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24/06/2017

Le diable à Westease de Vita Sackville-West

diable,westease,polar,whodunit,vita sackville-west,agatha christie,meurtreQu'est-ce que l'homme, après tout, mon cher Liddiard ? Au fond, on s'est souvent posé la question sans y répondre. Devons-nous le considérer comme un confetti, une particule éphémère égarée au milieu des éléments qui constituent notre univers, ou comme la pièce essentielle d'un mécanisme de la plus haute et de la plus subtile complexité ? Si complexité il y a, elle est ce qui rend notre sujet intéressant à étudier : plus complexe est le personnage, plus grand est l'intérêt qu'on lui porte. p. 45

Vita Sackville-West est bien connue, outre pour sa relation ambiguë avec Virginia Woolf dont la délicieuse inspiration stylistique s'épanouit dans Dark Island, pour une peinture caustique de la société de son temps, comme dans Au temps du roi EdouardOn sait moins qu'elle s'est adonnée aussi au whodunitplus habitués que nous sommes à nous tourner vers Agatha Christie dans ce registre là. Ainsi, lorsque Le diable à Westease est sorti en poche il y a quelques deux ans, il a remporté un vif succès en librairie auprès aficionados de VSW, avides que nous étions de découvrir une nouvelle facette de l'auteure. 

Celle-ci délègue immédiatement la narration à Roger Liddiard, un des personnages clés de l'affaire. Jeune démobilisé de la Royal Air Force, il décide en 1946 de se trouver un coin de campagne pépère pour prendre une jeune retraite bien méritée et, surtout, se consacrer à l'écriture. juste avant la guerre, Liddiard a publié un roman et obtenu un franc succès avec. Il espère revenir à la littérature et surfer sur cette veine. il déniche un beau jour, au hasard d'une balade en Jaguar (pourquoi se gêner ?) le village pittoresque et incroyablement calme de Westease, en tombe amoureux, y achète un vieux moulin et s'y installe en quelques mois. Voilà une affaire rondement menée ! 

Mon rêve : ma petite ferme avec de la fumée s'échappant de la cheminée, mon foin stocké dans la grande, mes vaches passant la barrière à la nuit tombée ; une vaste pièce principale avec mes livres, un grand bureau, mon piano. Le tout en désordre, mon désordre. p. 11 (je sais pas vous mais moi, je signe direct)

Ce petit coin de paradis est l'occasion pour lui de faire connaissance avec Wyldbore Ryan, un peintre en vogue aussi talentueux qu'antipathique, que Liddiard déteste d'emblée pour la noirceur de son regard et parce qu'il aurait aimé être le seul artiste du village (égo, quand tu nous tiens), le professeur Warren, un numismate solitaire et Mary Gatacre, la très belle et très franche fille du pasteur, avec qui Liddiard noue une relation complice. Jusque là, tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu'au jour où un meurtre se produit à Westease (vous l'aviez pas vu venir, celle-là, hein?). Le fait est déjà remarquable en lui-même (franchement, on est quand même dans le trou du cul de l'Angleterre où, grosso modo, il ne se passe rien du tout), mais à cela s'ajoute que l'être le plus effacé et le plus affable en est la victime, le pasteur Gatacre, et d'une façon totalement improbable en guise de petits vermicelles sur le cupcake (je vous laisserai le soin de le découvrir). En plus, il neige à ce moment-là, histoire de dramatiser l'ambiance. Bref, tout y est ! 

Nous sommes partis en vitesse, trébuchant, glissant, dérapant dans l'épaisse couche de neige qui ralentissait nos pas, gênés par les flocons qui tourbillonnaient. J'étais complètement désemparé et les éléments en furie ajoutaient à ma confusion. p. 55-56

Le hic, c'est que ça semble la croix et la bannière de déterminer un coupable avec certitude. Chaque élément de l'enquête est parfaitement étonnant et le nombre des suspects est extrêmement ténu. En désespoir de cause, le meilleur candidat à la culpabilité finit par être Mary Gatacre, dont Liddiard tombe amoureux en pleine adversité. Vous avez compris où tout cela nous mène : prouver l'innocence de Mary et, conséquemment, comprendre enfin whodunit

