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06/06/2013

La fin des temps de Haruki Murakami

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La fin des temps de Haruki Murakami, traduit du japonais par Corinne Atlan, ed. Points, 2012 (mais j'ai mis une ancienne couverture que je trouve plus jolie)[1985], 628p.

 

Deuxième roman traduit en français de Murakami, La fin de temps ne déroge pas à cette fameuse règle (que je découvre en même temps que j'explore l'oeuvre de l'auteur) : il est bien difficile à ébaucher en quelques mots. Les univers mis en place et l'enchevêtrement des épisodes sont tellement abracadabrants qu'ils rendent la tâche compliquée. Mais essayons.
*Attention, il se peut que, du coup, je spoile un chouillas - mais un chouillas seulement hein*

La fin des temps contient deux espaces distincts, et bientôt parallèles : Pays des merveilles sans merci et Fin du monde. Le premier s'ouvre sur un long voyage en ascenseur silencieux, sans bouton. A se demander s'il monte ou pas. Dans cet ascenceur, un homme dans la trentaine, divorcé et sans enfant. Un homme que l'on pourrait qualifier de "normal". Il restera anonyme au lecteur jusqu'au bout. Il est de ces personnages fantômatiques, à la fois archétype de monsieur tout le monde et héros désenchanté qui semblent récurrents chez Murakami (du moins, je ressens clairement un type de personnage entrevu dans 1Q84). Car cet homme, bien que banal a priori, est un programmeur capable d'effectuer le processus de shuffling, un encodage de données très pointu sur lequel on apprendra progressivement plusieurs éléments clés. Il est capable de diviser son cerveau en deux parties distinctes qui travaillent indépendamment, il vit sans aucune attache émotionnelle et boit beaucoup. Bref, il n'est pas si banal. Il se voit confier un travail de codage important par un mystérieux professeur dont le bureau se trouve, bien logiquement, dans des égoûts peuplés de ténébrides et dès lors, son quotidien va basculer.
Le deuxième univers met en place une étrange utopie où les bêtes revêtent un pelage doré en automne et où les licornes meurent en hiver pour purger les habitants de leur égo. Où la ville est entourée de hautes murailles dont nul ne sort et où le protagoniste doit se séparer définitivement de son ombre pour vivre. Chacun à un rôle précis qui lui est assigné d'office. Le narrateur lira les vieux rêves dans les crânes de licornes. Tout semble parfait : aucune violence, aucune tristesse, aucune rébellion. Tout est lisse comme la prime neige du matin. Mais cette perfection a un prix : il faut perdre son coeur sous peine d'être rejeté dans la forêt.

Au fil des pages, le lecteur comprend puis découvre noir sur blanc le lien entre ces deux mondes. Je ne vous en dis pas plus sur ce qui les relie mais alors, au lieu de tâtonner dans cette alternance, on suit leur processus parallèle avec un intérêt nouveau, dans une sorte d'expectative qu'il serait bien difficile d'exprimer (car, au fond, je ne savais pas précisément ce que j'attendais - j'attendais simplement quelque chose)

