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29/04/2020

L'Âge d'or de Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil

l'âge d'or,cyril pedrosa,roxanne moreil,dupuis,aire libre,bd,bd du mercredi,moyen-âge,aventure,épopée,quête,pouvoir,livre,fable,égalité,justice,révolte,coup de coeurDans un Moyen-Âge tout ce qu'il y a de plus fantasmé et fantastique, Tilda s'apprête à succéder à son père sur le trône. A ces côtés, le chevalier Tankred et son acolyte Bertil qui retrouvent ainsi les bonnes grâces de la Cour. Tilda a des vues plutôt progressistes pour son royaume. Une telle situation n'enthousiasme pas exactement ses futurs vassaux qui, avec la reine mère, fomentent un coup d'Etat au profit de son jeune frère. La future souveraine d'hier devient alors une fugitive dont la tête est mise à prix. Le trio de choc évolue comme il peut, au gré des hasards et des découvertes : une communauté de femmes libres, un vieux nobliau loyal et aveugle, un manuscrit qui porte la bonne parole d'une société égalitaire idéale et une carte au trésor. A eux de trouver le bon chemin au milieu de tous ces événements. 

On ne va pas se mentir : 32€, pour un bouquin qui ne passera pas l'après-midi, c'est quand même un budget. Ça m'a longtemps fait hésiter (puis finalement, on me l'a offert et ça a réglé le problème. Merci !). Je peux vous le dire à présent que je l'ai dévoré (ça n'a effectivement pas passé l'après-midi) : 32€ pour un tel chef d’œuvre graphique, ce n'est rien du tout (surtout au regard de nombreux romans d'éditions courantes à peine moins chers). La qualité du papier et des couleurs est impressionnante et l'inventivité de Pedrosa à tous points de vue complètement folle. Qui est ce type ? Comment voit-il le monde pour le penser avec des contrastes et des nuances aussi riches et originales ? Ça nécessite tout de même un rodage oculaire sur quelques pages, le temps de s'habituer à ce monde sous LSD. Une fois fait, c'est cartoonesque (vous aussi, vous avez vu une parenté avec le dessin old shool des personnages de Robin des Bois de Disney ?), déjanté et, comme souvent dans les livres les plus fous, subtilement profond. 

On aura évidemment saisi les échos entre les bulles de cette aventure qui est l'occasion d'une réflexion sociale sur l'égalité entre les êtres (humains, seulement - la réflexion s'arrête là). Ce peuple qui se révolte, qui enflamme tout de son indignation, n'est pas sans rappeler une situation très actuelle. Histoire d'ambiancer tout ça et d'apporter le soupçon de légèreté qui crée l'effet page turner, la magie et le mystère s'invitent, doucement mais sûrement, jusqu'à créer un cliffhanger qui va rendre bien difficile l'attente du tome 2. A ce propos, vous avez des infos ? Il était prévu pour mars de cette année ; il a donc dû être décalé mais je ne trouve rien de concret sur le sujet. Si vous en avez, je suis preneuse. J'ai hâte !

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Aujourd'hui, la BD de la semaine est chez Moka

10/06/2019

Le Serpent de l'Essex de Sarah Perry

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Janvier : Cora Seaborne vient tout juste de perdre son mari - et puisque le récit prend place dans l'Angleterre victorienne de la fin du XIXème siècle, un tel événement équivaut autant à un cataclysme qu'à une liberté retrouvée pour la jeune veuve. Mariée tôt, comme toutes les femmes ou presque à cette époque, elle n'a connu rien d'autre que la domination masculine, passant du père au mari comme il seyait alors. Michael Seaborne est l'homme qui [l']a faite, lui offrant l'éducation et la culture, entre autres cette passion pour la paléontologie. En contrepartie, Michael était un homme froid, cinglant et violent : son corps s'en souvient. Autant dire qu'elle ne saurait souffrir de la mort d'un tel mari. Aussitôt enterré, ou presque, Cora part avec Martha, son amie socialiste convaincue et son fils Francis, très clairement Asperger même si un tel terme n'est évidemment jamais mentionné au vu de son anachronisme à l'époque des faits, dans l'Essex rural. Les deux femmes y font de longues marches vivifiantes et Francis amasse toutes sortes d'objets insolites qui créent un monde cohérent dans son esprit atypique jusqu'au jour où Cora entend parler du serpent. Ce monstre marin légendaire reprend du service après plusieurs siècles de silence sur les lèvres de tous les habitants des environs d'Aldwinter. Cora est piquée de curiosité. Elle se demande si elle ne pourrait pas être la nouvelle Mary Anning car elle est persuadée que le serpent est de ces animaux préhistoriques encore inconnus. Elle embarque sa troupe au village d'Aldwinter où elle fait la connaissance de la famille Ransome et se lie particulièrement avec le pasteur, William.