Si le livre a été un succès de librairie, il n'a pas été l'objet de lectures très enthousiastes dans la foulée. Les habitués de VSW se sont révélés déçus que l'auteure s'illustre dans ce genre très british mais pas tellement fait pour elle, à les en croire, la comparant à son désavantage à la reine du crime. Au cours de ma lecture et, a fortiori, maintenant que j'ai refermé le livre, je trouve ces critiques particulièrement dures voire injustes. Je comprends que l'étonnement de tomber sur un policier de facture assez classique ait pu dérouter et décevoir mais de là à le trouver médiocre, cela me semble pousser le bouchon un peu loin. Honnêtement, VSW n'a rien à envier à Agatha Christie qui, comme tout écrivain prolifique, a aussi un joli lot de titres médiocres à son actif, je pense notamment au Train bleu pour le dernier lu en date.

D'autant que, si Le diable à Westease a la facture du whodunit, il ne me semble que sa véritable finalité fût de mener l'enquête au côté d'un fin limier (soyons clairs, Liddiard ne l'est pas) mais d'observer Liddiard la mener, nous plaçant ainsi dans la posture distanciée de celui qui analyse, non pas l'affaire (simple prétexte, et c'est là où se distingue à mon sens VSW d'Agatha Christie) mais le personnage : en d'autres termes, dans la posture d'écrivain. A cet égard, là où, encore une fois, l'ultime pied de nez final a achevé de dépiter certains lecteurs, j'ai trouvé au contraire qu'il était la suite évidente de tout le processus mis en place au cours du récit. Puisque tu es l'écrivain, lecteur, à toi de réfléchir comme tel à l'éthique de ces personnages que tu précipites dans la vie. Rappelons d'ailleurs que Liddiard est lui-même un personnage écrivain, autant dire que Le diable à Westease est en fait un joli jeu de mises en abyme sacrément réussi et sacrément savoureux. En tout cas, je l'ai lu avec un franc plaisir, en très peu de temps car il est simple et court, et avec le sourire car il est fort bien écrit et moins premier degré qu'on pourrait le penser. C'est une excellente lecture de vacances, qui a le mérite de ne pas être complètement décérébrée (cf. la série des Agatha Raisin dont j'ai apprécié le premier tome mais qui ne pète définitivement pas trois pattes à un canard). 

 Et vous, lecteurs, qu'auriez-vous fait ? p. 236

 

Le diable à Westease de Vita Sackville-West, Le livre de poche, 2015[1947], 236p. 

diable,westease,polar,whodunit,vita sackville-west,agatha christie,meurtreLe mois anglais chez Lou et Cryssilda

5ème lecture

LC autour d'un roman policier

17/06/2017

Agatha Raisin 1 - La Quiche fatale de M.C. Beaton

roman policier,polar,agatha raisin,la quiche fatale,the quiche of death,cotwolds,meurtre,mois anglaisOn touche ici au point sensible des blogs littéraires : le bouquin que tout le monde - du moins, le petit microcosme douillet de la blogosphère - a déjà lu et chroniqué. Je me paye même la loose intersidérale, non contente d'arriver un an après la bataille de la première publication de ce titre, d'être également en retard pour la lecture commune de la série prévue mardi dernier lors du mois anglais (la médiathèque a reçu ma réservation le lendemain de la lecture commune : la loose, j'vous dis). Autant dire qu'à défaut de quiche, je vois poindre la tarte à la crème.

On décrivait Agatha comme une "originale", et, comme tous les originaux qui n'hésitent pas à dire le fond de leur pensée, elle n'avait pas de vrais amis. Son travail lui avait tenu lieu de vie sociale. p.11

Du coup, Agatha, la fringante cinquantaine bien tapée, s'est accrochée plus ou moins toute sa vie à un rêve brièvement caressé lors de lointaines vacances en famille : avoir un cottage dans les Cotswolds. De fait, la carte postale fait rêver et je ne serais pas contre y avoir moi aussi mes quartiers estivaux. Mais Agatha Raisin ne fait pas les choses à moitié et décide de revendre sa boîte de relations publiques et de tout plaquer à Londres pour prendre dans ce trou paumé où elle ne connaît rien ni personne une retraite anticipée. Je ne vous cache que je ne comprends pas exactement le projet, mais soit ! La voilà dans un intérieur refait à neuf façon vitrine de Maison du Monde impersonnelle, sans l'once d'une notion de cuisine, à tenter de se faire quelques amis - ce qu'elle n'a jamais réussi à faire, rappelez-vous - et à visiter les environs. Au top de l'ennui des petits bleds ruraux, elle décide de concourir pour le prix de la meilleure quiche du village (que j'aime les clichés anglais !!!) ; quiche qu'elle achète évidemment chez un traiteur londonien et qui finit par tuer le juge Cummings-Browne. Too bad

