17/06/2020
Dans la tête de Sherlock Holmes : L'affaire du ticket scandaleux - Tome 1 de Cyril Lieron et Benoît Dahan
L'affaire du ticket scandaleux s'ouvre d'une manière assez classique, typiquement holmésienne : Un médecin, ami du docteur Watson, est retrouvé errant en chemise de nuit dans Londres sans l'ombre d'un souvenir sur la nuit qui vient de s'écouler. Holmes, lui, s'ennuie et se défonce à la cocaïne. Le premier est amené par un agent de police dubitatif à notre cher détective qui, immédiatement, décode moult indices d'une future affaire passionnante. Holmes trouve enfin de quoi activer son cerveau et pallier l'ennui ! Dès cet instant, entre les couleurs sépia vert-de-gris de l'ensemble qui fleure bon l'ambiance victorienne surannée, un fil rouge se dessine littéralement et parcourt toutes les pages de ce tome comme le cheminement déductif de nos protagonistes. Il va nous emmener du logement du médecin à l'hôpital en passant par la morgue et le théâtre lyrique.
Sans oublier, bien évidemment, les détours nécessaires à l'enquête par la tête de Sherlock Holmes. Car le titre de la série n'est pas une métaphore. Les auteurs prennent l'expression au pied de la lettre. Aussi, le lecteur est-il invité à déambuler régulièrement dans le palais mental du plus célèbre détective anglais pour comprendre comment ses raisonnements se dessinent. Cela donne un apparent désordre loufoque et alambiqué sous lequel se cache en fait une organisation minutieuse et une progression palpitante. On se prend, encore plus que dans les aventures romanesques de Sherlock Holmes, à vivre l'enquête comme si nous étions lui. Autant dire qu'au moment de le quitter en direction de l'imprimeur à la fin du tome 1, le suspens est à son comble. Vivement la suite !
Le mois anglais chez Lou et Titine
La BD de la semaine est chez Noukette aujourd'hui
07:42 Publié dans BD / Comics / Mangas, Challenge, Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (34) | Tags : dans la tête de sherlock holmes, l'affaire du ticket scandaleux, sherlock holmes, cyril lieron, benoit dahan, arthur conan doyle, bd, bd du mercredi, enquête, londres, mois anglais, coup de coeur
29/04/2020
L'Âge d'or de Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil
Dans un Moyen-Âge tout ce qu'il y a de plus fantasmé et fantastique, Tilda s'apprête à succéder à son père sur le trône. A ces côtés, le chevalier Tankred et son acolyte Bertil qui retrouvent ainsi les bonnes grâces de la Cour. Tilda a des vues plutôt progressistes pour son royaume. Une telle situation n'enthousiasme pas exactement ses futurs vassaux qui, avec la reine mère, fomentent un coup d'Etat au profit de son jeune frère. La future souveraine d'hier devient alors une fugitive dont la tête est mise à prix. Le trio de choc évolue comme il peut, au gré des hasards et des découvertes : une communauté de femmes libres, un vieux nobliau loyal et aveugle, un manuscrit qui porte la bonne parole d'une société égalitaire idéale et une carte au trésor. A eux de trouver le bon chemin au milieu de tous ces événements.
On ne va pas se mentir : 32€, pour un bouquin qui ne passera pas l'après-midi, c'est quand même un budget. Ça m'a longtemps fait hésiter (puis finalement, on me l'a offert et ça a réglé le problème. Merci !). Je peux vous le dire à présent que je l'ai dévoré (ça n'a effectivement pas passé l'après-midi) : 32€ pour un tel chef d’œuvre graphique, ce n'est rien du tout (surtout au regard de nombreux romans d'éditions courantes à peine moins chers). La qualité du papier et des couleurs est impressionnante et l'inventivité de Pedrosa à tous points de vue complètement folle. Qui est ce type ? Comment voit-il le monde pour le penser avec des contrastes et des nuances aussi riches et originales ? Ça nécessite tout de même un rodage oculaire sur quelques pages, le temps de s'habituer à ce monde sous LSD. Une fois fait, c'est cartoonesque (vous aussi, vous avez vu une parenté avec le dessin old shool des personnages de Robin des Bois de Disney ?), déjanté et, comme souvent dans les livres les plus fous, subtilement profond.
On aura évidemment saisi les échos entre les bulles de cette aventure qui est l'occasion d'une réflexion sociale sur l'égalité entre les êtres (humains, seulement - la réflexion s'arrête là). Ce peuple qui se révolte, qui enflamme tout de son indignation, n'est pas sans rappeler une situation très actuelle. Histoire d'ambiancer tout ça et d'apporter le soupçon de légèreté qui crée l'effet page turner, la magie et le mystère s'invitent, doucement mais sûrement, jusqu'à créer un cliffhanger qui va rendre bien difficile l'attente du tome 2. A ce propos, vous avez des infos ? Il était prévu pour mars de cette année ; il a donc dû être décalé mais je ne trouve rien de concret sur le sujet. Si vous en avez, je suis preneuse. J'ai hâte !