La question, ce n'est pas ce que je vois, mais ce que je sens : je ne vois pas l'éther ; pourtant, je le sens qui entre et qui part, et je dépends de lui. Je sens que quelque chose arrive : tôt ou tard, souvenez-vous-en. Ce quelque chose s'est déjà vu, comme vous le savez, et il reviendra, sinon de mon vivant, du vôtre ou de celui de vos enfants, donc je me prépare, mon révérend, et si je pouvais me permettre un instant cette audace, je vous recommanderais d'en faire autant. 

Autour de ce noyau dur de personnages dont les relations se développent dès la fin de février grâce à l'entremise des Ambrose se tissent mille et un autres personnages et mille et une autres relations, plus ou moins discrètes, plus ou moins furtives qui composent toute une variation délicieuse sur le thème de l'amitié.
L'amitié, n'est-ce pas, est un sentiment finalement peu exploité en littérature, tout du moins en temps que thème principal - car il y a bien toujours des amis dans la plupart des romans, d'amour par exemple, mais ils ne sont alors qu'un contrepoint. Dans ce roman de Sarah Perry, l'amitié s'affirme, à juste titre me semble-t-il, comme le pilier fondamental des relations humaines et à l'occasion elle flirte avec bien d'autres sentiments - l'amour, la passion, le désir, l'égoïsme, l'idéalisme, l'ambition, la possession, la filiation, la folie - se colore, se mélange, devient mystère, angoisse ou épanouissement mais toujours finit par être la véritable boussole des existences. Ce parti pris, auquel je souscris complètement, et l'incroyable subtilité des variations harmoniques amicales de l'auteure font de ce roman un texte passionnant, fin et juste. Malgré l'empreinte puissante de l'époque victorienne dont elle est aussi, évidemment, une excellente cartographie politique et sociale, et c'en est un plaisir, ce texte résonne de façon puissamment intemporelle. 

J'ai toujours dit qu'il n'y a pas de mystères, rien que des choses que nous ne connaissons pas encore, mais récemment, j'ai pensé que même la connaissance ne pouvait pas retirer toute son étrangeté au monde.

Puisque les êtres, bien plus que les faits, sont au cœur du roman, mieux vaut apprécier une certaine lenteur narrative pour être tout à fait plongé dans les mois qui défilent et ne pas s'attendre à des rebondissements saisissants. La mécanique des cœurs se met en branle doucement, parfois fortuitement, et de façon plausible - comprendre par là qu'il n'y a pas de surenchère illusoire pour faire rêver dans les chaumières. C'est doux et pertinent à défaut d'être fou et fantasmé. Le Serpent de l'Essex est de ces romans que l'on apprécie lorsqu'on on a fait le deuil d'une quelconque attente en tournant les pages : on est dans la vraie vie dès le départ, qui n'attend pas d'événements particuliers pour débuter, qui ne connaît pas cette perpétuelle répétition du même qu'on voit venir à des kilomètres joliment appelé cliché (c'était ma crainte concernant la relation de Cora et Will et, merveille, l'auteure a brillamment tout évité) et qui, conséquemment, n'est pas suspendu à une hypothétique closure finale non plus. Décidément, il faut se détacher de la linéarité en lisant ce roman. Ni début, ni rebondissements, ni fantasmes, ni fin ; seulement la vie et donc l'amitié. Très simplement. 

