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12/11/2018

Les mystères de Larispem, tome 1 - Le sang jamais n'oublie de Lucie Pierrat-Pajot

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Dans la vraie vie, la Commune de 1871, qui opposa les parisiens au gouvernement de la IIIème République réfugié à Versailles pour l'occasion, s'est soldée par une sanglante répression et plusieurs milliers de morts. Dans l'imagination de Lucie Pierrat-Pajot, les parisiens gagnèrent leur indépendance et la capitale française devint la nouvelle cité-état de Larispem. Au programme, plus de despotisme, quel qu'il soit. A la tête de Larispem se tient un triumvirat d'un nouveau genre ; les hommes et les femmes sont égaux ; toute notion de noblesse ou de richesses est également (presque) évincée. Les demeures et possessions des nobles, de même que la Religion, ont été mis à mal, pillés puis éradiqués. Notre-Dame est devenue une gare. Le Sacré Coeur n'a jamais été construit et, à la place, se tient la tour Verne. Au sein du microcosme de Larispem, les inventions du célèbre écrivain prennent vie, sur ordre du gouvernement, et l'on croise donc, par exemple, des voxomatons bavards aux coins des rues.  

Pour les réparer, il faut de sacrés techniciens. C'est là que Liberté, jeune fille fort habile de ses dix doigts, entre en jeu. Et lorsqu'elle ne travaille pas, elle fraye dans les riches maisons abandonnées avec Carmine, apprentie bouchère - ou louchébem si l'on respecte le patois de la profession, au caractère bien trempé et aventureuse comme pas deux. En parallèle du quotidien de ces deux héroïnes, l'auteure nous donne à lire celui de Nathanaël, un orphelin de presque quinze ans, sans véritable ambition mais avec la frousse furieuse d'avoir assassiné son professeur de maths sans faire exprès.

Tu vois, Nathanaël, ce que je hais le plus chez les Larispemois, c'est cette façon de faire comme si Larispem était une cité entièrement neuve, née de leurs rêveries d'anarchistes. Voilà presque trente ans qu'ils changent le nom des rues, transforment les églises en club de discussion, en gares et en entrepôts. Pourquoi ? Pour que l'on oublie que Larispem n'est rien d'autre que Paris caché sous d'autres noms.

Depuis le temps que ce premier tome m'aguichait au CDI, il était temps que je m'y colle. Rien de tel pour cela qu'un petit coup de mou automnal - il faut bien que ça serve à l'occasion. 
Concrètement, ce tome est une longue mise en place, pas désagréable pour deux sous mais mieux vaut être prévenu au risque d'être un poil déçu. Je l'étais pour ma part ; je ne me suis donc pas étonnée de voir l'intrigue se lever seulement dans les cinquante dernières pages. A la décharge de l'auteure, l'univers rétro-futuriste de Larispem est tellement riche qu'il mérite bien un premier petit tome (seulement deux cent cinquante pages) pour s'installer tranquillement sans avoir l'air faussement plaqué à la va-vite. Cela permet, en outre, de découvrir nos trois protagonistes, chacun avec une personnalité intelligente qui laisse présager quelque belle évolution par la suite. 

Le vrai défi, à présent, à mon sens, c'est de faire en sorte que le deuxième tome soit à la hauteur des cailloux semés durant ce premier opus. Clairement, c'est un peu le danger d'avoir ainsi différé sur un livre entier la vraie mise en route de l'action : maintenant, on l'attend comme le Messie. Je dois avouer qu'à cet égard, certains cailloux sus-mentionnés à la toute fin de ce roman me laissent un peu dubitative - je n'en dis pas plus pour l'instant, j'attends de me plonger dans le tome 2 que j'ai aussi, déjà, raflé au CDI. Wait and see !
Un dernier mot avant de conclure, cependant. Décidément, Gallimard se déchire pour les couvertures des lauréats du concours du premier roman jeunesse. C'est un vrai régal !

Songez à quel point il est plus facile de détruire que de construire, plus simple de se débarrasser d'autrui que d'apprendre à vivre avec.

07/07/2018

Le Paris des Merveilles 1 - Les enchantements d'Ambremer de Pierre Pevel

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Il y a aussi un Paris plus enchanteur où les gargouilles s'animent, où les chats parlent et volent et où fées et magiciens évoluent de concert avec le commun des mortels. Avec un brin de concentration, on pourrait même apercevoir au loin, du côté de Saint Germain, la pointe du palais de la Reine des Fées sis à Ambremer, capitale de l'OutreMonde. 

