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07/03/2018

La chambre de Lautréamont d'Edith et Corcal

La chambre de Lautréamont.jpg

Tu es poète et tu étouffes la poésie. 

Une pondeuse, Bretagne ! T'es plus qu'une vieille poule qui chie de l'intrigue à la demande pour faire jouir le bourgeois. tu t'embourgeoises toi-même. Ta pensée s'assèche. Tu bouffes du cliché et tu prends du bide. Regarde-toi...

Auguste Bretagne est un écrivaillon de feuilletons sanglants dans les années 1870. Il écume les revues avec son personnage de savant psychopathe, le professeur Maldamar, lorsqu'il n'écume pas les rues de Paris. A l'occasion, il assiste aux réunions du cercle zutiste avec Charles Cros, Arthur Rimbaud et sa maîtresse, l'androgyne Emily Parkinson. Le reste du temps, il laisse l'inspiration le gagner dans la solitude de sa chambre, véritable cabinet de curiosités un poil flippant dont le clou est d'avoir été le dernier toit d'Isidore Ducasse dit Comte de Lautréamont. 

D'ailleurs, un soir de beuverie où le peyotl s'est invité à la fête, Bretagne et Rimbaud entendent distinctement la voix d'outre-tombe du Comte. Le logeur l'entend aussi - alors qu'il est tout à fait sobre, pour le coup. A partir de là, on se demande si une porte ne s'est pas ouverte sur l'enfer ; si on n'est pas au bord de la folie ; et surtout, si certains petits plaisantins ne sont pas joliment en train de nous mener par le bout du museau. 

Crapahuter des kilomètres dans la nuit de son crâne, ça use... J'en ai de la bouillie de cervelle collée à mes semelles. 

Le grand bonheur de cette BD, outre l'histoire délicieusement bien ficelée qui nous balade dans un Paris fin de siècle brumeux, tout en ombre et en solitude créatrice, c'est la supercherie monumentale qui la porte. Rien n'est laissé au hasard pour nous faire croire qu'il s'agit bel et bien du premier roman graphique publié en 1874 et retrouvé fortuitement au fond d'un vieux carton en Australie. Tout à l'air vrai, excepté les détails dont on sourit à chaque ligne, évidemment. Je me suis autant délectée à lire le dossier fantasmabiographique sur Auguste Bretagne réalisé par un pseudo-professeur d'université que la BD elle-même !

Cela étant dit, ce fut aussi un bonheur non dissimulé de frayer avec un Rimbaud désinvolte et écorché à souhait (les deux citations ci-avant émanent de ce truculent personnage), d'imaginer ce qu'auraient pu être quelques scènes mythiques de création à quatre mains et de se représenter un temps dans lequel la plupart des innovations technologiques ont dû véritablement faire l'effet d'une bombe infernale. 

En somme, j'ai tout aimé ! En même temps, il me fallait bien ça pour me motiver à chroniquer une BD ; ça ne m'arrive plus si souvent ! Merci Edith, Merci Corcal !

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Je me suis retrouvé au matin, brumeux et ravagé comme après une effroyable tempête. 

En moi, s'accrochaient encore les bribes d'un rêve atroce. Mais j'ai vite réalisé que je n'avais pas dormi, pas eu de rêve. Je m'éveillais seulement, peu à peu, du texte. 

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05/03/2018

Rendez-vous poétique avec Saint-John Perse et Nicolas Genette

vents, saint john perse, poésie, rendez-vous poétique, nicolas genette, photographie, art, art contemporain, le fauteuil, erdeven, L'hiver a abattu ses dernières cartes la semaine dernière avec un regain de froid piquant. La vérité, c'est que le printemps gagne du terrain, doucement mais sûrement.
Pour accompagner sa marche, je goûte aussi doucement mais sûrement le recueil que voici de Saint-John Perse, Vents. Poète particulièrement exigeant - mais n'est-ce pas le cas de tous les poètes ? -, Prix Nobel de Littérature ô combien érudit et décoiffant, il y a chez lui quelque chose de Rimbaud ou de Whitman. Cet espèce d'élan, cette quête insatiable du nouveau et ce don de voyant qu'il exalte à chaque ligne de chaque texte en prose. 

Un extrait de l'un d'eux résonne particulièrement en moi en cette période. Plus tout à fait l'hiver ; déjà le printemps. Encore empêtré d'un passé puissant, nous sentons poindre déjà la vibration de la nouveauté, la renaissance qu'il nous appartient de faire advenir. Le poète est ce héraut qui porte l'appel à tous les hommes. Il fait chanter puissamment la cloche du réveil. Il nous éclaire : à nous de faire le reste. 