En plus, j'ai eu la chance de lire ce roman en lecture commune avec une de mes plus chères amies : je ne pouvais pas rêver meilleure cerise sur ce délicieux gâteau. Merci pour nos échanges, ma petite Mélie d'amour ♥

 

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Participation au mois anglais chez Lou et Titine 

12/11/2018

Les mystères de Larispem, tome 1 - Le sang jamais n'oublie de Lucie Pierrat-Pajot

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Dans la vraie vie, la Commune de 1871, qui opposa les parisiens au gouvernement de la IIIème République réfugié à Versailles pour l'occasion, s'est soldée par une sanglante répression et plusieurs milliers de morts. Dans l'imagination de Lucie Pierrat-Pajot, les parisiens gagnèrent leur indépendance et la capitale française devint la nouvelle cité-état de Larispem. Au programme, plus de despotisme, quel qu'il soit. A la tête de Larispem se tient un triumvirat d'un nouveau genre ; les hommes et les femmes sont égaux ; toute notion de noblesse ou de richesses est également (presque) évincée. Les demeures et possessions des nobles, de même que la Religion, ont été mis à mal, pillés puis éradiqués. Notre-Dame est devenue une gare. Le Sacré Coeur n'a jamais été construit et, à la place, se tient la tour Verne. Au sein du microcosme de Larispem, les inventions du célèbre écrivain prennent vie, sur ordre du gouvernement, et l'on croise donc, par exemple, des voxomatons bavards aux coins des rues.  

Pour les réparer, il faut de sacrés techniciens. C'est là que Liberté, jeune fille fort habile de ses dix doigts, entre en jeu. Et lorsqu'elle ne travaille pas, elle fraye dans les riches maisons abandonnées avec Carmine, apprentie bouchère - ou louchébem si l'on respecte le patois de la profession, au caractère bien trempé et aventureuse comme pas deux. En parallèle du quotidien de ces deux héroïnes, l'auteure nous donne à lire celui de Nathanaël, un orphelin de presque quinze ans, sans véritable ambition mais avec la frousse furieuse d'avoir assassiné son professeur de maths sans faire exprès.

Tu vois, Nathanaël, ce que je hais le plus chez les Larispemois, c'est cette façon de faire comme si Larispem était une cité entièrement neuve, née de leurs rêveries d'anarchistes. Voilà presque trente ans qu'ils changent le nom des rues, transforment les églises en club de discussion, en gares et en entrepôts. Pourquoi ? Pour que l'on oublie que Larispem n'est rien d'autre que Paris caché sous d'autres noms.

Depuis le temps que ce premier tome m'aguichait au CDI, il était temps que je m'y colle. Rien de tel pour cela qu'un petit coup de mou automnal - il faut bien que ça serve à l'occasion. 
Concrètement, ce tome est une longue mise en place, pas désagréable pour deux sous mais mieux vaut être prévenu au risque d'être un poil déçu. Je l'étais pour ma part ; je ne me suis donc pas étonnée de voir l'intrigue se lever seulement dans les cinquante dernières pages. A la décharge de l'auteure, l'univers rétro-futuriste de Larispem est tellement riche qu'il mérite bien un premier petit tome (seulement deux cent cinquante pages) pour s'installer tranquillement sans avoir l'air faussement plaqué à la va-vite. Cela permet, en outre, de découvrir nos trois protagonistes, chacun avec une personnalité intelligente qui laisse présager quelque belle évolution par la suite. 

Le vrai défi, à présent, à mon sens, c'est de faire en sorte que le deuxième tome soit à la hauteur des cailloux semés durant ce premier opus. Clairement, c'est un peu le danger d'avoir ainsi différé sur un livre entier la vraie mise en route de l'action : maintenant, on l'attend comme le Messie. Je dois avouer qu'à cet égard, certains cailloux sus-mentionnés à la toute fin de ce roman me laissent un peu dubitative - je n'en dis pas plus pour l'instant, j'attends de me plonger dans le tome 2 que j'ai aussi, déjà, raflé au CDI. Wait and see !
Un dernier mot avant de conclure, cependant. Décidément, Gallimard se déchire pour les couvertures des lauréats du concours du premier roman jeunesse. C'est un vrai régal !

Songez à quel point il est plus facile de détruire que de construire, plus simple de se débarrasser d'autrui que d'apprendre à vivre avec.