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21/01/2013

L'Appel de la forêt de Jack London

 

"Buck ne lisait pas les journaux et était loin de savoir ce qui se tramait vers la fin de 1897, non seulement contre lui, mais contre tous ses congénères. En effet, dans toute la région qui s'étend du détroit de Puget à la baie de San Diego on traquait les grands chiens à longs poils, aussi habiles à se tirer d'affaire dans l'eau que sur la terre ferme... Les hommes, en creusant la terre obscure, y avaient trouvé un métal jaune, enfoncé dans le sol glacé des régions arctiques, et les compagnies de transport ayant répandu la nouvelle à grand renfort de réclame, les gens se ruaient en foule vers le nord. Et il leur fallait des chiens, de ces grands chiens robustes aux muscles forts pour travailler, et à l'épaisse fourrure pour se protéger contre le froid."

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L'Appel de la forêt de Jack London
1ere lecture kindle

 

C'est à cette époque là que, pour une sombre histoire d'argent, l'aide jardinier du juge Miller dérobe Buck a la vie douillette qu'il menait jusqu'alors et le vend. Dès lors, Buck passe de mains en mains et subit de lourds sévices jusqu'au Canada où il devient chien d'attelage pour François et Perrault. Ainsi commence une nouvelle vie dans une nature aussi vaste qu'impitoyable, dans le froid mordant et à l'épreuve de la cruauté des hommes. Au fur et à mesure que Buck court des milliers de miles et change de maîtres, son instinct sauvage se réveille peu à peu. Plus grand chose ne subsiste de l'aimable croisé Terre Neuve et Colley qui dormait jadis aux pieds du juge Miller. A présent, Buck ne connait plus ni pitié ni douceur et devient bête puissante en qui résonne le lointain écho de ses ancêtres loups.

"C'est ainsi que la vie isolée de l'individu étant peu de chose, en somme, et les modifications de l'espèce laissant intacte la continuité de la race, avec ses traits essentiels, ses racines profondes et ses instincts primordiaux, l'antique chanson surgit soudain en cette âme canine et le passé renaquit en lui."

Sans que cela n'arrête ce lent processus de retour à la forêt, la providence place sur le chemin de Buck, John Thornton qui le sauve d'une mort certaine. Dès lors, une amitié sincère et vive se noue entre l'homme et l'animal, qui ne trouvera fin qu'à la mort de l'un d'entre eux.

"Cette heureuse période de paix fut pour lui comme une renaissance, l'entrée dans une autre vie. Mais la bonne camaraderie, les jeux, la fraîche brise printanière, le sentiment délicieux de la convalescence, tout cela n'était rien auprès du sentiment nouveau qui le dominait. Pour la première fois, un amour vrai, profond, passionné s'épanouissait en lui. [...] Cet admirable attachement du chien pour l'homme, qui a été tant de fois célébré et que jamais on n'admirera assez."

"Mais en dépit de cette noble passion, qui semblait attester chez Buck un retour aux influences civilisatrices, le fauve réveillé au contact de son entourage barbare grandissaiit au fond de lui, la bête féroce devenait prépondérante."

L'autre, alors, pourra laisser libre court à l'appel sauvage.

"Mais soudain, il levait la tête, dressait les oreilles, écoutait, plein d'attention. Obéissant à l'appel entendu de lui seul, il bondissait sur ses pieds et filait devant soi, pendant des heures, sous les voûtes fraîches de la forêt, au fond du lit desséché des torrents, dans les grands espaces découverts et fleuris. Mais, par-dessus tout, il se plaisait à courir ainsi dans la pénombre odorante des nuits d'été, alors que la forêt murmure dans son sommeil, et que ce qu'elle dit est clair comme une parole articulée. A cette heure, plus profond, plus mystérieux, plus proche aussi, résonnait l'Appel - la Voix qui incessamment l'attirait, du fond même de la nature."

