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07/05/2015

Captive de Margaret Atwood

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Captive de Margaret Atwood, 10/18, 2012 [1998], 623p.

 

Au milieu du XIXème siècle, l'affaire Grace Marks a défrayé la chronique canadienne. Voilà une jeune domestique de 16 ans, fraîche, vive et délicate, embarquée dans le double homicide de son employeur, M. Kinnear et de la femme de charge de la maisonnée, Nancy Montgomery. A ses côtés, le palefrenier et homme à tout faire, McDermott, est accusé avec elle. Il aurait tenu la hache mais c'est elle, Grace, qui aurait ourdi dans l'ombre pour éliminer ses supérieurs et s'enfuir plus riche de leurs possessions et de la liberté retrouvée. La postérité n'a jamais fait la lumière sur cette affaire. La justice, elle, a tout d'abord tranché en la défaveur des deux protagonistes et les a condamnés à la corde. Puis, face au mur de protestations élevé en faveur de Grace, elle a finalement commuté la peine de la jeune fille en prison à perpétuité.
Au moment où le roman de Margaret Atwood commence, Grace est incarcérée au pénitencier de Kingston depuis 1853, après un passage de quelques années en asile psychiatrique. Elle a une trentaine d'années et sa vie aura été aussi longue en prison qu'au dehors. Tandis qu'une troupe d'aficionados continue de militer en faveur de sa grâce, elle coud patiemment et sert la famille du gouverneur de la prison. Le révérend Verrinder, leader des militants, engage le docteur Simon Jordan afin que ce dernier détermine médicalement la responsabilité de Grace dans les meurtres jugés voilà quinze ans. Jordan entame donc une thérapie avec Grace, à base de suggestion par les légumes (savoureux !) et de paroles infinies. Il s'agit de dérouler le fil de la mémoire perdue pour tenter de comprendre, de mettre à jour et de libérer.

Comme beaucoup de lecteurs et lectrices, si j'en crois la blogosphère, je sors mitigée de cette longue lecture. A bien des égards, le roman a tout pour être passionnant. La construction narrative complexe - organisée autour de plusieurs motifs de courtepointe comme autant de chapitres éparpillés doivent former, cousus ensemble, la teneur d'un roman - et la langue de Margaret Atwood - différente en fonction des personnages à qui elle donne voix ou vision - révèlent indéniablement un talent et une intelligence littéraires de haut vol. Lorsqu'on pénètre dans l'univers de Grace Marks, narratrice principale, on ne peut qu'être désarçonné par un style oral, parfois bancal, et pourtant savamment dirigé. Par les mots avant tout, Atwood croque les personnages et permet au lecteur de les saisir dans toute leur ambiguïté. Grace, d'ailleurs, n'est pas la seule à être délicate à cerner. En contrepoint de son récit se profile le récit omniscient de la thérapie menée par le docteur Jordan, a priori très engagé dans sa recherche et ses projets d'avenir pour la psychiatrie ; progressivement sur la pente glissante d'actes peu honorables.
Ainsi, la véritable intelligence d'Atwood dans ce roman est d'articuler très finement le propos historique - le quotidien d'une certaine tranche de la population domestique canadienne issue de l'immigration puis le quotidien d'incarcération des femmes, le propos médical et la question de la responsabilité pénale en cas de troubles mentaux - la deuxième partie du XIXème est le terrain d'exploration de techniques et théories diverses en ce domaine, et une interrogation sur la nature de l'homme, sur sa complexité et sa duplicité.

Pourtant, le flot narratif se révèle régulièrement trop touffu, trop digressif et inutilement détaillé pour maintenir une attention et un intérêt de lecture suffisamment soutenus. Certains passages sont franchement passionnants ; d'autres franchement pénibles. Arrivé à mi-parcours, on se demande ce qui va encore pourvoir s'étirer du récit de Grace qui n'en finit plus de détails sur le menu de ses journées de domestiques. Le texte aurait, me semble-t-il, gagné a être plus resserré afin d'être plus dynamique. C'est là le danger de la longueur : rien n'est plus dangereux qu'un pavé qui ne parvient pas à maintenir un élan car c'est là que la tentation de l'interruption de lecture pointe le bout de son museau.

Je l'ai fini, néanmoins, bien qu'un certain nombre de pages entre 350 et 500 pages ont été déroulées en diagonale, et je ne le regrette pas. L'ensemble, vraiment, est plus que digne d'intérêt et mérite d'être lu. Sachez seulement en vous y attaquant que l'essoufflement pourrait vous gagner à un moment donné et ne vous y engagez donc que si vous avez la lecture rapide pour y remédier.