Elle éprouvait le même sentiment que lorsqu'elle était enfant : elle désirait plus que tout faire partie intégrante de cet univers de vieilles traditions anglaises, synonymes de beauté et de sécurité, et pourtant, elle restait en dehors, spectatrice. p. 51

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Que fait alors notre Agatha ? Et bien, objectivement, pas grand chose, si ce n'est rendre deux/trois visites épisodiques peu convaincues à quelques personnes de l'entourage du feu Cummings-Brownes, trimballer son ancien collègue Roy dans les environs pour une virée touristique un peu pitoyable - eu égard au jetlag entre gens de la ville et gens de la campagne qui ont, chacun, leurs niaiseries et leurs lourdeurs -, s'engueuler avec sa voisine, manger et picoler au pub, sympathiser avec le gentil policier Bill Wong et participer au cercle des femmes de Carsely. Elle ne cherche même pas tant que ça, si ce n'est peut-être à la toute fin, à mener l'enquête. 

Ce n'est donc pas tant la résolution du crime qui est le cœur du livre que la photographie caricaturale mais truculente d'une certaine société rurale anglaise, emprunte de mille petits clichés dont les étrangers profanes que nous sommes sauront se délecter à travers les yeux de la citadine Agatha. A dire vrai, je craignais beaucoup ce personnage à force d'avoir lu plusieurs chroniques mettant en avant son côté insupportable, prétentieux, supérieur - en un mot, citadin. Finalement, elle est vraiment ce que j'ai adoré dans ce roman et elle porte tout sur ses épaules. Elle est viscéralement drôle et elle a le peps de faire passer des chapitres parfois assez creux (soyons francs : le bouquin ne brille pas de grandes qualités par ailleurs). J'ai particulièrement souri de voir resurgir en elle le besoin d'être en ville, et son problème de poids/flemme de bouger et manger sainement/gourmandise incurable. 

Je n'ai aucune volonté, pensa-t-elle lorsque, ayant mangé son pudding jusqu'à la dernière miette, elle se rendit compte qu'elle s'était laissé convaincre par Roy de prendre une part de tourte aux pommes chaudes avec de la crème, de la vraie crème et non cette substance qui ressemble à de la mousse à raser. p. 201

Cet extrait-là, voyez-vous, c'est un peu l'histoire de ma vie (adieu, ventre plat ; salut, cornet de glace menthe-chocolat). 

Du coup, sans penser que cette série anglaise soit la trouvaille de l'année, je vais peut-être envisager un rendez-vous de temps en temps avec Agatha Raisin, rien que pour le plaisir de trouver un personnage qui m'amuse et de qui, à bien des égards, la lyonnaise exilée en Creuse que je suis se sent assez proche. 

 

Agatha Raisin 1 - La Quiche fatale de M.C. Beaton, Albin Michel, 2016, 324p. 

 

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Le mois anglais chez Lou et Cryssilda

3ème lecture

 

26/09/2016

Carter contre le diable de Glen David Gold

Carter contre le diable.jpg
Carter contre le diable de Glen David Gold, 10/18, 2015[2002], 762p. 

 

Carter contre le diable 1.jpgCharles Carter n'était pas né pour être saltimbanque. D'un père homme d'affaires et d'une mère un peu toquée de trop d'oisiveté, Charles se destinait à Yale, tout comme son jeune frère. Mais quelques aventures rocambolesques, dont le vol d'une pièce rare ou la correction un peu salée du jardinier un soir d'hiver, vont décider Charles à s'entraîner sans relâche pour devenir magicien. Ce n'est pas sans mal qu'il balade sa famille pour repousser d'années en années son entrée à l'université, préférant voyager à travers le pays, avec d'autres artistes de scène, pour se produire avec ses cartes et ses foulards. De ce départ un peu miteux, il va finir par devenir un des plus grands magiciens du début de siècle, aux côtés d'Houdini, et s'octroyer le sobriquet de Carter le Grand. Un beau soir de 1923, c'est même le président des Etats-Unis, Warren G. Harding qui vient assister à l'une de ses représentations à San Francisco. Ils affrontent tout deux le diable. Jusque là, rien que la routine pour Charles Carter. A ceci près que, quelques heures plus tard à peine, le président décède dans de mystérieuses circonstances. Le magicien est évidemment soupçonné et ce n'est pas sans une pointe d'amusement qu'il entame un jeu d'esquives et d'illusions avec les membres du Service Secret. 

