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19/09/2011

Soldat Peaceful de Michael Morpugo

 

Décidément, la première guerre mondiale me poursuit. Et puisqu'il s'agit d'agréables découvertes littéraires, je ne vais pas m'en plaindre.

 

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Soldat Peaceful de Michael Morpugo, traduit de l'anglais par Diane Ménard, Gallimard Jeunesse, 2004

 

 

C'est dans la nuit du 24 au 25 juin 1916, cette nuit qui ne doit pas finir, que Tommo déroule le fil de sa vie pour rester éveillé. Tous les instants de sa prime jeunesse peignent le tableau d'une petite famille modeste où brille l'amour malgré l'adversité. Avec son frère Charlie et Molly, ils forment un trio inséparable. Et puis, les sentiments évoluent et la guerre éclate. Tommo s'engage malgré son trop jeune âge pour ne pas quitter Charlie et soudain, ils ne sont plus si jeunes.
Dans cette nuit-là, ce sont les souvenirs qui rattachent Tommo à la vie avant que tout bascule.

L'auteur aborde ces destins tragiques de soldats à peine adultes, pris dans une guerre qui ne les concerne pas avec une écriture pure et pleine d'émotion. Malgré des caractères qui m'ont paru un peu simplistes, je suis restée vissée avec Tommo  jusqu'au bout de la nuit, prise entre sa tendre enfance et la violence de la guerre.

 

A partir de 13 ans

 

*

 

"- Non, a-t-il répond. Anna ne sera plus jamais là. Anna est morte. Tu entends ça, le Tommy? Vous venez tous ici, vous venez faire votre sale guerre chez moi. Pourquoi ? Réponds-moi ? Pourquoi ?

- Qu'est-ce-qui s'est passé?

- Ce qui s'est passé? Je vais te le dire ce qui s'est passé. Il y a deux jours, j'envoie Anna chercher les oeufs. Elle conduit la charette sur la route, un obus arrive, un gros obus boche. Un seul, mais ça suffit. Je l'ai enterrée aujourd'hui. Alors si tu veux voir ma fille, Tommy, il faut aller au cimetière. Et puis vous pouvez aller en enfer, tous autant que vous êtes, Anglais, Allemands, Français, vous croyez que j'en ai quelque chose à faire? Et vous pouvez emporter votre guerre en enfer avec vous, ils aimeront ça, là-bas. Laisse-moi tranquille, Tommy, laisse-moi."

 

 

 

16/09/2011

Avant le silence des forêts de Lilyane Beauquel

 

Attention : coup de coeur (tadaaaam)

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Avant le silence des forêts de Lilyane Beauquel, Gallimard, 295p. 2011

 

 

Ce livre là est un gros coup de coeur que pourtant je n'ai pas dévoré. Je l'ai lu avec attention, dans la lenteur de ces lectures puissantes, ai goûté l'âpreté des faits et l'empathie du style et j'en suis époustouflée!

Le propos de l'ouvrage tient en peu de mots : Quatre jeunes bavarois, amis d'enfance, partent pour la guerre en 1915. A partir de là, c'est toute une variation sur le quotidien des tranchées ; les peurs, la faim, l'amitié malgré tout, la douleur. Plongé au coeur même de la boue, sans début ni fin, on vit avec eux des instants volés.

 

"Après les ventres transpercés, la terre et les cendres : le matin et sa limpidité. Je ne sais pas comment j'ai pu être dans cette inadvertance, faire comme chacun autour de moi : tuer et tuer encore."

 

Tout y est excellent. La perfection du style ne fait aucune concession à la cruauté du quotidien, simplement cela prend une autre couleur et devient oeuvre d'art. Lilyane Beauquel invente et joue des mots tout en usant de ces petits accents dix-neuvièmistes si savoureux. Rien n'est caricaturé, tout est dans l'instant et le vrai.
On vibre, on est là, on se prend des claques et on essaye d'avancer.

 

"Les lettres font mal, elles sont des punitions de fautes que nous n'avons pas commises."

"Cette rage, nous la hurlons dans l'aplat du terrain. Là, les linges de repos des grands blessés, les bandages qui défendent de se lever et laissent tranquilles. Nous n'avons plus ni bras ni jambes, nos ne pensons plus, le ventre fait un trou qui s'enfonce, nos yeux ne voient rien.
Nous sommes une erreur sur cette terre.
La journée a été calme, à la tombée du soir, la peur soudain. Le piétinement des soldats, le harassement. Tout ce qui point hors de la ligne de la tranchée est tiré, mis à bas, entassé à nos pieds. Sans victime, nous laissant éberlués.
Peu avant minuit, une marmite. Deux morts à l'angle nord de notre couloir."

 

C'est tout à la fois : une leçon de vie, une leçon de littérature. Merveille, merveille, merveille. Lilyane Beauquel dit de son style qu'il est une musique de mort. Je ne peux alors m'empêcher de penser à Baudelaire (tiens, tiens, comme c'est étrange et original) et à l'une de ces fleurs maudites à laquelle elle fait écho : "tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or".

 

 

 

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