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16/02/2012

Du suicide de Léon Tolstoï

[Les inscriptions pour le swap du printemps, c'est par ici. N'hésitez pas!]


Voilà, je vous avais prévenu : On est dans du macabre de haut vol avec le livre que j'ai demandé à Babelio pour les Masses Critiques. Avec un titre pareil, j'ai du être la seule à le demander d'ailleurs... Je sais, je sais, j'ai des goûts littéraires douteux. Bref. Heureusement que la célébrité de l'auteur me sauve un peu la mise, je peux toujours arguer que c'est pour parfaire ma culture le concernant que je me suis lancée là-dedans. Lalala...

 

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Du suicide de Léon Tolstoï, ed. de l'Herne, 2012, 65p.

 

Rédigé peu de temps avant sa mort en 1910, cet essai inachevé sera le dernier écrit de Tolstoï. Le point de départ en est le courrier qu'il reçoit abondamment - des confidences de lecteurs qui envisagent de se suicider - à partir duquel il organise une analyse pour tenter de comprendre l'extrêmité d'un tel acte. Et très rapidement, Tolstoï relie l'être à la société dans laquelle il évolue. Il ne saurait être question de restreindre le penchant suicidaire à un problème purement personnel, surtout lorsqu'il y en a des recrudescences alarmantes en un même temps et au sein d'une même société. L'environnement dans lequel évolue l'être l'influence, le conditionne, le formate, le met à mal. Et Tolstoï de donner alors libre court à son profond désaccord avec la politique de son pays, et avec l'Eglise, instrument de contrition et d'asservissement. Tolstoï prône, à travers ce réquisitoire acerbe, une spiritualité incarnée, vivante et intelligente et une société non-violente - un discours, me semble-t-il, résolument en avance sur son époque.

En bref, un petit essai tout à fait intéressant et original - loin d'être ce que à quoi je m'attendais. Peu d'évocation de la mort et du suicide à proprement parlé dans ces pages, bien plutôt une prise de distance, un portrait global d'une situation qui ne se restreint pas à la Russie du début de siècle.

 

 

 

suicide,folie,société,tolstoïUn grand merci aux éditions de l'Herne et à Babelio pour cet ouvrage reçu pour la première Masse Critique de l'année !

13/02/2012

La jeune fille suppliciée sur une étagère d'Akira Yoshimura

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La jeune fille suppliciée sur une étagère suivi de Le sourire des pierres d'Akira Yoshimura, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, Actes Sud, 2003 / Babel, 2006, 142p.

 

 

Dans La jeune fille suppliciée sur une étagère, une adolescente de 16 ans tout juste décédée découvre que sa conscience du monde, sa vue et son ouïe lui ouvrent toujours la porte des vivants. Elle observe ainsi sa mère donner son corps à la science en échange d'un "don de l'hôpital" (quel doux euphémisme) puis va subir l'expérience terrifiante de son corps dépecé, vidé, décomposé par divers médecins et observé comme un vulgaire objet par une tripotée d'internes.

Dans Le sourire des pierres, Eichi retrouve par hasard son ancien camarade Sone avec qui il avait fait jadis une découverte macabre dans le cimetière du quartier. Personnage mystérieux à la fois maladif et charismatique, il propose à Eichi de partir en quête de statuettes à revendre puis de louer la chambre vacante qu'il a à disposition. Peu à peu, Eichi se sent du plus en plus mal à l'aise au contact de cet étrange personnage, d'autant plus lorsqu'il découvre que sa présence semble semer la mort sur son passage...

Sans le vouloir vraiment, mes récentes lectures courtes sont décidément orientées sur des sujets peu réjouissants ! (et encore, vous n'avez pas vu le livre que Babelio m'envoie pour les Masses Critiques aha - celui-là tiendra le haut du panier macabre, je crois)
Néanmoins, cela n'empêche pas d'apprécier les deux courts récits que voilà. Pourtant habituellement peu portée sur la littérature asiatique (lorsqu'elle n'est pas poétique), j'ai découvert ici un univers des plus étrange où le lecteur reste tendu au fil de la narration, comme en équilibre, dans l'attente d'une chute dont il ne sait s'il doit l'espérer ou la redouter. La mort est traitée à travers des histoires particulièrement originales et avec une blancheur de ton dont la limpidité offre des nouvelles à mi-chemin entre l'expérience chirurgicale et le conte mystérieux.