Je dois avouer en toute honnêteté que je suis plutôt dubitative à la lecture de ce roman de Murakami. Non pas étonnée ou retournée mais bien dubitative. Lorsque j'avais abordé l'auteur avec sa récente triologie, j'avais tout d'abord découvert une écriture et un univers spéciaux et hypnotiques qui m'avaient bluffée. Ce n'est pas si souvent qu'on a encore l'impression de fouler des yeux une contrée littéraire parfaitement originale lorsqu'on lit assidûment depuis... longtemps. Mais cela avait été mon cas avec Murakami. Et puis, sur la lecture du troisième tome, je commençais à m'essoufler, trouvant de longs passages qui frisaient le remplissage et surtout, regrettant qu'autant de pistes lancées ne mènent finalement nulle part - ou quasiment.
Et bien, j'ai retrouvé cette désagréable impression à la lecture de ce roman là. Evidemment (il faudrait être aveugle pour le nier), Murakami possède une imagination exceptionnelle et perce avec beaucoup d'acuité les destinées solitaires de ces êtres sans relief qui cachent finalement bien leur jeu. Son écriture est toujours hypnotique et place le lecteur à mi-chemin entre la fascination lumineuse et l'angoisse latente. Mais, j'ai tout d'abord eu du mal à rentrer vraiment dans le roman. Je crois que les deux univers étaient too much pour moi (ce qui est purement subjectif, il va sans dire). Du fantastique, oui, avec plaisir. Mais je n'ai pas réussi à adhérer à celui-là, qui va d'escalade en escalade dans le n'importe quoi. Vous allez me dire, j'ai pourtant adoré L'affaire Jane Eyre qui donne aussi dans le genre sauf qu'ici, on parle bel et bien de fantastique et non pas d'uchronie ou de fantasy. Ce petit point change toute la donne de mon ressenti, m'voyez ? Et puis, ma lecture ici a souvent souffert d'un sentiment de vacuité : je me suis souvent dit "oui, et ?". Je m'explique. Ce roman fait plus de 600 pages, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas court. Pourtant, il ne se passe souvent pas grand chose. J'ai l'impression que Murakami a une désagréable tendance à la digression inutile, laissant libre court au narcissisme ennuyeux de son protagoniste et à l'enfilade d'épisodes qui ne servent à rien, auxquels je n'adhère pas. Autant j'adore les descriptions zoliennes qui semblent être des tableaux impressionnistes, autant l'exploration par le menu de telle ou telle banalité, très peu pour moi.
Et puis, où va le livre, nom d'une licorne ?! Il m'a bien semblé comprendre que l'auteur voulait éclairer quelques points sur la nature humaine, l'évolution technologique, les mille possibilités du souffle vivant etc. Mais je n'ai pas compris quoi. Trop de circonvolutions et pas assez de clarté, semble-t-il, m'ont été rédhibitoires pour saisir la finalité de ce roman. Je l'ai refermé comme j'ai refermé la trilogie d'1Q84 : en me demandant où étaient censées mener toutes ces pistes lancées au fil de l'écriture et en me disant "tout ça pour ça?"

Pour résumer, une lecture dont je ressors en demi-teinte. Pas désagréable, bien sûr, car Murakami est un excellent conteur, mais pas emballée non plus. J'ai trouvé le livre long et plutôt vain au final - ces deux adjectifs résument assez bien mon sentiment.
J'espère vraiment que toute l'oeuvre de l'auteur ne se joue pas uniquement sur cette veine fantastique à outrance qui ne mène nulle part car je pense que je vais vite ralentir la cadence de sa découverte sinon ^^
Deux autres romans m'attendent dans ma PAL : Kafka sur le rivage et La course du mouton sauvage. J'espère avoir plus de chance !


 

a-tous-prix.jpgCe roman participe au challenge "A tous prix" de Laure car il a reçu le prix Tanizaki







quinzaine-nipponne-2013.jpgIl participe aussi à la fameuse quinzaine nippone annuelle de choco !
C'est par ici pour voir les autres participations et prendre un bain de culture japonaise

27/05/2013

Kyoko de MURAKAMI Ryû

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Kyoko de Murakami Ryû, ed. Philippe Picquier, coll. Picquier poche, 2000, 228p.

 

Je vous racontais l'an dernier en chroniquant 1969 qu'un hasard de librairie me faisait entamer l'oeuvre de Murakami Ryû par un roman plutôt atypique. Dans ce dernier, point de noirceur, de drogue ou de sexe à outrance mais plutôt l'esprit festif et rafraîchissant des années 70 et une jeunesse pleine d'espoir. Je comptais profiter du challenge d'Adalana pour plonger dans un roman un peu plus sombre, tâter de sa plume plus corsée. Mais le seul exemplaire de Murakami présent à la biblio dans cet esprit était en réparation et, honnêtement, ça ne me tentait pas assez pour acheter. J'ai donc opté à la place pour un autre roman plutôt jouissif que voici (Murakami Ryû a donc écrit au moins deux romans positifs, dingue!) :

