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31/12/2016

Au revoir à l'une, salut à l'autre*

Quelque chose la hèle, la halète. 
Elle est cette danseuse qui s'élance et déploie les bras, prend ses aises, à deux doigts de flamboyer, perd les bras et devient flamboiement, 
Elle part de là, le corps en insurrection.

Charline Lambert

Coquelicot soleil.jpgTiens, 2016

Nous y voilà : une année de plus. Autant 2015 fut très romanesque, autant 2016 fut éclectique - ce qui n'est pas pour me déplaire. Comme je l'avais souhaité en fin d'année dernière (les bonnes résolutions sont littéraires ou ne sont pas), j'ai renoué plus régulièrement avec ce genre passionnant qu'est la poésie ; j'ai également chroniqué un peu plus mes lectures graphiques - mais j'en lis moins qu'avant, indéniablement : la faute à de plus rares visites à la bibliothèque. Et puis, une grosse nouveauté est à noter : Un goût de plus en plus prononcé pour la littérature ado. L'animation du club lecture au collège n'y est sans doute pas pour rien. Je découvre avec plaisir une littérature que j'ai souvent boudée, pour des raisons plus ou moins bonnes et surtout par envie de lire tout autre chose - chaque chose en son temps, disait ma grand-mère. Le temps est enfin venu et c'est plutôt réjouissant de découvrir que les années littéraires se suivent et ne se ressemblent pas. 

En vrac, je garderai de cette année six romans très différents, tous très puissants. 

Trois textes de guerre et trois textes de femmes
qui témoignent de temps où l'étau se resserre et remet en cause la question même d'humanité : 
Valentine Goby nous emmène au Kinderzimmer suivre Mila dans les camps de concentration traîner son désespoir mêlé d'envie de vivre : un texte violent, tellement vibrant, sensible et subtil.
Julie Otsuka raconte l'exil des japonaises vers la terre promise d'Amérique au début du XXème siècle. Certaines n'avaient jamais vu la mer scande la voie de femmes oubliées avec une justesse étonnante et originale. 
Yoko Ogawa joue avec l'uchronie dans Cristallisation secrète  et présente le monde terrifiant d'une dictature tout en douceur. Une écriture blanche au service d'un avenir qui s'assombrit lentement mais sûrement - avant de disparaître. 

 

Bilan 2016 1.jpg

Et puis trois textes aux relations complexes et foisonnantes - rien à voir dans le style, dans l'époque, dans la langue d'écriture mais ces trois romans ont un commun intérêt pour les liens qui se tissent entre les êtres au cours d'une vie pleine de rebondissements, d'attachements et de déchirements. 
L'immense et indépassable Gabriel Garcia Marquez raconte avec son réalisme si merveilleux la destinée de six générations de Buendia dans 100 ans de solitude. C'est indescriptible, c'est follement riche et ça n'a pas volé son prix Nobel. 
Le tout aussi immense et tout aussi nobélisé Hermann Hesse (il n'y a pas de secret quand même) développe une amitié philosophique tortueuse et sanguine entre Demian et Emile Sinclair qui donne furieusement envie de relire Nietzsche. 
Et entre ces deux monstres sacrés, Elena Ferrante nous prend par la main, et l'on voyage dans le Naples des années 50 avec Lila, L'amie prodigieuse, et Lenù. (Vivement le tome 2 en poche, au passage, rien que pour le plaisir). 

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Dans la rubrique de cette littérature ado pour laquelle je deviens de plus en plus friande, je note particulièrement la lecture - enfin ! - de deux séries bien connues de tout le monde depuis l'an 1000 avec Jésus-Christ (je suis large) : La saga Harry Potter qu'on ne présente plus (zéro petit résumé pour la peine, faut pas pousser mémé), que j'ai beaucoup appréciée évidemment, avec une mention spéciale pour le tome 6, - Harry Potter et le prince de sang mêlé ,  qui m'a particulièrement touchée et enthousiasmée ; et la saga Enola Holmes  dont je n'ai chroniqué que le premier tome pour l'heure mais les autres suivants prochainement. 

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Je termine avec un vrac, mélange de poésie, nouvelles et autobiographie, qui rassemble étonnamment trois auteures (encore des femmes, dis donc !) et quatre textes qui me tiennent particulièrement à coeur. Last but not least, comme on dit ! 
Une année littéraire ne serait pas totalement passionnante s'il n'y avait pas de vrais morceaux de Virginia Woolf dedans (Woolf un jour, Woolf toujours !). Ce sont les nouvelles de La fascination de l'étang que j'ai donc découvertes en juin dernier et, sans surprise, ce fut l'éblouissement à chaque page. Mon Dieu, mais quel génie !
Il était temps, d'ailleurs, que je me frotte à d'autres génies, et j'ai donc vaillamment empoigné à l'automne les Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir, et quelle rencontre ! Une nouvelle étoile brille dans mon panthéon d'étoiles littéraires féminines. 
Et, re-last but not least, dans une version étoilée un peu plus jeune et surtout un peu plus vivante, 2016 aura été marqué par la poésie tellurique, respirante et iodée de Charline Lambert et de ses deux recueils, Chanvre et lierre et Sous dialyses

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Mes souvenirs ne sont jamais détruits définitivement comme s’ils avaient été déracinés. Même s’ils ont l’air d’avoir disparu, il en reste des réminiscences quelque part. Comme des petites graines. Si la pluie vient à tomber dessus, elles germent à nouveau. Et en plus, même si les souvenirs ne sont plus là, il arrive que le cœur en garde quelque chose. Un tremblement, une larme.

