Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/10/2016

Soyez imprudents les enfants de Véronique Ovaldé

Soyez imprudents les enfants.jpg
Soyez imprudents les enfants de Véronique Ovaldé, Flammarion, 2016, 343p. 

On prend les mêmes et on recommence : une jeune fille un peu paumée, un peu quelconque, au nom exotique, mais dont on sent toute l'exception poindre sous la fadeur de l'adolescence ; une contrée étrangère prise entre les couleurs d'un fantasme rêveur et une histoire compliquée, parfois sanglante - en tout cas, les morts rôdent et ils sont louches ; une présence masculine à la fois charismatique et fantomatique, l'envie d'un ailleurs qui taraude tous et toutes - c'est la caractéristique des Bartolome ; et cette envie de connaître, de creuser, de découvrir qui l'on est, d'où l'on vient et, conséquemment, ce qu'on fait là. 

C'est presque sur ces considérations générales qui résument tous les livres que j'ai lus jusqu'ici d'Ovaldé que je serais tentée de m'arrêter pour résumer ce dernier opus, Soyez imprudents les enfants. Parce qu'il ne déroge concrètement pas à la règle. 

Je vais tout de même faire un petit effort et souligner que cette fois-ci, en lieu et place de Vera Candida dont je garde décidément un merveilleux souvenir, ou de Maria Cristina Väätonen dont je m'étais passablement ennuyée, c'est Atanasia Bartolome qui tient le premier rôle du roman. Sa découverte fortuite du peintre Roberto Diaz Uribe à treize ans conditionne son avenir en une sorte de passion obsessionnelle qui la pousse à lire compulsivement tout ce qui touche à cet illustre peintre, dont elle découvre bientôt qu'il s'agit de son oncle. Vient ensuite le temps des voyages : à Paris, où elle fraye avec un historien de l'art alcoolique et, plus tard, à Barales avec une parente froide et énigmatique pour percer le secret de cet ovni magnétique. A travers cette quête de Diaz Uribe, c'est évidemment sa propre identité que cherche et construit Atanasia puisqu'elle déroule patiemment l'histoire de sa famille jusqu'à dénicher le dernier maillon, ultimement, en posant la bonne question à sa mère - et ainsi commencer à être sans l'ombre ou la lumière de Diaz Uribe en fond de tableau. 

Je m'étais déjà ennuyée à la lecture de La grâce des brigands, ayant l'impression de relire Ce que je sais de Vera Candida en moins bien, en plus poussif, en péniblement recyclé. Cette impression n'est qu'accrue à la lecture de Soyez imprudents... Véronique Ovaldé a eu l'heur, un beau jour, de découvrir un succulente recette de conte moderne, entre rêve et cruauté et sous lequel point l'exacte réalité (recette dont, il faut bien le dire, elle a piqué quelques ingrédients aux grands noms du réalisme magique, mais puisque c'est avec un brio évident, on lui donne raison à 100%). Depuis ce jour, elle cuisine à l'envi les mêmes ingrédients, envoyant un peu de poudre aux yeux des lecteurs avec des noms de personnages à coucher dehors. Malheureusement, à force d'être réchauffés, les ingrédients sont décidément beaucoup moins bons.

J'étais pourtant prête à replonger dans son talent, à être à nouveau étonnée, baladée, enthousiasmée. Au lieu de louer le titre, je l'ai acheté. Bref, je lui accordais encore toute ma confiance. Je ne referai pas la même erreur la prochaine fois. 

ovaldé,soyez imprudents les enfants,diaz uribe,peinture,suicide,rentrée littéraire,roman initiatique,racines,conte,famille,histoire,artChallenge Rentrée Littéraire 2016 chez Hérisson

1ere participation

26/09/2016

Carter contre le diable de Glen David Gold

Carter contre le diable.jpg
Carter contre le diable de Glen David Gold, 10/18, 2015[2002], 762p. 

