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22/01/2012

Dimanche graphique

 

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La théorie de la contorsion de Margaux Motin, Marabulles, 2010

 

Voilà, j'avoue tout : je suis fan de Margaux Motin. C'est pas tellement une découverte, je suis son blog depuis pas mal de temps et j'avais déjà lu avec délectation J'aurais adoré être ethnologue. Là, sans surprise, je me suis remise à glousser comme un jeune dindon à chaque page. Décidément, elle a l'art de croquer juste les petits trucs de la vie quotidienne et finalement, il y a de quoi se rendre compte qu'on est toutes pareilles. Le must, en prime, c'est son humour pipi caca prout à la limite du vulgaire (seulement à la limite hein) que j'adoooore. Ben oui, la fille est aussi un être humain comme les autres!

Bref, c'est un régal !

http://margauxmotin.typepad.fr/

 

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margaux motin

Dieu n'a pas réponse à tout (mais Il est bien entouré) de Benacquista (au scénario) et Barral (au dessin), Dargaud, 2007

Prix Uderzo 2007 du meilleur album de BD

 

Dieu doit gérer la planète et Dieu sait que ce n'est pas chose aisée, entre les dépressifs, les talentueux contrariés ou les timides qui ne parviennent pas à s'imposer. Heureusement pour lui, il a dans son paradis tout un tas de personnalités des temps passés pour l'épauler dans cette tâche.

Aussi, nous suivons six historiettes de quelques pages répondant au même schéma narratif : la présentation du malheureux en détresse, l'appel de Dieu à un de ses défunts hôtes pour descendre sur Terre et lui faire redresser la barre, le redressement de barre et l'offre de Dieu de répondre à une requête du défunt en l'échange de sa réussite.

Un album somme toute classique mais surtout drôle et enlevé. Les historiettes donnent du rythme et de la cohérence. En outre, le lecteur se prend au jeu et tente de deviner, à l'image de Dieu, quel illustre personnage il pourrait envoyer sur Terre en fonction de la situation et les choix sont souvent audacieux (Al Capone pour aider une bande de flics, il fallait y penser!). On aurait tort de se priver de cette occasion de se mettre à la place de Dieu. 

 

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19/01/2012

La terre d'Emile Zola

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La terre de Zola, 1887, 500p.


Quinzième tome des Rougon-Macquart, La Terre s'attaque à l'univers paysan avec une âpreté qui n'a d'égal que ce sol hiératique.
Sur une période de dix ans, il s'articule autour de la famille des Fouan - parents, oncles et tantes, enfants puis petits-enfants - dont il brosse la descente aux enfers avec toute une cohorte de personnages-satellites mesquins, ignards et ivrognes sous le ciel de Rognes. C'est Jean Macquart, fils d'Antoine Macquart, qui représente ici l'illustre famille zolienne. Il apparaissait déjà dans La Fortune des Rougon où il était apprenti menuisier. Tiré au sort par la suite pour participer aux batailles de son siècle dont il sort physiquement indemne, c'est en Beauce, comme ouvrier agricole, qu'il aspire à couler des jours paisibles après les horreurs de la guerre. C'est ainsi qu'on le croise, semant son blé aux premières lignes du roman.

Le coeur de toute cette affaire, le véritable héros muet du roman, c'est la terre. Erigée en dieu inflexible, ce n'est pas tant ce qu'elle produit ou le travail qu'elle réclame qui aiguise les tempéraments mais bien sa possession. Avec une fureur bestiale, il s'agit d'avoir à tous prix car c'est l'avoir qui définira l'être, c'est ainsi qu'il pourra enfoncer ses racines et s'élever aux détriments des autres. Rien n'est épargné de la déchéance physique et morale de cette espèce avide, ni l'alcool, ni l'impudeur des relations, pas même le meurtre.

La terre comme dieu et les hommes comme bêtes, ainsi pourrait se croquer cet ouvrage. L'auteur continue d'explorer sans concession les aspects les plus sombres de l'homme, sans qu'aucune lueur d'espoir n'éclaire l'horizon, avec l'emprunte du siècle toujours en filigrane - notamment la révolution industrielle qui oppose les intérêts des ouvriers à ceux des paysans.
C'est là l'oeuvre riche et noire d'un bas peuple qui se débat et se grignote sans sa propre fange et que le lecteur ne pourra que lire comme on reçoit une claque magistrale.


