23/01/2014
La poésie du jeudi avec Henri Michaux
Grâce à mon amie Charline, j'ai découvert il y a quelques semaines la poésie d'Henri Michaux avec le recueil La vie dans les plis. Fulgurante, prosaïque, surprenante, souvent drôle et écorchée, j'ai tout d'abord été déroutée et étonnée par l'écriture des premières parties. Jusqu'à la troisième intitulée Portrait des Meidosems, d'une délicatesse infinie. Qui sont les Meidosems ? Petits personnages mystérieux, qui échappent à toute définition, toute tentative de représentation. Tantôt souples, tantôt traversés de raideurs douloureuses, tantôt dans l'attente ou dans la jouissance immédiate, ils semblent cristalliser la dualité du vivre tendu vers une volonté d'unité et son impossibilité même. Les Meidosems sont la joie et la perte, l'instant et l'éternité criante. Lire ce Portrait des Meidosems en une pluralité de courts fragments élancés (titrer au singulier cette multitude, c'est déjà exprimer la dualité fondamentale), c'est voyager à la découverte d'un autre tellement étrange qu'il nous conduit à voyager en soi.
Voici trois extraits qui m'ont particulièrement touchée, pour des raisons différentes. Et ce n'est sans doute que le premier d'une longue lignée de jeudis poétiques consacrés à Michaux ;)
Trente-quatre lances enchevêtrées peuvent-elles composer un être? Oui, un Meidosem. Un Meidosem souffrant, un Meidosem qui ne sait plus où se mettre, qui ne sait plus comment se tenir, comment faire face, qui ne sait plus être qu'un Meidosem.
Ils ont détruit son « un ».
Mais il n'est pas encore battu. Les lances qui doivent lui servir utilement contre tant d'ennemis, il se les est passées d'abord à travers le corps.Mais il n'est pas encore battu.
*
Danger! Il faut fuir. Il le faut. Vite.
Il ne fuira pas. Son dominateur droit ne lui permet pas.
Mais il le faut. Ne veut pas son dominateur droit. Son épouvantant gauche s'agite, se tord, au supplice, hurle. Inutile, ne veut pas son dominateur droit. Et meurt le Meidosem qui, indivisé, eût pu fuir.
Finie la vie. Il n'en reste plus. On pourra seulement, si on le veut absolument, en faire l'histoire.
*
Sur ses longues jambes fines et incurvées, grande, gracieuse Meidosemme.
Rêve de courses victorieuses, âme à regrets et projets, âme pour tout dire.
Et elle s'élance éperdue dans un espace qui la boit sans s'y intéresser.
*
08:52 Publié dans Coups de coeur, Poésie | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
Henri Michaux, souvent nous désarçonne, toujours nous intéresse. Sous substance, je pense...Merci à toi.
Écrit par : Eeguab | 23/01/2014
Ton commentaire dit tellement bien la poésie de Michaux ! Merci Eeguab ¨¨**
Écrit par : Lili | 23/01/2014
Je suis tellement ravie que les Meidosems t'aient enchantée... J'aime beaucoup ton éclairage sur ces personnages ! Pourvu qu'ils te fassent apprécier plus loin l'univers michaldien ! :)
Écrit par : Charline | 23/01/2014
C'est d'en avoir parlé avec toi qui m'a permis de mieux les comprendre ! J'attaquerai "Plume" prochainement. J'ai hâte de poursuivre la découverte de Michaux !
Écrit par : Lili | 23/01/2014
Je ne connaissais pas du tout ! Cela déstabilise un peu, c'est très "barré", un peu quand même mais la poésie est là, n'est-ce pas l'essentiel, que de nous faire passer d'étranges émotions ? Un choix intéressant ! :D
Écrit par : Asphodèle | 23/01/2014
Je confirme que c'est barré, et encore, j'ai lu pire dans le recueil ^^ Mais je trouve que la partie des Meidosems est malgré tout très douce, poétique et émouvante.
Écrit par : Lili | 23/01/2014
Décidément aujourd'hui , je vais de découverte en découverte! Univers étrange certes mais qui résonne en moi je ne sais pourquoi.Je vais approfondir cet auteur.Merci à toi.
Écrit par : pyrausta | 23/01/2014
C'est le plaisir des jeudis poétiques, toutes ces découvertes ! Je suis heureuse que Michaux t'inspire ! J'espère que sa plus ample lecture continuera de t'enchanter :)
Écrit par : Lili | 23/01/2014
intrigant....Et pas très facile d'accès
j'aime bien ce que tu soulignes "la joie et la perte" que l'on sent bien dans les extraits (surtout la perte je trouve ...)
Écrit par : valentyne | 23/01/2014
Peut-être n'ai-je choisi inconsciemment que des morceaux qui évoquent plus la perte. Mais il y en a clairement des lumineux dans cette partie !
Écrit par : Lili | 23/01/2014
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