 

 

challenge melangedesgenres1.jpgChallenge Le mélange des genres chez Miss Léo

Catégorie roman historique

 

 

 

 

 

challenge-un-pave-par-mois.jpgChallenge Un pavé par mois chez Bianca

Participation de mai 2015

05/05/2015

La magie des blogs : une belle rencontre et un merveilleux colis surprise !

Colis Topi 1.jpgIl y a quelques mois, je faisais la rencontre de Topinambulle par l'intermédiaire de son blog littéraire. Au fur et à mesure de nos billets et de nos commentaires, j'ai découvert une jeune femme très ouverte et attentionnée, aux goûts éclectiques toujours poétiques et sensibles. Au fil des lectures de Topi, j'ai également découvert toute la richesse de la littérature québécoise, qui, malheureusement, arrive peu souvent sur nos étals littéraires français. Et puis, après avoir lancé l'idée d'une lecture commune autour de Jane Austen que nous avons toutes deux appréciées, nous sommes sorties du cercle restreint du blog pour échanger régulièrement par mail, toujours sur nos lectures bien sûr, mais aussi sur toutes ces autres petites choses qui forment nos vies. A ce stage, c'était déjà une très belle rencontre à distance comme seule la magie des blogs sait en créer, par-delà la frontière de l'Atlantique qui nous sépare. Et puis voilà que Topinambulle me surprend à nouveau en m'annonçant qu'elle me concocte un colis pour mon anniversaire ! Quelle délicieuse attention ! Par avance, j'étais déjà plus que touchée et ravie mais c'était sans compter ce que j'allais découvrir à la réception : un énorme paquet fleuris contenant mille et mille surprises ! Pas moins de huit livres et une BD (oui, vous lisez bien), ainsi que moult gourmandises et cartes. Je reste sans voix devant tant de délices et de générosité d ! Merci mille fois à toi, Topi ! Dire que c'est un plaisir est un faible mot. Je ne pouvais donc résister à l'envie d'en laisser une trace par ici puisque c'est grâce aux blogs que tout cela est né, et vous montrer toutes les belles choses qu'elle m'invite à découvrir :

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Colis Topi 3.jpgDu côté de la longue liste des livres, deux recueils de poésie amérindienne : Du thé dans la toundra de Joséphine Bacon dont j'avais beaucoup apprécié le premier recueil Bâtons à message et N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Natasha Kanapé Fontaine dont j'avais découvert et fort apprécié un petit morceau poétique sur le blog de Topi. Mon goût tout particulier pour la littérature amérindienne n'est plus un secret pour quiconque vient régulièrement ici ; cela n'a évidemment pas échappé à Topinambulle qui me ravit donc par ces deux ouvrages ! 

S'en suivent plusieurs romans qui semblent tous plus inspirants les uns que les autres : Sorray de Gérard Duhaime qui offre au lecteur de rencontrer, à travers le spectre de la fiction, le quotidien des communautés autochtones du Grand Nord. Une lecture qui s'annonce pleine d'espoir et ancrée dans le territoire, pour reprendre les mots du billet de Topi. La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaëtan Soucy, un coup de coeur de Topi, qui semble être le huis clos viscéral de deux enfants nouvellement orphelins, porté par une langue exigeante et poétique. Colis Topi 4.jpg

 Deux romans de Jocelyne Saucier : Les héritiers de la mine, à nouveau coup de coeur de Topi, qui relate une réunion de famille sur le point d'exploser à cause d'un lourd secret, et Il pleuvait des oiseaux ou la rencontre improbable au fond des bois de deux vieux ermites, une photographe et une dame aux cheveux blancs comme neige. 

Les sangs d'Audrée Wilhelmy, quant à eux, déploient les portraits de sept femmes éprises d'un même homme dévorant. En filigrane, se dessine une réécriture libertine et enflammée du conte de Barbe Bleue.

Enfin, un florilège de littérature québécoise ne serait pas tout à fait au complet sans un titre du célèbre Jacques Poulin ! Ici, il s'agit de la dernière lecture coup de coeur de cet auteur par Topi, La traduction est une histoire d'amour, qui m'emmènera entre les grands espaces naturels et ceux de la création littéraire ; deux espaces qui me parlent et me séduisent.

Colis Topi 5.jpgMais tout ne s'arrête pas à ces ouvrages déjà délicieux ! Ma chère amie de fort fort lointain a également glissé dans son colis Paul à Québec de Michel Rabagliati, écrit en hommage au beau-père de l'auteur.