Quelle n'est pas ma surprise de découvrir à l'instant (puisque, bien sûr, je n'avais pas lu avant les notes de fin d'ouvrage) que le roman se base sur de nombreux faits réels, à commencer par l'existence de Charles Carter, véritable magicien emblématique du passage au vingtième siècle ! C'est d'ailleurs le chapitre qui est consacré à son enfance et à sa formation qui m'a le plus enthousiasmée. J'ai adoré voyager dans la vie de cet esprit libre, original, pétri de solitude, d'égo et de rêves un peu fous. Il semble au lecteur circuler dans les méandres d'un temps totalement révolu et d'un monde plutôt méconnu - il y a bien eu la série Carnival sur le cirque des années 20, mais c'était nettement plus glauque. Ici, on vit plutôt dans le music-hall chic que parmi les freaks. Evidemment, tout est très très librement revu et corrigé par Glen David Gold mais les descriptions d'affiches ou les numéros de Carter le Grand sont exactement ce qu'ils étaient. Ce dernier faisait bel et bien disparaître un éléphant sur scène.

Autre personnage véritable de ce roman : Warren G. Harding, vingt-neuvième président des Etats-Unis et véritablement mort dans des circonstances douteuses le 2 août 1923 à San Francisco durant sa tournée de la Compréhension (les politiciens pratiquaient déjà l'art de la communication à coups de voyages d'agrément auprès du petit peuple). Mort douteuse car sa femme a refusé toute autopsie, ce qui, évidemment, n'a fait qu'enfler la rumeur d'attentat. 

 

Carter contre le diable 2.jpg

 

Si nous en restions là, Carter contre le diable ne serait finalement qu'un biopic, sauf que rien n'accrédite l'hypothèse d'une rencontre entre les deux hommes et encore moins toutes les autres élucubrations du roman. C'est donc là qu'il prend la tournure d'un polar fantaisiste, afin d'imaginer un envers du décor aussi léger et brillant qu'un tour de magie. Toutefois, certains passages manquent un peu de souffle, il faut bien l'avouer. Le bouquin est opulent mais n'est pourtant pas exactement ce qu'on pourrait appeler un page-turner. Mieux vaut s'attacher à la personnalité de Carter pour poursuivre sans trop s'essouffler au fil des centaines de pages. C'est dommage d'ailleurs que l'essentiel soit porté sur ses frêles, bien que magiques, épaules : un peu plus de consistance apportée à l'aspect policier du roman n'aurait pas été de trop. malheureusement, si Glen David Gold est plutôt doué pour faire vivre une époque et un personnage en particulier, il l'est moins pour en créer d'autres de toutes pièces qui ne soient pas fort caricaturaux et une intrigue qui ne soit pas tantôt mollassonne (à la limite du décor inutile), tantôt tellement grosse qu'elle en est ridicule (le dénouement brille particulièrement par son énormité). 

Carter contre le diable n'est donc pas un chef d'oeuvre, loin de là et mieux vaut ne pas trop en attendre de la partie polar pourtant vendue comme haletante sur la 4ème de couverture. C'est cependant une lecture agréable, attachante, sans vraiment de prétention, qui m'a fait voyager le temps de quelques semaines (période de rentrée oblige, je lis à la vitesse d'une locomotive à vapeur) et m'a surtout donné envie de poursuivre quelques lectures dans l'univers de la magie. On n'a décidément pas trouvé mieux pour s'évader avec le sourire ! (Et je crois que je commence à comprendre les aficionados qui relisent régulièrement Harry Potter !)

 

Le mois américain.jpegLe Mois Américain 2016 chez Titine

4ème participation 

 

 

 

 

 

 

 

Challenge Un pavé par mois.jpgChallenge un pavé par mois chez Bianca

2ème participation de septembre 2016