*

Extraits :


"Alors, en quelques mots lents et pénibles, il résuma inconsciemment toute cette histoire : la terre si longtemps cultivée pour le seigneur, sous le bâton et dans la nudité de l'esclave, qui n'a rien à lui, pas même sa peau ; la terre, fécondée de son effort, passionnément aimée et désirée pendant cette intimité chaude de chaque heure, comme la femme d'un autre que l'on soigne, que l'on étreint et que l'on ne peut posséder ; la terre, après des siècles de ce tourment de concupiscence, obtenue enfin, conquise, devenue sa chose, sa jouissance, l'unique source de sa vie. Et ce désir séculaire, cette possession sans cesse reculée, expliquait son amour pour son champ, sa passion de la terre, du plus de terre possible, de la motte grasse, qu'on touche, qu'on pèse au creux de la main. Combien pourtant elle était indifférente et ingrate, la terre ! On avait beau l'adorern elle ne s'échauffait pas, ne produisait pas un grain de plus. De trop fortes pluies pourissaient les semences, des coups de grêle hachaient le blé en herbe, un vent de foudre versait les tiges, deux mois de sécheresse maigrissaient les épides ; et c'était encore les insectes qui rongent, les froids qui tuent, des maladies sur le bétail, des  lèpres de mauvaises plantes mangeaient le sol : tout devenait une cause de ruine, la lutte restait quotidienne, au hasard de l'ignorance, en continuelle alerte. Certes, lui ne s'était pas épargné, tapant des deux poings, furieux de voir que le travail ne suffisait pas. Il y avait desséché les muscles de son corps, il s'était donné tout entier à la terre, qui, après l'avoir à peine nourri, le laissait misérable, inassouvi, honteux d'impuissance sénile, et passait aux bras d'un autre mâle, sans pitié même pour ses pauvres os, q'elle attendait."

 

"- Ah! Tout fout le camp! cria-t-il avec brutalité. Oui, nos fils verront ça, la faillite de la terre...Savez-vous bien que nos paysans, qui jadis amassaient sou à sou l'achat d'un lopin, convoité des années, achètent aujourd'hi des valeurs financières, de l'espagnil, du portugais, même du mexicain! Et ils ne risqueraient pas cent francs pour amender un hectare! Ils n'ont plus confiance. Les pères tournent dans leur routine comme des bêtes fourbues, les filles et les garçons n'ont que le rêve de lâcher les vaches, de se débarasser du labour pour filer à la ville... Mais le pis est que l'instruction, vous savez! la fameuse instruction qui devait sauver tout, active cette émigration, cette dépopulation des campagnes, en donnant aux enfants une vanité sotte et le goût du faux bien-être..."

 

"Tous deux, le cultivateur et l'usinier, le protectionniste et le libre-échangiste, se dévisagèrent, l'un avec le ricanement de sa bonhommie sournoise, l'autre la hardiesse franche de son hostilité. C'était l'état de guerre moderne, la bataille économique actuelle, sr le terrain de la lutte pour la vie."





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13/20







terre,paysan,alcool,déchéance,meurtre,industrialisation,rougon-macquart,famille,argent,possessionChallenge "un classique par mois"

Janvier 2012

16/01/2012

Beauté, Morale et Volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde

 

 (un petit aparté non littéraire, ça a du bon aussi)

 

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L'Aesthetic Movement est, en quelque sorte et très grossièrement (mais je ne suis pas historienne de l'art donc je me permets quelques grossièretés) le pendant anglais du mouvement parnassien français : se désolidariser des contraintes morales, d'éventuelles visées didactiques ou politiques et des sujets imposés depuis la nuit des temps pour considérer "l'art pour l'art" - qui n'aurait pas à être utile ou vertueux mais uniquement beau et sensuel.

C'est ce mouvement de l'époque d'Oscar Wilde que se proposait d'explorer le musée d'Orsay dans une exposition ouverte jusqu'à hier (et je m'y suis incrustée dans les derniers instants, ouf!) à travers plusieurs arts. Celui de la littérature, avec des aphorismes impertinents de l'auteur pré-cité au gré des murs, puis à travers la peinture, la photographie, les arts décoratifs et la mode. Le tout dans une ambiance feutrée toute en violet et vert qui donne juste envie de refaire son salon (ceci était le détail hautement nécessaire à cette chronique)

J'émettrais tout d'abord un petit bémol: pour traiter un sujet aussi vaste et fourmillant, l'exposition apparaît forcément un peu superficielle. Dans une volonté justifiée d'exposer plusieurs arts afin de montrer l'étendue du mouvement qui n'était pas seulement posture créatrice mais art de vivre, j'ai été quelque peu déçue de la brièveté de l'exposition ou plus justement du choix des pièces. Ne pas y découvrir les pièces les plus connues de Millais ou Waterhouse (une seule peinture de ce dernier était présente à l'exposition - celle de l'affiche) m'a attristée! En toute honnêteté j'y allais principalement pour ces deux peintres, c'était donc raté!

Mais enfin, il fallait bien faire des choix ! Et l'exposition, malgré tout, était enchanteresse, et dégageait une atmosphère cohérente et hors du temps, entre un passé fantasmé, une beauté sensuelle enfumée et une pointe de pessimisme sous les grands apprêts du dandy.

En somme, il n'y avait pas meilleure manière de commencer un samedi - et se poser ensuite dans un jardin des tuileries ensoleillé et quasi désert pour papoter entre amies et faire la provinciale clichée, ça n'a pas de prix.

 

(Plus concrètement, je vous invite à lire ce passionnant article concernant l'expo sur le site de Maglm)

 

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Sainte Cécile de Waterhouse

 

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Pavonia de Leighton

 

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Motif plume de paen d'Arthur Silver

 

 

"Une oisiveté éprise de culture me semble être l’idéal de vie le plus élevé"

Oscar Wilde