 

 

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Incipit :

 

"A partir du moment où la respiration s'est arrêtée, j'ai soudain été enveloppée d'air pur, comme si la brume épaisse qui flottait alentour venait de se dissiper pour un temps.
Je me sentais aussi fraîche que si l'on m'avait baigné le corps tot entier dans une eau limpide et pure.
Je m'apercevais que mes sens étaient tellement affûtés que c'en était étrange.
A travers la fenêtre brillaient des toiles d'araignées couvertes de gouttelettes, tendues comme des hamacs entre l'auvent de la maison et celui de l'autre maison derrière, et qui m'éblouissaient."

 

 

 

ChallengeDragonFeu.jpgChallenge Dragon 2012

2/5 pour les livres

02/02/2012

Narayama de Shichirô Fukazawa

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Narayama de Shichirô Fukazawa, traduit du japonais par Bernard Franck, Gallimard, 1956 / Folio, 152p.

 

 

Cette nouvelle s'apparente aux contes initiatiques que l'on découvre aux coins du feu de la bouche des aînés. La langue est simple, le déroulement implacable et l'univers semble immuable. Les pages se tournent avec la régularité des choses nécessaires et l'on suit ce petit récit de pas grand chose nous délivrer bien des enseignements. D'où que viennent ces récits et quelle que soit l'emprunte culturelle qu'ils véhiculent, ils semblent tous être puisés à la même source : celle de l'humanité.

Dans les tréfonds de la montagne japonaise, en un temps qui ne se dit pas et qui pourrait bien être toujours, survit une société rudimentaire dont les règles s'articulent autour de leur principale angoisse, la faim. Là-bas, même le riz est luxe. C'est donc à travers le spectre de la faim que tout s'ordonne. C'est pour ne pas être traitée de goulue insatiable qu'O Rin, matriarche d'une des familles du village, tente inlassablement de se casser les dents. C'est pour avoir volé de la nourriture que des envies de meurtres s'érigent contre la famille de la maison qu'y pleut. Et c'est au nom de la nourriture que les anciens, lorsqu'ils entrent dans leur soixante-dixième année, effectue un pélerinage à la montagne de Narayama. Développé innocemment tout au long du récit comme un aboutissement spirituel, il s'agit, en fait, d'un suicide consenti puisqu'aucun ancien n'en revient jamais. Assis sur une modeste natte en méditation, ils attendent de rencontrer le dieu de la montagne - ils attendent la mort. Est alors considérée comme une chance l'apparition de la neige qui leur évitera une trop longue agonie dans la faim et la soif. C'est donc au nom de la faim que toute une société envoie avec le plus grand naturel les anciens devenus "inutiles" se sacrifier.

Il y a quelque chose de scandaleux dans cette progression inéluctable vers une mort imposée. On y verra, bien sûr une critique sociétale virulente sous les abords trompeurs de l'écriture blanche. Néanmoins, il me semble que ce texte peut aussi questionner notre animalité - on rencontre chez d'autres espèces cette mise à l'écart macabre des vieux membres d'un troupeau ou d'une meute pour continuer d'avancer.
On notera aussi l'emprunte bouddhiste, suggérée par le traducteur en préface et qui éclaire effectivement le contexte spirituel dans lequel s'inscrit ce récit et donc, sa manière de le lire. Car, n'oublions pas, il est question du karma et des réincarnations dans le bouddhisme. De fait, les deux morts à la fin du récit évoquent ce point : O Rin, matriarche pleine d'abnégation, meurt entourée de neige immaculée, tandis que le vieux Mata-San connu pour son avarice, est jeté dans la vallée au dessus de laquelle s'élève une bruyante nuée de corbeaux.
Comme si les lignes semblaient dire à demi-mot qu'au-delà des défisciences sociétales des hommes, la roue éternelle de la vie ne cesse de tourner.

 

 

Merci à Charline pour ce petit bijou qu'elle avait glissé dans mon colis de swap hivernal.

 

 

japon,pélerinage,chanson,narayama,mort,faim,nourriture,loi,sacrifice,suicide,familleChallenge Dragon 2012

1/5 pour les livres

 

 

 

 

 

 

 


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