Lorsque le train franchit la frontière entre les mondes, rien ne se produisit si ce n'est que l'éclat des globes lumineux passa du bleu au jaune. Griffont ressentit un léger picotement dans la nuque. Ils venaient d'entrer dans l'OutreMonde ; ils ne tarderaient pas à arriver à Ambremer, la capitale des fées. Sur Terre, celle-ci semblait se dresser au coeur de la forêt de Saint-Germain. Mais il ne s'agissait que de son reflet trompeur. On pouvait ainsi marcher vers elle pendant des heures, sans jamais l'atteindre si la perdre de vue - imaginer un tableau figurant une tour à l'arrière-plan : colleriez-vous votre nez sur la toile, que la tour serait toujours aussi loin dans son paysage. Il en allait de même d'Ambremer, distante malgré les apparences et inaccessible à qui ne changeait pas du monde. 

Dans ce contexte où une formule magique bien envoyée peut renverser n'importe quelle situation, Louis Denizart Hippolyte Griffont, mage du Cercle Cyan, consulte pour les cas difficiles. Tout le monde, après tout, n'est pas à même de gérer avec la magie. Voici donc un certain M. Carrard, très embêté par une affaire de tricherie aux jeux au sein de son établissement privé. Un cas simple, a priori, qui aurait dû permettre à Griffont de retourner vaquer à ses occupations favorites : bricoler son projet de motocyclette révolutionnaire (et écolo), discuter avec les arbres, creuser l'histoire de la magie avec son compère Falissière. Mais évidemment, tout se complexifie rapidement : le jeu mène à un trafic d'objets magiques puis à une série de meurtres suspects que Griffont va tenter de résoudre avec l'inspecteur Farroux. L'affaire occasionne aussi des retrouvailles mi-figue mi-raisin avec une enchanteresse irrésistible, la baronne de Saint-Gil, qu'il n'est pas sans bien connaître. 

Mais il fallait compter avec la frilosité craintive et parfois hostile que le vulgus pecum manifestait à l'égard des mages. Car si M. Tout-Le-Monde considérait d'un œil désormais presque indifférent les peuples et créatures de l'OutreMonde, il persistait à froncer le sourcil sur ces magiciens qui étaient un peu plus que des êtres humains sans être tout à fait autre chose. De sorte qu'un cercle vicieux bien connu, source de tous les racismes, avait survécu aux siècles. On évitait les mages parce qu'on les redoutait ; on les connaissait mal puisqu'on ne les fréquentait guère ; et de l'ignorance naissait  la crainte et les plus folles rumeurs. 

Il y a des périodes, comme ça, où on a envie de s'évader, un point c'est tout. Se dire qu'à défaut de Tardis sous la main, on va se saisir du premier roman de fantasy venu mâtiné de polar et profiter de quelques heures de lecture bien dépaysantes. Voilà très exactement le contrat que ce premier tome du Paris des Merveilles a rempli avec moi.
Rien ne casse trois pattes à un canard, surtout pas l'espèce de machination censée être à l'origine de toute l'affaire et encore moins l'être qui l'a fomentée. On se vautre copieusement dans le cliché facile, c'en est presque un peu dommage. Cependant, je dois bien reconnaître que l'univers imaginé par Pierre Pevel, ce mélange de Paris début de siècle, raffiné, subtil, élégant et créatif, et l'univers de la magie a joliment fait résonner en l'adulte que je suis quelques fantasmes enfantins secrets. Que ne donnerais-je, d'ailleurs, pour avoir comme sixième compagnon félin l'une de ces créatures ailées capables de se saisir de toute la connaissance des livres en dormant dessus ! C'est tout bonnement le meilleur pouvoir magique du monde ! 

Tout cela rend la progression de l'enquête fort distrayante, si l'on ne cherche pas midi à quatorze heures. Le roman a bien fait son boulot avec moi : je m'y suis fait prendre, je l'ai dévoré avec quelques cookies et une tasse de thé. J'ai vécu ma petite régression intellectuelle de vacances en toute quiétude. C'était bien. 
Si vous avez le plaisir de lire ce premier tome de la trilogie en édition en courante, en plus, vous serez vernis : la couverture est magnifique. A tel point que je me suis tâtée pour l'acheter, alors même que je possède déjà l'édition poche, juste pour le plaisir de la reluquer de temps en temps. Et puis j'ai fini par mettre en branle deux/trois neurones et réaliser l'absurdité de la chose. Je me contenterai donc des poches, qui ne sont pas si mal non plus et je me les garderai bien au chaud pour reprendre une bonne gorgée de détente livresque quand le besoin s'en fera sentir.

La mémoire est un ciment solide. Si solide et durable que la nostalgie survit parfois longtemps à l'amitié.