Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/04/2012

Haïkus des quatre saisons

haïkus des quatre saisons.jpg

Haïkus des quatre saisons illustrés d'estampes d'Hokusaï, ed. Seuil, 2006

La branche en fleur du prunier
accorde son parfum
à qui l'a brisé

Chiyo-Ni 

 

 

Ce livre est un voyage méditatif en terre évanescente. Les haïkus s'ouvrent et battent de l'aile au gré du souffle ; nous sommes tous poètes de la vie à lire ces lignes qui, malgré leur grand âge, n'ont rien perdues de leur clarté poétique, de cette légèreté cristalline si mystérieuse. Le haïku a, me semble-t-il, quelque chose de magique. Nulle autre forme poétique n'a mieux saisi l'instant fugace ou comment parvenir à dire ce qui ne peut se dire.

Au fil des mots, s'ouvrent également les magnifiques estampes d'Hokusaï, peintre majeur de l'ère Edo et appartenant au courant de l'Ukiyo-e (que l'on pourrait traduire par "image du monde flottant", n'est-ce-pas merveilleux?!) qui célèbre des scènes du quotidien.

Tout dans cet ouvrage nous invite au plaisir, à savourer l'instant les yeux fermés, à seulement écouter siffler les mots à travers quelques branches en fleurs.

 

Merci à ma douce Aurore* pour ce délicieux cadeau d'anniversaire¨¨**

 

 

Rien d'autre aujourd'hui
que d'aller dans le printemps
rien de plus


Buson

haikudes4saisons2.JPG

 

hokusai_lecture1.jpg

Hokusai_Bijins_Terrasse_Web_S-.jpg

 

 

 

 

poésie,japon,haïku,saisons,printemps,fleurs,nature,zen,hokusaï,estampes,peinturesChallenge Dragon 2012

3/5 pour les livres

 

 

 

 

 

 

 

 

28/01/2012

Onzains de la nuit et du désir de Jean-Yves Masson

9782903705930.jpg

Onzains de la nuit et du désir de Jean-Yves Masson, Cheyne Editeur, 1995.
Prix Kowalski


Né en 1962, Jean-Yves Masson est professeur de Littérature comparée à l'université, traducteur d'écrivains irlandais, italiens et allemands, directeur de la collection de littérature allemande "Der Doppelgänger" aux excellentes éditions Verdier et (car tout cela ne suffit pas, il va sans dire) poète merveilleux.

Ce recueil, une de ses premières publications en maison d'éditions après l'incontournable passage par les revues, exprime une voix mêlée de modernité, de fraîcheur et de lyrisme. Cent vingt et un poèmes se déroulent selon la même structure formelle, maniée avec une virtuosité qui offre la quintessence d'un souffle maitrisé - qui rappelle les pères fondateurs (je n'ai pu m'empêcher de penser à Rilke) tout en laissant libre court à une personnalité qui se construit, s'affirme, nait pleinement poète. Ce n'est pas l'affirmation d'un Je suprême et finalement stérile à force d'être rabâché mais bien d'un Je méditatif, aérien et confiant à travers la lumière diffuse des temps et des espaces.

Une extraordinaire évolution déjà virtuose où l'on respire l'harmonie des tons, l'adequation de l'être à la vie - A lire de toute urgence et sans modération !

 

 

*

 

 

VII

 

Même ce qui de moi demeure dans tes rêves,
disait l'ombre, ne reconnaîtrait plus ces chemins.
J'ai passé. Je suis herbe ou rivage et je danse
avec le vent parmi l'espace où je repose,
au fond des mers, je suis ardeur,
et glace au coeur du feu. Amour, implorait-il,
qui saura le secret de nos métamorphoses,
qui dénouera l'énigme que nous sommes,
Oedipe et Sphinx en même temps, et meurtriers
de ce qui nous engendre et nous surprend
un jour sur la route de notre éveil?

 

 

XLIII

 

Je fus. C'était l'hiver en mon pays d'orage,
c'était toujours l'hiver. J'étais voix sur la route,
j'étais cygne blessé, main tendue vers la neige,
vers la voûte du ciel et la vie à venir.
Je fus cri. Mes bras d'ombre étaient déjà la route,
ma chevelure éparse un ruisseau pour mourir,
toute de sang et d'aube il me fallait la terre
et j'accueillais le temps pour l'écouter dormir.
Je fus, je reviendrai. Tout cri est réversible,
toute pierre retourne en amont du torrent,
et moi, fée, je deviens oracle et je t'attends.