 

Carter contre le diable 1.jpgCharles Carter n'était pas né pour être saltimbanque. D'un père homme d'affaires et d'une mère un peu toquée de trop d'oisiveté, Charles se destinait à Yale, tout comme son jeune frère. Mais quelques aventures rocambolesques, dont le vol d'une pièce rare ou la correction un peu salée du jardinier un soir d'hiver, vont décider Charles à s'entraîner sans relâche pour devenir magicien. Ce n'est pas sans mal qu'il balade sa famille pour repousser d'années en années son entrée à l'université, préférant voyager à travers le pays, avec d'autres artistes de scène, pour se produire avec ses cartes et ses foulards. De ce départ un peu miteux, il va finir par devenir un des plus grands magiciens du début de siècle, aux côtés d'Houdini, et s'octroyer le sobriquet de Carter le Grand. Un beau soir de 1923, c'est même le président des Etats-Unis, Warren G. Harding qui vient assister à l'une de ses représentations à San Francisco. Ils affrontent tout deux le diable. Jusque là, rien que la routine pour Charles Carter. A ceci près que, quelques heures plus tard à peine, le président décède dans de mystérieuses circonstances. Le magicien est évidemment soupçonné et ce n'est pas sans une pointe d'amusement qu'il entame un jeu d'esquives et d'illusions avec les membres du Service Secret. 

Quelle n'est pas ma surprise de découvrir à l'instant (puisque, bien sûr, je n'avais pas lu avant les notes de fin d'ouvrage) que le roman se base sur de nombreux faits réels, à commencer par l'existence de Charles Carter, véritable magicien emblématique du passage au vingtième siècle ! C'est d'ailleurs le chapitre qui est consacré à son enfance et à sa formation qui m'a le plus enthousiasmée. J'ai adoré voyager dans la vie de cet esprit libre, original, pétri de solitude, d'égo et de rêves un peu fous. Il semble au lecteur circuler dans les méandres d'un temps totalement révolu et d'un monde plutôt méconnu - il y a bien eu la série Carnival sur le cirque des années 20, mais c'était nettement plus glauque. Ici, on vit plutôt dans le music-hall chic que parmi les freaks. Evidemment, tout est très très librement revu et corrigé par Glen David Gold mais les descriptions d'affiches ou les numéros de Carter le Grand sont exactement ce qu'ils étaient. Ce dernier faisait bel et bien disparaître un éléphant sur scène.

Autre personnage véritable de ce roman : Warren G. Harding, vingt-neuvième président des Etats-Unis et véritablement mort dans des circonstances douteuses le 2 août 1923 à San Francisco durant sa tournée de la Compréhension (les politiciens pratiquaient déjà l'art de la communication à coups de voyages d'agrément auprès du petit peuple). Mort douteuse car sa femme a refusé toute autopsie, ce qui, évidemment, n'a fait qu'enfler la rumeur d'attentat. 

 

Carter contre le diable 2.jpg

 

Si nous en restions là, Carter contre le diable ne serait finalement qu'un biopic, sauf que rien n'accrédite l'hypothèse d'une rencontre entre les deux hommes et encore moins toutes les autres élucubrations du roman. C'est donc là qu'il prend la tournure d'un polar fantaisiste, afin d'imaginer un envers du décor aussi léger et brillant qu'un tour de magie. Toutefois, certains passages manquent un peu de souffle, il faut bien l'avouer. Le bouquin est opulent mais n'est pourtant pas exactement ce qu'on pourrait appeler un page-turner. Mieux vaut s'attacher à la personnalité de Carter pour poursuivre sans trop s'essouffler au fil des centaines de pages. C'est dommage d'ailleurs que l'essentiel soit porté sur ses frêles, bien que magiques, épaules : un peu plus de consistance apportée à l'aspect policier du roman n'aurait pas été de trop. malheureusement, si Glen David Gold est plutôt doué pour faire vivre une époque et un personnage en particulier, il l'est moins pour en créer d'autres de toutes pièces qui ne soient pas fort caricaturaux et une intrigue qui ne soit pas tantôt mollassonne (à la limite du décor inutile), tantôt tellement grosse qu'elle en est ridicule (le dénouement brille particulièrement par son énormité). 