Et les mots ne sont pas les seuls plaisirs du colis puisqu'il est également rempli de cartes et images - d'art québécois, d'art amérindien mais aussi des paysages de la région de Topi et je découvre à cette occasion la beauté du Québec ! Je dois dire que cela donne grandement des envies de voyage !

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Pour finir, je vais pouvoir me régaler de nombreuses douceurs alléchantes et inconnues de mes papilles : des bouchées au sucre d'érable, de la gelée de bleuets, des tisanes inuit, du thé chinois au litchi et des chocolats noirs parfumés. A tout cela sans exception, je dis miam ! Et les bouchées au sirop d'érable vont étrenner de ce pas le bal des dégustations avec une traditionnelle tasse de thé, qui sera pour l'occasion au litchi !

Merci encore et au-delà des mots ma chère Topi ! Ton colis est un délice, tant pour tout ce qu'il contient que pour ce qu'il m'offre de découvrir de toi, si généreuse, délicate et pleine de vie et de sérénité. J'espère que nos échanges se poursuivront longtemps dans cette même joie du partage et des découvertes !

08:02 Publié dans Swap | Lien permanent | Commentaires (12)

04/05/2015

Une passion de Christiane Singer

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Une passion, entre ciel et chair de Christiane Singer, Albin Michel, 2000, 176p.

 

Abelard_and_his_Pupil_Heloise_Edmund_Blair_Leighton.jpgDepuis septembre dernier, on a beaucoup lu et écouté à propos d'Héloïse et Abélard avec la sortie du dernier Jean Teulé. Et je dois dire qu'à force de chroniques amusées sur ce dernier, j'ai fini par être tentée de le découvrir. Malheureusement pour moi, ma médiathèque est à l'achat de nouveautés ce que la tortue est à la course à pied ; je me suis donc rabattue sur une toute autre vision du célèbre couple médiéval, écrite par une auteure qui ne cesse de m'inspirer à chacun de ses ouvrages.

Christiane Singer propose un récit rétrospectif du point de vue d'Héloïse. Celle-ci arrive doucement au bout de son chemin terrestre ; voici quarante ans qu'elle porte le voile et quelques dizaines d'années qu'elle dirige l'abbaye du Paraclet. Abélard est mort depuis longtemps déjà. Durant toute sa vie, Héloïse n'a cessé d'être en quête d'amour - l'amour passionnel et intellectuel avec Abélard, puis l'amour spirituel et lumineux de Dieu. Elle prend conscience à présent que tout n'a été qu'un seul et unique amour car "tout ce qui a été écrit sur terre, dit, murmuré, hurlé, crié, parle d'amour" dans un même instant où "le ravissement et la terreur se confondent". Elle entreprend alors de raconter cette passion fondatrice qui l'a ouverte au monde et, de concert, éclabousse les clivages endurcis qui opposent l'homme et la femme, l'amour charnel et l'amour divin, la vie terrestre et la vie spirituelle. Car tout est état de grâce à cœur ouvert.

La plume de Christiane Singer, bien sûr, est sûre et délicate. Son verbe est aussi passionné et érudit que l'amour qu'elle relate et le lecteur lit d'un souffle captivé et ému cette histoire que l'on connaît par cœur. Mais le véritablement talent de l'auteure va encore au-delà. Ses récits et essais toujours dépassent la surface du visible pour atteindre l'intangible, une forme de spiritualité lumineuse détachée de toute appartenance religieuse contraignante et dogmatique. La spiritualité de Christiane Singer est une spiritualité holistique pleine de vitalité, d'espoir, d'énergie et de sérénité. Et ce récit de la passion d'Héloïse et Abélard, dont le sous-titre souligne bien la réunion du haut et du bas, du corps et de l'esprit, ne fait pas exception à la règle. Comme toujours, je ressors de la lecture de Christiane Singer comme d'autres d'une randonnée en pleine montagne : les poumons, le cœur et l'esprit gonflés à bloc. Une vraie dose de vie à l'état brut !

Plus je regarde et plus mon regard se perd dans un infini de la matière. Une fois ce regard activé, peu importe la chose regardée ; la réalité se déplace alors vers une strate où elle est au plus dense - dans une zone flottée et compacte à la fois où chaque pensée coagule et prend corps. De cette perspective, les objets n'apparaissent que croûtes, laves vite durcies que crache le volcan de l'énergie créatrice et divine. p. 63

 

Illustration :
Abélard et son élève Héloïse d'Edmund Blair Leighton, 1882