La vie de Kyoko n'a pas terriblement commencé. Orpheline très tôt, elle est élevée en fille unique par son oncle et sa tante. Il la traite parfaitement mais la fillette souffre de solitude et un poids lui pèse malgré elle. Les seuls instants où elle se sent bien et légère, c'est lorsqu'elle danse avec José, un GI d'origine cubaine qui lui apprend le cha cha cha, le mambo ou la rumba. Au bout de quelques mois, José rentre aux USA. Il offre des chaussures de danse à Kyoko ; elle lui offre une clochette japonaise.
Treize ans plus tard, Kyoko n'a jamais oublié José et n'a jamais cessé de danser. Elle a économisé chaque centime de son salaire de chauffeur poids lourds pour voyager jusqu'à New York retrouver José. La danse l'a sauvée et lui a permis de vivre. Elle veut remercier celui qui lui a donné ce bonheur.
Dès lors, s'engage un road trip émouvant dans la grande pomme puis jusqu'à Miami où Kyoko croisera bien des personnages et bien des rebondissements.

Voilà une bien bonne surprise ! J'ai entamé Kyoko en pensant passer un bon moment sans prétention, ce qui a été le cas, mais j'ai aussi trouvé plus dans ce roman. Le personnage de Kyoko est riche et multiple. Malgré son enfance difficile, elle apparaît comme une jeune fille d'une grande force qui irradie et se communique à ses compagnons. Elle est gracile et douce et pourtant dégage un charisme particulier. En lisant, j'avais souvent l'impression qu'il émanait de Kyoko une lumière comme on peut se l'imaginer d'une icone. Néanmoins, elle n'est pas que cette représentation éthérée. Elle est aussi une danseuse remarquable, un peu têtue, loin d'être naïve, buveuse de cocktails à ses heures et d'une grande empathie. Kyoko rallie tout le monde et subjugue dans sa grande simplicité car elle est l'incarnation de la détermination et de l'espoir. Jamais elle ne lâche prise malgré les difficultés et, en cela, une sorte de modèle, d'allégorie, de la foi en la vie.

Et puis, sans rentrer trop dans les détails au risque de spoiler, Murakami Ryû nous offre également de très belles pages sur le quotidien et les difficultés d'un malade du sida (à replacer dans leur contexte puisque le roman a été écrit en 1995). On ressent à la fois la douleur et le rejet que peut subir un malade mais aussi la solidarité qui s'établit entre lui et son soignant. L'auteur plante ainsi les graines de la tolérance en plus de celle de l'espoir.

Alors bien sûr, on pourrait objecter que le livre est pétri de bons sentiments à la limite de la mièvrerie. C'est vrai qu'il n'est pas courant de lire un livre véhiculant des valeurs aussi positives, surtout chez un auteur comme Murakami Ryû. Mais pourtant peu friande des mièvreries, ce livre m'a touchée parce que justement, il ne lisse pas complètement le réel. La dureté de la maladie, les embûches d'un projet qu'on rêvait facile ne sont pas gommées. Certains rebondissements, certes, sont un peu cousus de fil blanc pour les besoins de la progression narrative - mais comme dans tout roman. A noter en outre que Murakami semble avoir écrit cet ouvrage après en avoir réalisé un film (si j'ai bien compris). Cette histoire est bien plus à prendre comme une parabole que comme une affaire réaliste, de toutes façons, sinon on risque de passer à côté de l'essentiel. J'ai beaucoup pensé au film en lisant. Des images me sont venues souvent à l'esprit et je me représente tout à fait le genre de film qui pourrait être réalisé avec un tel synopsis. J'essayerai de trouver le film pour voir s'il correspond à ce que j'ai imaginé ^^

 

 

1213775971.jpgChallenge Petit Bac 2013 chez Enna
Catégorie Prénom

 

 

 

 

logo-c3a9crivains-japonais_1.jpgChallenge Ecrivains Japonais 2013 chez Adalana
Mois de mai consacré à Murakami Ryû

29/03/2013

1Q84 - Livre 3 de Haruki Murakami

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1Q84 - Livre 3 de Haruki Murakami, ed. Belfond, 2012, 530p.