 

*

 

07/11/2011

Les paysages en lumière : Philippe Jaccottet

Puisque mon roman en cours s'éternise, aujourd'hui, ce sera poésie.

 

jaccottet-grignan.jpg

"La blason de l'hiver est de sable, d'argent et de sinople ; d'hermine le jour, s'il neige, et la nuit de contre-hermine."

 

 J'ai entendu des avis très contrastés sur Philippe Jaccottet. Pour les uns, c'est un poète de l'éclatante simplicité à la langue brillante et familière, pour d'autres un poète à la naïveté un peu niaise qui s'extasie devant des cailloux. 

Moi, je me rallie sans honte à la première catégorie - et oui, j'ai un faible pour les illuminés du caillou - et considère que Jaccottet n'a rien à envier aux orientaux. Après tout, la contemplation poétique de la nature n'est pas réservée au haïku et à la picole taoïste.

 

Né à Moudon (Suisse) en 1925, il s'installe avec sa femme dans la Drôme en 1953 après un bref passage parisien. Poète depuis ses années adolescentes - déjà publié dans des périodiques dès 1943 - et traducteur d'auteurs allemands tels que Musil, Rilke ou Hölderlin, c'est dans le village de Grignan que va se développer son émerveillement de la nature et son goût de la dire.
Il s'agit d'un regard, d'une flamme, d'une humilité. Le poète transmet mais ne possède pas.

Je goûte dans ses écrits à une poétique du mouvement vital : l'alternance de la respiration, la musicalité des feuilles et du vent, la lumière atténuée des fins de jours. Tout ce lyrisme cependant n'est pas en dehors de la réalité et, bien souvent, il est également question de vieillesse, de la mort, de la finitude de l'être. Tout cela, au fond, est lié.

 


*

 

Petites mises en bouches

Soir

"De nouveau ce moment où l'heure est parfaitement immobile, où le ciel semble plus haut, quand la lumière est une huile qui dore la terre bientôt plus sombre. Ses verdures en cette saison s'effacent par endroits, laissant la place aux rectangles des blés et des lavandes. Je retrouve ce jaune dont je n'ai pu saisir le sens, sinon qu'il est lié à la chaleur, au soleil. Ces champs me font penser aux corbeilles d'osier où l'on couche avec précaution les fleurs, à ces cageots où sont serrés les poissons, à des bassins grouillant d'un frai doré. Mais ce sont des champs couchés sous le fe qui les travaille et les soulève, cuisant lentement dans le four céleste ; tandis que tout à côté, comme voisinent au marché des corbeilles d'espèces variées, les lavandes se fondent en eau crépusculaire, en sommeil, en nuit. Soleil, sommeil. Ce qui flambe, rayonne, et ce qui recueille. Tâches utiles du jour, parfums envolés de la nuit. Ainsi chaque parcelle de l'étendue (au pied d'un bourg de cristal rose presque emporté, dirait-on, par l'ascension de l'air) flatte en nous d'autres souvenirs, d'autres rêveries, mais toutes s'accordent, elles aussi suspendues à la profondeur, de plus en pls limpide, du soir d'été : l'une loue la chaleur qu'elle semble avoir serré dans ses tiroirs comme autant de pièces d'or, l'autre rappelle à voix basse l'obscurité qu'elle retient dans ses fontaines. [...]"

Dans Paysages aux figures absentes

 

 

"Oui, oui, c'est vrai, j'ai vu la mort au travail
et, sans aller chercher la mort, le temps aussi,
tout près de moi, sur moi, j'en donne acte à mes deux yeux,
adjugé! Sur la douleur, on en aurait trop long à dire.
Mais quelque chose n'est pas entamé par ce couteau
ou se referme après son coup comme l'eau derrière la bargue."

Dans A la lumière d'hiver

 

 

*

 

(Et je viens de trouver sur le net une citation en pied de nez aux docteurs commentateurs de son oeuvre qui m'a bien fait rire et qui explique parfaitement bien (si cela était besoin) pourquoi mes études de Lettres se sont arrêtées au master (non parce que c'est vrai que, des fois, on se branle vraiment pour rien dans ces hautes sphères) :

"En souriant, il explique que certains commentateurs mettent dans ses poèmes ce qu’ils veulent y voir. Comme cette femme, qui expliquait dans sa thèse que le titre Blason en vert et blanc renvoyait à l’allemand «blasen», souffler. «Je lui ai dit: “Ma pauvre, si j’écris blason, je pense blason…”»"

aha)


*