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04/06/2018

Poirot joue le jeu d'Agatha Christie

hercule poirot,détective,agatha christie,whodunit,policier,polar,enquête,meurtre,mystère,moustache,écrivain,ariane oliver,ariadne oliver,jeu,chasse à l'assassin,mois anglaisPoirot reçoit le coup de fil inopiné d’Ariane Oliver tandis qu’il dicte des lettres à Miss Lemon. Celle-ci lui demande de la rejoindre instamment dans le Devon, à Nasse House, où elle organise une chasse à l’assassin à la demande de Sir George. Elle reste très évasive auprès de Poirot qui, de bonne composition et flairant l’affaire, la rejoint sans discuter. A l’arrivée, il découvre une société éclectique – un architecte, un couple en villégiature au bord de la crise de nerfs, une secrétaire efficace mais un poil aigrie, un propriétaire nouveau riche, sa femme belle mais simplette et superficielle et l’ancienne propriétaire âgée  - noyée sous les préparatifs d’une kermesse et sous les flots de touristes étrangers qui traversent les jardins sans autorisation. Aucune affaire n’attend Poirot. A la vérité, Ariane n’a qu’une impression étrange. Elle ne sent pas cette chasse à l’assassin qu’elle a elle-même organisée. Il lui semble qu’on en a orienté, à son insu, la direction pour une raison précise et peu réjouissante. Et pour cause : quelques heures après le départ de la chasse, une jeune fille est assassinée - celle, précisément, qui devait jouer la victime du jeu - et la femme de Sir George, Hattie, est introuvable… C’est alors à Poirot de jouer, sauf qu’il est aussi dubitatif que les autres sur ce coup-là.

Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas vautrée complaisamment dans un Agatha Christie et ça fait du bien ! J’avais un assez bon souvenir de cette enquête dont j’ai vu l’adaptation avec David Suchet mais sans me rappeler la fin. J’avançais donc en terrain connu avec la pointe nécessaire de suspens pour tourner avidement les pages. Poirot, dans cet épisode, est particulièrement aimable et presque humble (« presque » tout de même, il ne faut pas pousser mémé) et il fonctionne à merveille avec son amie Ariane Oliver, d’une exubérance follement amusante. C’est un personnage que j’adore, miroir ironique et très second degré d’Agatha Christie, toujours prompt à lancer des réflexions qui font mouche au milieu d’élucubrations qui perdent tout le monde (sauf nous).

L’idée de ce roman est tout simplement alléchante : une mise en abyme du crime. Ce qui ne devait être qu’un Cluedo géant pour divertir riverains et vacanciers du Devon se transforme en véritable meurtre dont le mobile reste opaque un bon moment. Connaissant déjà les éléments clés de l’enquête, j’ai pu repérer mine de rien les indices disséminés par l’auteure au fil du récit. Ils sont suffisamment bien dosés pour permettre au lecteur de se faire une idée, voire plusieurs successivement, sur le meurtrier et le mobile, et ainsi s’approcher du twist final, sans jamais tout découvrir pour autant. Poirot lui-même reste dans le flou une bonne partie du temps, d’ailleurs, et ce n’est pas désagréable de voir notre détective moustachu préféré patauger un peu dans la semoule lui aussi ! On est donc appâté mais jamais rassasié avant la fin : c’est à peu près tout ce qu’on demande à un whodunit classique tel que celui-ci. 

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24/06/2017

Le diable à Westease de Vita Sackville-West

diable,westease,polar,whodunit,vita sackville-west,agatha christie,meurtreQu'est-ce que l'homme, après tout, mon cher Liddiard ? Au fond, on s'est souvent posé la question sans y répondre. Devons-nous le considérer comme un confetti, une particule éphémère égarée au milieu des éléments qui constituent notre univers, ou comme la pièce essentielle d'un mécanisme de la plus haute et de la plus subtile complexité ? Si complexité il y a, elle est ce qui rend notre sujet intéressant à étudier : plus complexe est le personnage, plus grand est l'intérêt qu'on lui porte. p. 45

Vita Sackville-West est bien connue, outre pour sa relation ambiguë avec Virginia Woolf dont la délicieuse inspiration stylistique s'épanouit dans Dark Island, pour une peinture caustique de la société de son temps, comme dans Au temps du roi EdouardOn sait moins qu'elle s'est adonnée aussi au whodunitplus habitués que nous sommes à nous tourner vers Agatha Christie dans ce registre là. Ainsi, lorsque Le diable à Westease est sorti en poche il y a quelques deux ans, il a remporté un vif succès en librairie auprès aficionados de VSW, avides que nous étions de découvrir une nouvelle facette de l'auteure. 

