut être dans l'humeur pour apprécier un tel livre. Plus tard peut-être !
Écrit par : Lili | 29/08/2013
Je suis passée à travers Stendhal au cours de mes années lycée. Personne ne me l'a fait lire et je ne l'ai pas lu non plus toute seule. Ce que tu écris sur la Chartreuse (dont je n'avais aucune notion de l'histoire à part le fait qu'il y avait un rapport avec Parme) me tente énormément. Le nombre de pages, lui me refroidit un peu (surtout vu tous les pavés que j'ai commencés et pas encore fini, mais ça peut-être un bon objectif pour 2014 ;-)
Écrit par : Shelbylee | 29/08/2013
Il ne faut pas abuser des gros pavés, sinon ça déprime ;) D'ici 2014, tu devrais être requinquée !
Écrit par : Lili | 30/08/2013
Bonsoir,
C'était une de mes lectures de mon top 10 quand j'étais jeune. Depuis, d'autres se sont ajoutées.
Écrit par : Syl. | 04/09/2013
C'est devenu un top 50 alors ? ^^
Écrit par : Lili | 04/09/2013
Ah, moi je l'ai adooooré, ce roman. Il y a de l'humour, une écriture qui transporte et du troisième degré, comme tu dis. Fabrice est... oh my!!
Écrit par : Karine:) | 08/09/2013
Il n'y a pas de mots pour décrire Fabrice :))
Écrit par : Lili | 13/09/2013
Tu aurais du persévérer avec Le rouge et le noir car après si j'ai trouvé les 200 premières pages fastidieuses, le reste m'a vraiment beaucoup plu. Tu aurais peut-être eu la même expérience :-) Mais j'avais qu'aujourd'hui, les classiques ne me tentent plus.
Écrit par : Manu | 12/09/2013
J'ai tenté Le Rouge et le Noir à 14 ans, je crois que j'étais trop jeune. Mais je le retenterai, ça c'est sûr !
Écrit par : Lili | 13/09/2013
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