 

Lors de ma chronique d'automne sur Martin Eden, je vous exposais deux aberrations : D'une part, j'avais une méconnaissance totale de l'oeuvre de Jack London (que je répare petit à petit depuis le coup de foudre que j'ai eu alors pour l'écriture et le propos de l'auteur) et d'autre part, je n'avais gardé aucun souvenir de ses fameux romans canins qu'on destine à la jeunesse. Après réflexion, j'ai du n'en garder aucun souvenir parce que je ne les avais pas lu en entier, je ne vois que ça. Car ici, le coup de foudre pour L'Appel de la forêt est total ! Et c'est vraiment dans ces moments là que je me dis qu'il faut absolument RELIRE ces petits classiques qu'on nous imposait en sixième et qu'on lisait à reculons. Parce qu'avec un regard neuf et un esprit plus mûr, on se rend compte à quel point l'oeuvre est un bijou ciselé.

Jack London affirme dans la postface avoir fait le choix d'un héros canin pour prendre le contre-pied d'un anthropomorphisme galopant lorsqu'il s'agit d'incarner les bêtes en littérature. Lui souhaitait montrer l'animal tel qu'il est : un mélange d'instinct et de raison - et par là, de montrer que l'homme n'est en rien différent. Il a bien été traité de "maquilleur de la nature", certaines bonnes âmes arguant qu'il prêtait au chien des facultés qu'il n'a pas. Concernant la capacité de raison attribué au chien, je ne saurais la discuter. Les temps cartésiens sont loin où l'on considérait l'animal comme un automate. Quant au fait que Buck se révèle capable de tuer des loups puis de s'intégrer à leur meute, j'émettrais par contre un bémol - il a beau être grand et fort, le fait est que sa pression à la mâchoire n'est pas identique à celle d'un loup et qu'une meute n'accepte certainement pas comme cela un nouveau membre, mâle qui plus est. Mais soyons magnanine et n'allons pas chercher la petite bête éthologique à une oeuvre qui defend non seulement un propos  légitime - la dualité de l'être en général et la peinture du chien en majesté en particulier - et avec une écriture de toute beauté en prime. Certes simple et fluide, elle n'en oublie pas d'être délicieuse à l'esprit.

Bref, vous ne savez pas quoi lire pour les deux jours qui arrivent ? Relisez L'Appel de la forêt !

 

Challenge les 100 livres.jpgChallenge "Les 100 livres à avoir lus" chez Bianca
Billet rétroactif 2

17/01/2013

Absente de Megan Abbott

 

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Absente de Megan Abbott, ed. Sonatine, 2009 / Le Livre de poche, 2011, 317p.

 

jean-spangler1.jpgC'est elle, Jean Spangler. Bouche impeccable, sourcils dessinés et cascade chatain savamment domptée. Elle qui, comme bien d'autres gamines du fond des USA, chercha la lumière d'Hollywood dans des rôles de seconde zone et dans l'effervescence de quelques soirées. Elle qui va disparaître mystérieusement un soir de 1949, deux ans seulement après le Dalhia Noir, et dont on ne retrouvera que le sac à main.

De ce fait divers en pointillé, Megan Abbott nous propose un cheminement tortueux dans les bas-fonds de Los Angeles aux côtés de Gil Hopkins, dit Hop, pour nous délivrer une surprenante réponse.
Ecrivaillon pour l'Examiner à l'époque des faits, il est, deux ans plus tard, attaché de presse du studio qui employait Jean. Il était surtout présent à ses côtés la nuit de sa disparition, avant qu'il ne s'eclipse avec une danseuse quelconque et qu'il range ce souvenir dans un coin de sa mémoire. Iolene Harper se charge pourtant de lui rappeler les faits, visiblement terrorisée : Et s'il n'avait pas planqué quelques indices pour protéger un duo de stars en vogue ? Bien plus touché qu'il ne voudrait l'être, Hop replonge malgré lui dans cette sombre affaire, dans un tango endiablé avec une autre journaliste de l'Examiner, Franny Adair. Après des rencontres énigmatiques, bien des verres de scotch et trop peu de sommeil dans une ambiance lourde, Jean Spangler est sans doute au bout du chemin.

