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22/08/2013

Dans le silence du vent de Louise Erdrich

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Dans le silence du vent de Louise Erdrich, ed. Albin Michel, Août 2013, 462p.
National Book Award 2012 et Meilleur livre de l'année par les libraires américains 2012

 

 

Vous commencez à le savoir : je nourris à l'endroit de Louise Erdrich un fort intérêt teinté d'admiration. Tant son sujet que sa plume m'attirent, aussi lorsque j'ai découvert que son dernier roman (The Round House en VO) paraissait à la rentrée littéraire, j'étais au comble de l'impatience. Et grâce aux éditions Albin Michel, je n'ai pas eu à attendre aujourd'hui : j'ai pu le lire en avant-première. Ô joie ! Ni une ni deux, je plongeai dès réception du paquet dans ce roman poignant et virtuose que j'ai dévoré et qui est, du coup, mon premier coup de cœur de cette rentrée !

Le livre s'ouvre sur l'élagage de quelques petits arbres qui encombrent la maison des Coutts. Qui s'insinuent, devrais-je dire, dans les fondations et l'ébranlent. Tout indique qu'il s'agit pourtant d'une maison solide : Le père est juge tribal dans la réserve du Dakota du Nord, la mère travaille au recensement tribal et leur fils unique de treize ans est un insouciant adolescent. Ils sont liés par cet amour sans question des familles unies. Pourtant, ce jour-là, la mère ne rentre pas du travail. Elle ne devait pourtant aller chercher qu'un dossier. Père et fils partent à sa rencontre, la croisent effarée au volant. Au sortir de la voiture, l'étonnement fait place à l'angoisse puis à la rage : Geraldine est victime d'un viol brutal et a échappé de peu à la mort. Tandis qu'elle s'enterre peu à peu dans une survie pitoyable, terrorisée, sa famille tente de rendre justice. Père et fils quête d'abord quelques indices dans les dossiers traités au tribunal, persuadés qu'il s'agit d'une affaire personnelle et non d'un hasard. Puis le fils, seul avec sa bande d'amis truculents, mène sa propre enquête qui, comme le dit si bien la 4eme de couverture, "marquera pour lui la fin de l'innocence".

Tout le roman est écrit du point de vue de Joe, le fils. Habituée aux polyphonies foisonnantes, Louise Erdrich se concentre ici sur cet adolescent blessé. Cet âge limite, si propre à la révolte et au bouillonnement, porte la colère de l'auteur face à une politique américaine à l'égard des amérindiens toujours inique et scandaleuse.
Jamais nous n'entrons dans l'esprit de Geraldine. Ce qui imprègne le roman concernant la question délicate du viol ce n'est pas tant la psychologie de la victime (bien qu'elle soit rendue de manière très juste à travers les yeux de Joe) mais la question de l'auteur et surtout du lieu. Points cruciaux pour les justices américaines et tribales, ces deux éléments déterminent qui peut se charger de l'enquête - la police tribale s'il s'agit d'un amérindien sur le sol de la réserve ; la FBI dans tout autre cas - et qui va rendre la justice. Le tribunal tribal ne pouvait jusqu'à l'an dernier ni juger un prévenu non-autochtone ni condamné à une peine de prison de plus d'un an (il peut aujourd'hui le faire pour une peine maximale de deux ans !!!). Aussi, la justice échoue en principe au tribunal fédéral, rarement très concerné par les sévices subis par les amérindiennes (Du fait du peu de poursuites engagées contre les coupables, on considère donc que 85 % des agresseurs violent en toute impunité (source Amnesty International) et les réserves indiennes deviennent ainsi le paradis des violeurs... Vivent les USA.)
Il s'agit pour Joe et sa famille de déterminer où a été attaquée la mère pour pouvoir faire valoir la justice. Malheureusement, l'agresseur avait mis un sac sur la tête de Geraldine. Si elle est en mesure de situer le périmètre aux abords des frontières de la réserve et de l’État, elle ne peut préciser l'endroit. Ce flou a priori anecdotique rend dès lors la perspective d'un recours légal impossible. Le violeur est parfaitement connu et identifié, il est même mis en détention quelques jours. Mais il est surtout relâché et se balade dans la réserve à loisir, au désarroi de celle et ceux dont il a brisé les vies. Telle est la justice américaine pour les nations premières, aujourd'hui, au XXIe siècle.

