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10/01/2014

En remontant vers le Nord de Lilyane Beauquel

En remontant vers le nord.gif
En remontant vers le Nord de Lilyane Beauquel, ed. Gallimard, 2014, 236p.

 

Le jeune Sven s'est échappé à dix-sept ans d'une Scandinavie qui ne dit pas son nom pour parcourir le monde, découvrir l'inconnu puis s'établir aux États-Unis. Un professeur devenu son mentor l'y forme aux sciences et à l'ingénierie. Fort de ce bagage, il retourne dix ans plus tard vers le lointain pays de ses origines pour diriger la construction d'un tunnel qui désenclavera la vallée. Les connaissances de Sven se heurtent aux pensées archaïques des familles depuis toujours en autarcie : les Landsen et les Zir occupés à se disputer la prévalence du dire et du faire ; les croyances ancestrales en une malédiction des esprits courroucés. Et puis, au-delà de la roche qui se creuse, Sven tente de percer le secret du congé que son père pris jadis, irrémédiablement, de toute sa famille. Se pourrait-il qu'il y ait quelque chose à voir avec une mignonne petite bouche rouge ? En allant à la rencontre de l'autre, c'est à sa propre rencontre qu'est convié l'ingénieur qui se dépouille progressivement de ses certitudes.

Enchantée par la langue de Lilyane Beauquel lors de son premier roman, Avant le silence des forêts, c'est avec plaisir que j'ai répondu à son invitation de lire ce deuxième titre sorti hier chez Gallimard. Dès les premières pages, j'ai plongé avec délice dans ce style si poétique. Exigeant aussi, rien ne sert de le cacher. Cet hermétisme des images, cet éclat des phrases lâchées comme autant de bulles autonomes dans la grande histoire du tunnel, demandent une lecture lente, attentive, silencieuse. La lecture d'un livre de Lilyane Beauquel tient plus de l'exploration d'un long poème en prose que de la dévoration d'un page turner. Il m'arrivait régulièrement de me dire que n'importe quelle phrase au hasard pouvait constituer un morceau poétique à part entière. Exemple en action, p. 117 : "Ce chemin blanc, dans son arrondi ajusté à l'étranglement de la lisière, cesse d'être un chemin noble et sauvage de montagne et prend la grâce féminine des franges de vallée, fait de tissus posés, lourd de leur poids de tissage."
Outre l'écriture, j'ai aimé retrouver ce tissage particulier entre une réalité âpre, parfois violente, harassante et un imaginaire qui emprunte ici aux mystiques et superstitions scandinaves. L'homme est profondément relié à la nature, à l'image du grand-père de Sven inséparable de son rapace et de l'envie de voler au dessus des fjords, et à sa famille. Où les Landsen sont reconnaissables par leur mystérieuse oreille-bijou, talisman précieux et blessure pour ceux qui s'aiment.

En remontant vers le Nord invite le lecteur à un voyage pénétrant que je ne peux que vous inviter à suivre à votre tour - ne serait-ce que pour découvrir une nouvelle voie poétique de la littérature française (c'est tellement rare et surtout peu médiatisé, quel dommage !). A savourer tout doucement avec un bon plaid et une tasse de thé (et pourquoi pas quelques chocolats de Noël qui trainent encore dans un coin de placard ? ^^).
Si cela tente quelqu'un, je peux même le faire voyager !

 

Un grand merci aux éditions Gallimard et à l'auteur pour l'envoi de ce livre et l'adorable dédicace !


 "Nous sommes la terre bourrée de formes en vrac, de hanches, crânes, abcès de chair, terre brune, liquide, décantée, rien d'une croûte, fourrée d'os, de fragments de cercueils gros comme dents de souris, terre sous et autour de l'église aux clochers pointus et gueules de dragons et démons. Terre remuée avec les restes de chaussures, feutre des chapeaux, métal des bijoux des générations à oublier. Terre entre les écailles de pierre et les lits de roche. Terre noire maintenant que le soir tombe, à l'atroce beauté des peurs vulgaires et des angoisses infinies. Rien n'est plus riche que nous. Il nous faut parler des pères, cousins, oncles, mères, sœurs, filles, enterrés sous le plancher de la nef et de ceux enfouis dans l'enclos des murs du cimetière pour épargner miasmes et pestilences aux vivants du dimanche. Nous vous parlons à vous, écrasés entre les liasses des images des montagnes et des plaines tenues ensemble, vous de ce petit monde ancien, si loin du Nord et du Sud, qui fera venir les larmes aux étrangers quand ils arriveront." p. 215-216

Photo Lilyane.jpg
©Daniel Denise

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Commentaires

Je le dis souvent, mais j'ai du mal avec ces écritures trop travaillées, trop poétiques. Et puis, je suis déjà bien assez au nord ;-)

Écrit par : Manu | 10/01/2014

Aha, la Belgique ou le cercle polaire :D
C'est vrai que si l'on est pas trop versé dans la poésie, sa lecture peut vite devenir fastidieuse. Son appréciation est très subjective.

Écrit par : Lili | 10/01/2014

Bonjour,
je suis auteur et viens de publier un roman ("La piste de Chajnantor" aux Editions Beaurepaire).
Il me semble qu'il peut correspondre à vos centres d'intérêt et je souhaiterais vous l'adresser (gracieusement, bien sur!).
Souhaitez vous le recevoir et, en ce cas, à quelle adresse?
Bien cordialement.

Écrit par : Alain Keralenn | 10/01/2014

Merci de votre proposition. Je vous réponds par mail :)

Écrit par : Lili | 10/01/2014

Waow tu as de la chance d'avoir reçu un bouquin de chez Gallimard ! Et oh p... je dois toujours lire le premier roman de Lilian Beauquel !!!

Écrit par : Anne | 10/01/2014

Pour le coup, je le dois à l'auteur qui me l'a proposé car elle avait apprécié ma chronique de son premier roman. Et oui, toi qui t'intéresses beaucoup à la première guerre mondiale, son premier titre ne pourrait que te plaire !!!

Écrit par : Lili | 10/01/2014

Les commentaires sont fermés.