Carter contre le diable n'est donc pas un chef d'oeuvre, loin de là et mieux vaut ne pas trop en attendre de la partie polar pourtant vendue comme haletante sur la 4ème de couverture. C'est cependant une lecture agréable, attachante, sans vraiment de prétention, qui m'a fait voyager le temps de quelques semaines (période de rentrée oblige, je lis à la vitesse d'une locomotive à vapeur) et m'a surtout donné envie de poursuivre quelques lectures dans l'univers de la magie. On n'a décidément pas trouvé mieux pour s'évader avec le sourire ! (Et je crois que je commence à comprendre les aficionados qui relisent régulièrement Harry Potter !)

 

Le mois américain.jpegLe Mois Américain 2016 chez Titine

4ème participation 

 

 

 

 

 

 

 

Challenge Un pavé par mois.jpgChallenge un pavé par mois chez Bianca

2ème participation de septembre 2016

18/09/2016

Black-Out de Brian Selznick

Black Out.jpg
Black Out de Brian Selznick, Bayard Jeunesse, 2014, 640p.

 

Black Out 3.jpegLe premier abord fait un peu peur : 640 pages, c'est une sacrée somme pour un roman ado - pour un roman tout court - et l'épaisseur du papier fait que le livre est sacrément imposant. Au deuxième abord, c'est la curiosité qui prend le dessus puisqu'à le feuilleter, on s'aperçoit qu'il y autant d'images que de texte, peut-être même plus. Quel est donc, alors, ce curieux objet-livre qui n'est ni un roman au sens strict du terme, ni un roman graphique, ni un album ?

C'est l'histoire de deux adolescents qu'a priori rien ne rapproche : Ben vient de perdre sa mère bibliothécaire et vit avec son oncle et sa tante non loin de son ancien chez-lui, à Gunflint Lake. Nous sommes en 1977 et Ben s'accroche à une petite collection d'objets insolites qui lui rappelle nombre de souvenirs envolés. Rose, quant à elle, souffre d'un père trop directif dans une maison vide. Elle s'évade en construisant une réplique de New-York dans sa chambre et collectionne tout ce qui concerne une star du cinéma muet. Nous sommes en 1927. Cinquante ans et quelque états les séparent et pourtant, Ben et Rose partagent une immense solitude et la quête d'un ancrage, d'un lieu auquel appartenir, d'êtres à qui s'accrocher. L'un comme l'autre partent pour New-York pour y chercher des réponses et un peu de chaleur. C'est ainsi que leurs destins deviennent parallèles, l'un marchant dans les pas de l'autre, avant de mieux se retrouver.

La grande force de ce récit réside dans sa forme originale et parfaitement maîtrisée (Brian Selznick l'avait déjà expérimentée dans L'invention de Hugo Cabret, adapté à l'écran par Scorcese) : une alternance de dessins en noir et blanc et de texte correspondant, dans Black Out, à la vision ou, plus justement, à l'expérience, de chacun des deux protagonistes. Ainsi, Rose se découvre au lecteur sans le truchement du mot mais non sans une grande sensibilité, comme un clin d'oeil au cinéma muet qu'elle admire et comme l'expression de cette sensation qu'elle éprouve d'être souvent coupée d'une partie du monde : celui qui entend, celui qui use de mots, au lieu de ressentir par d'autres sens. Ben expérimente aussi la surdité mais plus tardivement, aussi est-il encore un point entre les sourds et les entendants et la parole est encore son mode de communication privilégié. En somme, au-delà de la beauté de la forme, celle-ci fait sens dans l'évolution du récit jusqu'à mêler les deux comme le symbole d'une communion retrouvée.

L'histoire en elle-même est évidemment touchante, même si je l'ai trouvée assez superficielle et téléphonée. Clairement, le principal, ici, est mis sur la forme plus que sur des personnalités consistantes et élaborées. Ce ne sont pas tant Ben et Rose qui me resteront en tête, malgré tous les bons sentiments que cet ouvrage (que je ne sais toujours pas classer, et c'est tant mieux !) véhicule, mais bien l'exercice passionnant de renouveler le dialogue narratif entre le texte et les arts plastiques.

 

Black Out 1.jpg

Black Out 2.jpg

 

Le mois américain.jpegLe Mois Américain 2016 chez Titine

3ème participation 

 

 

 

 

 

 

 

Challenge Un pavé par mois.jpgChallenge un pavé par mois chez Bianca

Participation de septembre 2016