 

- Attention, spoiler pour ceux qui n'ont pas lu le tome 1 et 2 -


Enfin, le livre 3 ! Car le précédent se terminait sur deux notes délicates qui ne pouvaient que susciter une vive attente : Aomamé s'était échappée de ce fameux appartement dans lequel elle devait se cacher et se retrouvait au bord du périphérique, en jupe et talons, un canon dans la bouche. Elle venait de presser la détente. Quant à Tengo, il découvrait dans le lit d'hôpital de son père une chrysalide de l'air ; et dans celle-ci une toute jeune Aomamé qui lui saisissait la main comme jadis. Et nous, lecteurs, nous étions pendus aux dernières pages comme au bord d'un précipice : qu'allait-il advenir ? Honnêtement, je ne pouvais pas attendre plus longtemps et après deux lectures rapides entre les deux, j'ai vite entamé le livre 3. L'envie a été plus forte que la diversité littéraire.

Première surprise : le livre s'ouvre sur la voix d'Ushikawa. Cet étrange personnage filait Tengo dans le tome 2 et est ici chargé par les précurseurs de traquer Aomamé. Toujours aussi disgracieux et antipathique, il va désormais rythmer le récit avec nos deux protagonistes durant ces dernières cinq cents trente pages. Au gré de ce livre, Murakami creuse toujours plus la profonde solitude des personnages et leur recherche l'un de l'autre. Ils se cherchent pourtant au mauvais endroit : Aomamé, condamnée à l'isolement, scrute patiemment le petit jardin tous les soirs en espérant y revoir Tengo tandis qu'il passe de longues semaines "dans la ville des chats" dans le seul but de revoir la chrysalide de l'air. Et ainsi, une sorte de fatalité nécessaire les porte sur de fausses pistes et toujours dans l'espoir. Sans doute le moment doit-il être propice à leur re-découverte, et à la découverte de la petite chose. Contre toute attente, c'est Ushikawa qui, en quête de leur lien, leur permettra de le retrouver à ses risques et périls. Après quoi, il ne leur restera plus qu'une chose à faire : s'échapper d'1Q84.

Sans l'ombre d'une hésitation, j'ai clairement été captivée par les deux premiers livres de cette trilogie. Par le premier car il m'a projetée dans un univers littéraire parfaitement nouveau et brillamment syncrétique ; par le deuxième pour sa beauté lyrique. Et j'avoue, malgré l'engouement avec lequel j'ai lu le dernier, être assez déçue. Bien des éléments amorcés précédemment et faisant montre d'une belle maîtrise d'écrivain m'ont semblé être laissés en plan - tout du moins bien trop en retrait. Je parle principalement de cette référence à 1984 d'Orwell et de cette histoire de Little People. J'avais bien compris l'intérêt de mettre ces éléments de côté dans le deuxième livre mais de ne pas y revenir dans le troisième, sauf en guise de décor à l'histoire d'amour qui prend toute la place, quel dommage ! L'oeuvre, d'un coup, perd à mes yeux beaucoup du relief que j'y avais trouvé avant. Ce troisième livre est uniquement consacré à prolonger l'attente lyrique des deux personnages déjà abondamment déclinée dans le deuxième tome et perd en force : plus de 1000 pages pour expliquer qu'ils se cherchent et ne se trouvent pas encore, même avec le plus grand talent de conteur du monde, c'est un peu poussif. Il y aurait eu tellement à approfondir sur d'autres registres que le lyrisme, comme dans le premier livre, que forcément, je suis déçue. Ce tome là m'a semblé jouer un peu trop de la facilité et d'un lyrisme qui devient un poil trop romantico-mielleux à mon goût (le coup de la fécondation virginale d'Aomamé par Tengo, seriously ?!)

Cela étant dit, je ne veux pas terminer sur une note qui laisse entendre que je fais ma bégueule - après tout, j'ai dévoré ce tome là comme les autres mais sans doute qu'à force d'avoir ménager mes attentes jusqu'à la moelle avec ce jeu tripartite, mes attentes étaient vraiment élevées. Et le problème dans ces cas là, c'est que c'est souvent la déception qui suit.

Mais qu'à cela ne tienne : je ne vais certainement pas arrêter sur ce bémol ma découverte de Murakami ! Kafka sur le rivage m'attend pour poursuivre le voyage entre réalisme prosaïque et douceur fantastique et je ne boude pas mon plaisir à cette idée.


Livre lu, encore et avec grand plaisir, en lecture commune avec mes deux consoeurs blogueuses Manu et Shelbylee. Allons voir leurs billets !


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©Juliette Bates (http://www.juliettebates.com/)