Yoko Ogawa

 

 

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Pour l'année à venir, je n'ai pas d'envie(s) particulière(s) pour une fois. Je n'ai pas tellement envie de "plus" ou "d'autres choses" : continuer, poursuivre et découvrir me semblent déjà un beau programme. Je me dis que lorsqu'on arrive à 5 ans et demi de blog, c'est d'ailleurs déjà pas si mal. Entretenir la flamme est en soi un travail - et surtout un plaisir de chaque instant.

Je vous souhaite à tous une merveilleuse année 2017 !
Qu'elle vous soit pleine de passion et de bons mots, et que le goût de cheminer sur un fil invisible soit perpétuellement renouvelé. 

 

Je veux la vie, toute la vie. Je me sens curieuse, avide de brûler plus ardemment que toute autre, fût-ce à n'importe quelle flamme.

Simone de Beauvoir

 

Source image 1 
Source image 2

29/12/2016

Les livres de Noël

Un Noël sans livres, c'est un peu comme un repas sans fromage ou Pâques sans chocolat : c'est quand même moins savoureux... (Je vous rassure, je ne suis pas qu'un rat de bibliothèque ; un parfum de derrière les fagots ou la Blue Box de l'intégrale des Doctor Who m'ont aussi ravie cette année. Aaaaahhhh l'intégrale des Doctor Whooooooo ♥♥♥). Mais puisque j'ai un entourage merveilleux, je suis souvent rassasiée de littérature, pour mon plus grand plaisir. Et cette année, j'ai eu droit à un échantillon follement éclectique, dépaysant, pour tous les âges et tous les genres. 

Livres Noël.jpg

Tout a commencé par des colis amicaux : Celui d'Alys avec Au matin suspendu de d'Alexis Bernaut - une vraie surprise ! - et celui de Charline avec Liminaire l'ombre de Harry Szpilmann et Inévitables bifurcations de Lambert Schlechter. Trois textes poétiques très différents à première vue ; tantôt lumineux, chantants, méthodiques, acérés, énigmatiques, pointus ou envolés. Trois textes que je découvrirai au gré de l'année pour nourrir mon goût d'une poésie vivante et chatouilleuse en 2017 (et continuer à faire pousser quelques rendez-vous poétiques) ! 

Puis les festivités familiales arrivent et c'est la fête du livre sous le sapin (pour tout le monde d'ailleurs : c'était un peu la thématique de l'année !). Après la poésie, c'est essentiellement le roman qui prend ses quartiers cette fois, pour un voyage dans le temps chez Lady Susan, Enola Holmes et Le Fantôme et Mrs Muir ou dans l'espace du Japon aux USA grâce à La Ballade de l'impossible de Murakami ou le premier roman de Julie Otsuka. Et si toutes ces contrées spatio-temporelles finissent pas être trop exotiques, je me plongerai dans la lettre d'André Gorz à sa chère épouse au seuil de leurs vies. Un voyage plus doux et plus intime en pays amoureux et philosophique. 

Les aventures promettent, en terres merveilleuses de littérature. 2017 peut venir : je suis parée au décollage ! 

11:44 Publié dans Divers, Swap | Lien permanent | Commentaires (10)

21/12/2016

Le sentier des reines d'Anthony Pastor

Le sentier des reines.jpg
Le sentier des reines d'Anthony Pastor, Casterman, 2015, 120p.

 

Le sentier des reines 1.jpgLa montagne n'épargne décidément rien, et surtout pas l'imprudence de ces colporteurs revenus saufs de la Première Guerre Mondiale. Ils ont peut-être échappé aux obus mais l'avalanche fera son œuvre sans distinction. C'est ainsi qu'en 1920 dans un village reculé de Savoie, Blanca et Pauline se retrouvent veuves et Florentin orphelin. Ils n'ont plus rien qu'un mulet et quelques marchandises de couture puisque tout doit revenir au cousin de la famille. Alors, Blanca décide pour tous trois de partir sans se retourner. Vendre boutons, dentelles et étoffes dans les villages en direction de la vallée et chercher ailleurs une nouvelle liberté, sans trop savoir où, au gré des tempêtes et d'un obscur poilu qui les suit comme une ombre malveillante.

Ce road-movie original, intelligemment documenté et sensible retrace le parcours d'un trio improbable, mené tambour battant par une Blanca coriace et déterminée. La montagne et la guerre pourraient être les autres personnages impressionnants de ce récit, tant elles habitent et enserrent les protagonistes dans les premières parties du voyage : la neige se déchaîne et le froid parvient même à glacer le lecteur. Le dessin d'Anthony Pastor rend avec une grande beauté ces territoires hostiles et la ténacité sans faille de celles qui veulent gagner une nouvelle liberté : celle de vivre, d'être, sans le regard jugeant et normatif de la société.

On sent poindre d'ailleurs la question de l'émancipation féminine à travers certaines réflexions sur la profession qui sied ou non aux femmes et les livres que Blanca récupère d'une future institutrice. Le droit de vote existe déjà pour les femmes depuis 1918 en Angleterre et en Allemagne, et depuis plus longtemps en Nouvelle-Zélande. C'est bien pour cela que cette terre est, à la fin du livre, la destination de ces héroïnes franches, droites, indéfectibles.

En attendant les dernières pages, leur parcours sera semé d'embûches, de dangers, d'affaires de vol et de mauvais souvenirs mais aussi de rencontres heureuses, de cette solidarité brute qui ouvre la grange et prête quelques braises en hiver et de retrouvailles familiales. Il semble que nos personnages soient invités à se délester de tout, du bon comme du moins bon, avant la grande épopée vers un nouveau monde.
Le sentier des reines est une réussite graphique et narrative qui embarque dans le recoin méconnu des petits villages savoyards au début du XXème siècle et dans la vie de femmes fortes en quête de liberté.

Le sentier des reines 3.jpg