Aujourd'hui, la BD de la semaine est chez Moka
07:31 Publié dans BD / Comics / Mangas, Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (36) | Tags : l'âge d'or, cyril pedrosa, roxanne moreil, dupuis, aire libre, bd, bd du mercredi, moyen-âge, aventure, épopée, quête, pouvoir, livre, fable, égalité, justice, révolte, coup de coeur, bd de la semaine
15/01/2020
Dracula de Georges Bess
J'allais attaquer en disant que tout le monde connaît l'histoire de Dracula de Bram Stoker, histoire d'éviter de m'y coller, mais pas du tout, après tout : on n'a pas suffisamment d'une vie pour lire pour les chefs d’œuvre de l'univers. Voilà donc brièvement comment tout a commencé.
Tandis que Mina se lamente d'être sans nouvelles de son fiancé depuis sa villégiature de Whitby, Jonathan Harker, le fiancé en question, galope sans fin jusqu'au château de Dracula, paumé au milieu des Carpathes comme le veut la tradition. Il faut nuit, les loups hurlent et notre notaire commence à avoir sérieusement les miquettes, non sans raison : au bout du chemin, il découvre un château lugubre et un être décrépi et livide qui ne tarde pas à se révéler le plus terrifiant des hôtes.
La venue de Jonathan Harker a pour but de faire signer au Comte des documents sanctionnant l'acquisition de plusieurs propriétés anglaises. Aussi, ces transactions finalisées, celui-ci s'embarque-t-il prestement à bord du Déméter pour rejoindre l'Angleterre. Le bateau vidé de son équipage - on se demande bien par qui et pourquoi - échoue à Whitby où Lucy Westenra, l'amie de Mina, souffre d'étranges crise de somnambulisme...
Je m'arrête là, car si vous ne connaissez pas l'histoire, il faut bien vous conserver un peu de suspens, et si vous la connaissez déjà, vous avez sans doute sauté mon résumé. N'y allons pas par quatre chemins pour évoquer cette adaptation graphique de Georges Bess : c'est un chef d’œuvre absolu.
Du point de vue de l'adaptation, l'auteur nous propose une version extrêmement fidèle à celle de l’œuvre originale, ce qui est suffisamment rare pour être noté tant la figure de Dracula a plutôt donné lieu à des réinterprétations toutes plus diverses les unes que les autres depuis un siècle*. Ici, le parti pris est au contraire celui de la fidélité à la genèse du mythe et je dois dire que, même si j'aime, évidemment, une bonne réinterprétation à l'occasion, je commençais à me languir sérieusement de voir un jour Dracula adapté sans réécriture pour le plaisir de mettre en image le véritable récit de Stoker. Honnêtement, c'est un choix particulièrement audacieux - bien plus, à mon sens, que de parachuter le vampire au vingt-et-unième siècle comme l'a fait Mark Gatiss récemment dans sa série Netflix - pour la simple et bonne raison que le roman initial est extrêmement daté. Son propos, manichéen et moralisateur au possible, est une tarte à la crème à faire passer aujourd'hui. Il s'en faudrait vraiment de peu pour qu'il ait simplement l'air d'un pensum réac sous le crayon ou la caméra d'un scénariste contemporain...
Et pourtant, Georges Bess s'en sort avec un brio saisissant. Le découpage des vignettes propose une circulation hallucinée au gré des pages, renforcée par un usage hyper contrasté et fascinant du noir et blanc, qui hypnotise le lecteur comme le ferait le vampire avec sa proie. L'esthétique est impeccable, sensuelle, même dans l'horreur. L'auteur ne lésine pas sur les chauves-souris, les crânes, les roses et les figures spectrales, non parce qu'il se prend les pieds dans le tapis du cliché, mais parce qu'il joue avec en dynamitant l'ensemble avec modernité. Clairement à cet égard, on sent le souffle du comics qui me semble jouer de façon similaire et dynamique avec les figures manichéennes métaphoriques.
Grâce à cette intelligence graphique hors du commun, Georges Bess dépoussière ainsi le classique pour le présenter, à nouveau, comme neuf, comme l'histoire fantastique, sombre et passionnante qu'elle a pu être à l'époque de sa publication. C'était un pari complètement fou, qu'il était presque impossible de remporter, et pourtant il l'a fait, haut la main.
Je suis tout simplement bluffée et subjuguée.
Et pour la première fois depuis longtemps, je participe à l'occasion de ce billet à la BD de la semaine qui se trouve aujourd'hui chez Moka
*Dans ce précédent article de blog, j'ai évoqué plus en détails le roman de Stoker et les nombreuses réinterprétations du personnage de Dracula au ciné depuis Murnau jusqu'à Coppola (oui, j'adore ce mythe).
07:05 Publié dans BD / Comics / Mangas, Coups de coeur, Fantastique/Horreur | Lien permanent | Commentaires (39) | Tags : dracula, georges bess, glénat, bram stoker, vampire, coup de coeur, bd, bd de la semaine