Véritable réquisitoire contre un vide juridique scandaleux (et bien qu'amélioré depuis, il est toujours injuste), le dernier roman de Louise Erdrich explore avec pertinence et une langue toujours émouvante, les notions de justice et de vengeance.
Ce questionnement fondamental est bien sûr toujours filé avec le quotidien des amérindiens. On retrouve la dichotomie entre les croyances ancestrales et le christianisme, le problème majeur de l'alcool qui ravage toujours les populations. Et puis il est aussi filé avec le quotidien de cette bande d'adolescents dont fait partie Joe qui font leurs premières expériences d'été. Dans le roman s'entremêlent ainsi plusieurs niveaux d'exploration, plusieurs tonalités, plusieurs questions. Louise Erdrich révèle la vie même par ce bouillonnement d'instants et ce qui fait sa force est cette alternance du prosaïque et du conceptuel.

J'ai été littéralement happée et bouleversée par ce roman. Je n'avais pas eu un tel coup de cœur depuis longtemps et bien que j'aimais d'ores et déjà les autres romans lus de l'auteur, celui-ci est indéniablement le plus saisissant.
Si vous hésitez encore sur les livres à choisir de lire pour cette rentrée, il faut absolument que vous vous jetiez sur celui-ci. Non seulement il est délicieux d'un point de vue purement littéraire, mais il a aussi le mérite de sensibiliser à une problématique malheureusement méconnue. Deux excellentes raisons, donc, de plonger avec délectation.

 

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Un grand merci aux éditions Albin Michel pour ce partenariat !

 

Challenge améridiens.jpgChallenge Amérindiens

5eme lecture

 

 

 

rentrée littéraire 2013.jpgChallenge 1% de la rentrée littéraire chez Hérisson

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Commentaires

Ohlalalalalalalalalala Que faire ? Tu me donnes vraiment envie de le lire et en même temps, la plume de cette romancière m'avait tellement déçue avec "La malédiction des colombes". Je vais de toute façon attendre une sortie poche pour me décider !

Écrit par : Manu | 24/08/2013

Hmm comme je te l'avais dit en commentaire de ta lecture (si mes souvenirs sont bons), Louise Erdrich a une écriture parfois inégale, en outre, elle insiste toujours beaucoup sur la vie quotidienne de ses personnages, ce qui peut peut-être parfois ennuyer. Mais vraiment, cette lecture est bouleversante ! Note-le dans un petit coin de ta tête pour sa future sortie poche, elle vaut le détour, plutôt deux fois qu'une ! :)

Écrit par : Lili | 25/08/2013

merci pour cette très belle présentation et je crois en effet qu'il fera partie de mes priorités
la rentrée américaine semble géniale : Richard Ford, Louise Erdrich, J.C. Oates et Laura Kassischke : 4 valeurs sûres et envoutantes !!!

Écrit par : denis | 25/08/2013

J'ai noté ces auteurs également ! Les américains sont une valeur sûre !

Écrit par : Lili | 25/08/2013

Je n'avais pas été tout à fait convaincue par ma première lecture de Louise Erdrich mais tu me donnes quand même envie de lire son nouveau roman !

Écrit par : Adalana | 25/08/2013

Tu avais lu lequel ? J'espère que celui-là te plaira !

Écrit par : Lili | 25/08/2013

Je note aussi et attendrai sa sortie en poche pour me l'acheter (économies obligent, ou ce sera pour Noël!). Je le lirai pour ton challenge. Je ne connais pas du tout cette auteure. Ce sera donc une découverte mais la culture amérindienne me passionne. J'ai aussi Mémoires d'un chef sioux qui m'attend sagement sur les étagères.