Celle-ci délègue immédiatement la narration à Roger Liddiard, un des personnages clés de l'affaire. Jeune démobilisé de la Royal Air Force, il décide en 1946 de se trouver un coin de campagne pépère pour prendre une jeune retraite bien méritée et, surtout, se consacrer à l'écriture. juste avant la guerre, Liddiard a publié un roman et obtenu un franc succès avec. Il espère revenir à la littérature et surfer sur cette veine. il déniche un beau jour, au hasard d'une balade en Jaguar (pourquoi se gêner ?) le village pittoresque et incroyablement calme de Westease, en tombe amoureux, y achète un vieux moulin et s'y installe en quelques mois. Voilà une affaire rondement menée ! 

Mon rêve : ma petite ferme avec de la fumée s'échappant de la cheminée, mon foin stocké dans la grande, mes vaches passant la barrière à la nuit tombée ; une vaste pièce principale avec mes livres, un grand bureau, mon piano. Le tout en désordre, mon désordre. p. 11 (je sais pas vous mais moi, je signe direct)

Ce petit coin de paradis est l'occasion pour lui de faire connaissance avec Wyldbore Ryan, un peintre en vogue aussi talentueux qu'antipathique, que Liddiard déteste d'emblée pour la noirceur de son regard et parce qu'il aurait aimé être le seul artiste du village (égo, quand tu nous tiens), le professeur Warren, un numismate solitaire et Mary Gatacre, la très belle et très franche fille du pasteur, avec qui Liddiard noue une relation complice. Jusque là, tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu'au jour où un meurtre se produit à Westease (vous l'aviez pas vu venir, celle-là, hein?). Le fait est déjà remarquable en lui-même (franchement, on est quand même dans le trou du cul de l'Angleterre où, grosso modo, il ne se passe rien du tout), mais à cela s'ajoute que l'être le plus effacé et le plus affable en est la victime, le pasteur Gatacre, et d'une façon totalement improbable en guise de petits vermicelles sur le cupcake (je vous laisserai le soin de le découvrir). En plus, il neige à ce moment-là, histoire de dramatiser l'ambiance. Bref, tout y est ! 

Nous sommes partis en vitesse, trébuchant, glissant, dérapant dans l'épaisse couche de neige qui ralentissait nos pas, gênés par les flocons qui tourbillonnaient. J'étais complètement désemparé et les éléments en furie ajoutaient à ma confusion. p. 55-56

Le hic, c'est que ça semble la croix et la bannière de déterminer un coupable avec certitude. Chaque élément de l'enquête est parfaitement étonnant et le nombre des suspects est extrêmement ténu. En désespoir de cause, le meilleur candidat à la culpabilité finit par être Mary Gatacre, dont Liddiard tombe amoureux en pleine adversité. Vous avez compris où tout cela nous mène : prouver l'innocence de Mary et, conséquemment, comprendre enfin whodunit

Si le livre a été un succès de librairie, il n'a pas été l'objet de lectures très enthousiastes dans la foulée. Les habitués de VSW se sont révélés déçus que l'auteure s'illustre dans ce genre très british mais pas tellement fait pour elle, à les en croire, la comparant à son désavantage à la reine du crime. Au cours de ma lecture et, a fortiori, maintenant que j'ai refermé le livre, je trouve ces critiques particulièrement dures voire injustes. Je comprends que l'étonnement de tomber sur un policier de facture assez classique ait pu dérouter et décevoir mais de là à le trouver médiocre, cela me semble pousser le bouchon un peu loin. Honnêtement, VSW n'a rien à envier à Agatha Christie qui, comme tout écrivain prolifique, a aussi un joli lot de titres médiocres à son actif, je pense notamment au Train bleu pour le dernier lu en date.