*

A quelles fêtes du Printemps vert nous faudra-t-il laver ce doigt souillé aux poudres des archives - dans cette pruine de vieillesse, dans tout ce fard de Reines mortes, de flamines - comme aux gisements des villes saintes de poterie blanche, mortes de trop de lune et d'attrition ?
Ha ! qu'on m'évente tout ce loess ! Ha ! qu'on m'évente tout ce leurre ! Sécheresse et supercherie d'autels... Les livres tristes, innombrables, sur leur tranche de craie pâle...

Et qu'est-ce encore, à mon doigt d'os, que tout ce talc d'usure et de sagesse, et tout cet attouchement des poudres du savoir ? comme aux fins de saison poussière et poudre de pollen, spores et sporules de lichen, un émiettement d'ailes de piérides, d'écailles aux volves des lactaires... toutes choses faveuses à la limite de l'infime, dépôts d'abîmes sur leurs fèces, limons et lies à bout d'avilissement - cendres et squames de l'esprit. 

Ha ! tout ce parfum tiède de lessive et de fomentation sous verre... , de terres blanches de sépulcre, de terres blanches à foulon et de terre de bruyère pour vieilles Serres Victoriennes..., toute cette fade exhalaison de soude et de falun, de pulpe blanche de coprah, et de sécherie d'algues sous leurs thalles au feutre gris des grands herbiers, 
Ha ! tout ce goût d'asile et de casbah, et cette pruine de vieillesse aux moulures de la pierre - sécheresse et supercherie d'autels, carie de grèves à corail, et l'infection soudaine, au loin, des grandes rames de calcaire aux trahisons de l'écliptique...
S'en aller ! s'en aller ! Parole de vivant !

*

 

 

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Le fauteuil, Nicolas Genette, 2015

 

Le rendez-vous poétique de Maryline

05/02/2018

Rendez-vous poétique avec Sylvia Plath et Bae Bien-U

Winter trees.jpgEn guise de nouveauté 2018, vous avons décidé, avec Maryline, de donner un peu plus de visibilité à la poésie sur nos blogs - et j'espère que cette initiative conjointe m'évitera de procrastiner à la tâche !
Pour commencer ces nouveaux rendez-vous poétiques en binôme, j'ai choisi un texte de saison (et pour cause : il neige à gros flocons et tout est blanc chez moi !) d'une poétesse que j'aime particulièrement depuis de nombreuses années. 

Chez Sylvia Plath, la tentation du néant est omniprésente ; elle semble graviter perpétuellement au bord d'un vide ontologique dépourvu de Dieu depuis la mort du père. Son écriture s'ingénie à rappeler à elle l'unité perdue, à raviver les souvenirs, fouetter la confiance et restitue surtout le va-et-vient incessant entre l'angoisse et l'exaltation qui conduit la poétesse à vivre toujours ballottée par sa marée intérieure. 

Arbres d'hiver, extrait du recueil éponyme, exprime exactement cette ambiguïté, cette contamination, même, du néant sur le vivant, avec une maîtrise magistrale, une retenue, une pudeur et un regard acéré. Jamais Sylvia Plath ne s'emballe ou ne déborde, jamais elle ne s'émerveille ou ne s'effondre dans son travail. L'écriture poétique est au contraire l'effort toujours renouvelé de la lucidité, de l'attention au monde, à défaut de parvenir à le recomposer ou à le recréer.
"Face à ce qui se dérobe, certains renoncent. Sylvia Plath s'obstine à regarder, nommer, inventorier."

Belle journée poétique !

 

Arbres d'hiver

Les lavis bleus de l'aube se diluent doucement. 
Posé sur son buvard de brume 
Chaque arbre est un dessin d'herbier — 
Mémoire accroissant cercle à cercle 
Une série d'alliances. 

Purs de clabaudage et d'avortements, 
Plus vrais que des femmes, 
Ils sont de semaison si simple ! 
Frôlant les souffles déliés 
Mais plongeant profond dans l'histoire — 

Et longés d'ailes, ouverts à l'au-delà. 
En cela pareils à Léda. 
Ô mère des feuillages, mère de la douceur 
Qui sont ces vierges de pitié ? 
Des ombres de ramiers usant leur berceuse inutile.

*

Winter trees

The wet dawn inks are doing their blue dissolve.
On their blotter of fog the trees
Seem a botanical drawing.
Memories growing, ring on ring,
A series of weddings.

Knowing neither abortions nor bitchery,
Truer than women,
They seed so effortlessly!
Tasting the winds, that are footless,
Waist-deep in history.

Full of wings, otherworldliness.
In this, they are Ledas.
O mother of leaves and sweetness
Who are these pietas?
The shadows of ringdoves chanting, but chasing nothing.

Bae Bien.jpg

Bae Bien-U

 

Le billet de Marilyne