Gros bisous de Normandie!

P.S je suis plongée dans Mémoires d'Hadrien! Un régale! Merci de m'avoir donné envie de le lire (j'avais lu ton billet et l'avais commandé sur Amazon dans la foulée).

Écrit par : Missycornish | 25/08/2013

Ça fait plaisir lorsqu'on a donné envie de lire avec l'une de nos chroniques ! Surtout que les "Mémoires d'Hadrien" sont particulièrement passionnantes et virtuoses ! J'espère qu'il en sera de même pour Louise Erdrich lorsque tu auras l'occasion de la découvrir.
Bisouxx de la Creuse que j'ai retrouvée hier soir... Ça sent la presque-rentrée gniiii !

Écrit par : Lili | 26/08/2013

Ajouté à ma liste d'envies, avec très hâte de le lire!

Écrit par : eimelle | 26/08/2013

Tu as bien raison :)

Écrit par : Lili | 26/08/2013

Coup de cœur croisé à ce que je vois ! Je veux le lire ce nouveau Louise Erdrich dont j'ai entendu beaucoup de bien. Ton billet en rajoute une couche... merci !

Écrit par : Mélopée | 26/08/2013

Oui, en effet ! J'espère que ce livre sera ton deuxième coup de coeur !

Écrit par : Lili | 26/08/2013

J'étais frileuse, je ne le suis plus.

Écrit par : Leiloona | 27/08/2013

Tu peux y aller sans problème :)

Écrit par : Lili | 27/08/2013

J'ai acheté "La malédiction des colombes", mais de nombreux avis négatifs m'avaient fait reculer. Ce livre a l'air très très bien. Je regarderai si ma médiathèque l'achète, en tout cas ça me redonne envie de découvrir cet auteur. Je ne connaissais pas ces principes juridiques, ça paraît effarant qu'un même pays ne rende pas la même justice (au moins en théorie) sur tout son territoire.

Écrit par : Lilly | 27/08/2013

En effet, ce vide juridique est aberrant... A la base, il s'agissait de laisser aux amérindiens une "certaine autonomie" sur les réserves mais le résultat est toujours aussi inique même à notre époque... Dans un pays développé sur bien des points comme les USA, c'est particulièrement choquant.
J'ai aussi "La malédiction des colombes" mais je ne l'ai pas encore lu celui-là. Je crois qu'Erdrich dans son ensemble inspire des avis contrastés. Comme j'en suis plutôt friande, je ne crains pas trop de l'attaquer bientôt.

Écrit par : Lili | 27/08/2013

Je n'ai encore rien lu d'elle, c'est terrible ! J'espère pouvoir le faire bientôt !

Écrit par : Anis | 27/08/2013

J'espère que tu le pourras : elle vaut le détour !

Écrit par : Lili | 27/08/2013

Je n'avais jamais lu Louise Erdrich avant ce roman. Difficile, mais vraiment excellent.

Écrit par : Jackie Brown | 12/10/2013

Absolument d'accord avec toi !

Écrit par : Lili | 11/05/2014

Tu trouves qu'elle a une écriture inégale? je n'en ai lu que deux mais ils me paraissent très bien écrits tous les deux mais très différents. Je ne parlerai pas d'inégalité!

Écrit par : claudialucia ma librairie | 11/05/2014

Je parlais d'écriture parfois inégale dans le sens où, certains passages de ses romans peuvent parfois être un peu longs ou a priori un peu emmêlés. Cela dit, plus je creuse son travail, plus je reviens sur ce commentaire. Je pense que son apparente inégalité vient surtout de l'aspect déroutant de certains effets de son écriture :) Mais du coup, je comprends qu'on puisse ne pas tellement accrocher à cause de ça.

Écrit par : Lili | 11/05/2014

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