D'autant que, si Le diable à Westease a la facture du whodunit, il ne me semble que sa véritable finalité fût de mener l'enquête au côté d'un fin limier (soyons clairs, Liddiard ne l'est pas) mais d'observer Liddiard la mener, nous plaçant ainsi dans la posture distanciée de celui qui analyse, non pas l'affaire (simple prétexte, et c'est là où se distingue à mon sens VSW d'Agatha Christie) mais le personnage : en d'autres termes, dans la posture d'écrivain. A cet égard, là où, encore une fois, l'ultime pied de nez final a achevé de dépiter certains lecteurs, j'ai trouvé au contraire qu'il était la suite évidente de tout le processus mis en place au cours du récit. Puisque tu es l'écrivain, lecteur, à toi de réfléchir comme tel à l'éthique de ces personnages que tu précipites dans la vie. Rappelons d'ailleurs que Liddiard est lui-même un personnage écrivain, autant dire que Le diable à Westease est en fait un joli jeu de mises en abyme sacrément réussi et sacrément savoureux. En tout cas, je l'ai lu avec un franc plaisir, en très peu de temps car il est simple et court, et avec le sourire car il est fort bien écrit et moins premier degré qu'on pourrait le penser. C'est une excellente lecture de vacances, qui a le mérite de ne pas être complètement décérébrée (cf. la série des Agatha Raisin dont j'ai apprécié le premier tome mais qui ne pète définitivement pas trois pattes à un canard). 

 Et vous, lecteurs, qu'auriez-vous fait ? p. 236

 

Le diable à Westease de Vita Sackville-West, Le livre de poche, 2015[1947], 236p. 

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5ème lecture

LC autour d'un roman policier

27/03/2012

Poirot quitte la scène d'Agatha Christie

 

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Poirot quitte la scène d'Agatha Christie

 

"Soudain son ton redevint amer :

- C'est le côté déprimant de ces endroits, de ces pensions de famille dirigées par des gens bien nés, ruinés : elles sont pleines de ratés, de gens qui n'ont jamais rien réussi et ne réussiront jamais rien, qui ont été vaincus et brisés par la vie, de gens vieux, fatigués, finis.

Sa voix s'éteignit. Une profonde tristesse m'envahit. C'était tellement juste ! Nous étions tous là des gens au crépuscule de la vie : têtes grises, coeur gris, rêves gris. Moi-même, j'étais triste et solitaire, et la femme qui me côtoyait, amère et désillusionnée. Le Dr Franklin, plein d'ardeur et d'ambition, était contrecarré, avait les ailes coupées. Sa femme était la proie de la maladie. Le paisible petit Norton boitillait à la recherche d'oiseaux. Même Poirot, le brillant Poirot de jadis, était maintenant brisé, infirme."

 

*

 

C'est à Styles St Mary que Poirot enquêta pour la première fois sous la plume d'Agatha Christie et c'est tout naturellement en ce lieu qu'on l'y retrouve au moment de sa dernière affaire. Vieux, affaibli par la maladie, Poirot n'a plus le panache de sa grande époque. Seules ses petites cellules grises sont épargnées par l'inéluctable déclin de l'âge. Pensionnaire du Manoir où jadis il a enquêté, Hercule Poirot guette un meurtrier d'un genre bien particulier parmi les autres résidents - de celui qu'on se soupçonne pas tant son crime est parfait. Epaulé par Astings qui sera ses yeux et ses oreilles, il va tenter de démasquer ce mystérieux criminel avant qu'un nouveau meurtre ne soit perpétré.

Poirot quitte la scène ne devait être publié qu'après la mort d'Agatha Christie. Ecrit pendant la seconde guerre mondiale, loin donc d'être le dernier ouvrage de l'auteur, il était destiné à assurer une sécurité financière à sa fille grâce aux revenus de la publication au cas où la romancière viendrait à mourir brutalement. Elle finira pourtant par céder à son éditeur en le publiant dans les dernières années de sa vie, en 1975.

Que vous dire si ce n'est que ce roman est parfaitement étonnant. Poirot sait qui est le meurtrier mais le cache à tous. Bien plus que les yeux et les oreilles de Poirot, Astings sera ceux du lecteur qui tatonne autant que lui pour comprendre ce qu'à déjà compris Poirot - en somme, nous menons l'enquête. Et je dois dire que je n'ai vraiment pas été brillante. J'ai bien eu quelques idées mais je ne me suis pas révélée plus inspirée qu'Astings et systématiquement, je ratais. Quant à la fin, rahhh. Je ne préfère rien vous en dire tant elle est surprenante à plusieurs niveaux. On croit que la boucle est bouclée avec ce retour au lieu des débuts de Poirot, pourtant l'auteur nous joue une pirouette finale magistrale. C'est vraiment un excellent Poirot que voilà !

 

*

 

agatha christie,poirot,astingsChallenge Agatha Christie

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agatha christie,poirot,astingsChallenge Un classique par mois

Mars 2012