Je dois avouer tout de go que je n'ai pas été conquise à 100% par ce polar. Dieu sait pourtant que j'aime cette atmosphère ambivalente de l'âge d'or d'Hollywood, entre un glamour de surface et la pire des noirceurs sous le vernis. Megan Abbott ne démérite pas, en toute objectivité, à cet exercice périlleux de réanimer le phénix et l'ambiance m'a semblé d'un goût parfaitement plausible. Comme dans tout roman noir s'inscrivant dans cette veine, c'est d'ailleurs plus un roman d'ambiance qu'un roman à suspens. Il faut s'imprégner du phrasé, de l'allure des personnages, de la lumière en demi-teinte des lieux et se laisser porter. Ne pas craindre l'horreur et la misère humaine, aussi. Car ici, encore, c'est tout cela qui est exposé à travers ces figures de femmes à la fois désespérées et fatales qui ne sont plus que viande pour espérer un morceau de gloire ou de bonheur. Ces femmes qui sont tellement viande que l'homme les marque de son couteau, y appose sa signature et sa suprématie. A quel moment la femme cesse-t-elle d'être consentante pour devenir une proie? Le moins que l'on puisse dire, c'est que pour mener l'ambivalence à son comble, il n'y a jamais d'innocentes victimes, ni de méchants bourreaux. Rien n'est tout noir ou tout blanc. C'est la roue d'Hollywood qui, inlassablement, broie les vies qu'elle draine dans son sillon.

Après m'être posée la question un moment sur les raisons de ma non-adhésion totale, c'est une discussion avec Manu qui m'a éclairée : Le livre a trop souffert d'une comparaison avec Le Dahlia Noir d'Ellroy que je n'ai pu m'empêcher de faire tout le long de ma lecture. En même temps, la 4eme de couverture faisait elle-même la comparaison avec l'affaire, donc... Elle a orienté ma comparaison inconsciente. Même si Absente est indéniablement un bon roman (ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit), il ne recelle pas l'éclatante puissance évocatoire du verbe d'Ellroy, cette ciselure cinématographique qui fait prendre vie à chaque page. Lire ce livre de Megan Abbott, c'était avoir l'impression de lire Le Dahlia Noir en moins bien, en édulcoré, en plus lisse, en moins risqué. Les comparaisons, malheureusement, ne peuvent pas être en faveur des deux parties.

Il n'empêche que j'ai tout de même passé un plutôt bon moment de lecture. Et je suis à présent particulièrement curieuse de lire un autre roman de Megan Abbot, Adieu Gloria, qui semble avoir de très bons échos !

 

Merci beaucoup à Manu pour me l'avoir offert dans le swap du nouvel an et je vous invite à aller lire de ce pas son avis sur ce livre que nous avons lu en lecture commune !


challenge polar historique.jpgEt cette lecture s'inscrit en outre dans le challenge polar historique de Samlor !





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Post-scriptum : j'ai super envie d'un swap rock'n'roll - ambiance bière, cheveux longs, perfecto, motifs à pois, bouquins qui swinguent et musique old school. Des intéressés pour savoir si ça vaut le coup que j'organise ?

14/01/2013

Moisson de nouvelle année

Comme je le prévoyais dans ma moisson de Noël, voilà la deuxième récolte livresque de cette fin/début d'année. Ma commande avec le chèque cadeau Amazon est arrivée, de même qu'un mini swap et le Père Noël du côté de ma belle-famille. Bref ! Quand on cumule les deux moissons, j'aime autant vous dire que c'est la grosse folie. Entre tous ces bouquins papier et le nombre incalculable également dispo sur mon kindle fire, je vais pouvoir faire une pause dans mes dépenses livres pendant un bout de temps (dit-elle en y croyant dur comme fer hmm...)

(Et comme mon minuscule jeune chien a trouvé de bon ton d'éclater mon appareil photo, vous aurez un florilège de cache cache webcam à cette occasion)

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En parlant de mini-swap, c'est par lui que je commence ! Ma canaillette m'a offert deux sympathiques ouvrages d'occasion que j'aurais prochainement plaisir à découvrir :

- Moon Palace de Paul Auster - dont je connais déjà la plume. Ici il semble s'agir d'un parcours initiatique entre rêve et réalité. Cela reste énigmatique et ce n'est pas plus mal : ce sera une vraie découverte !

- Wilt 1 de Tom Sharpe - un auteur que je ne connaissais absolument pas. Wilt 1 ou les aventures absurdes et résolument satiriques d'un professeur de lycée techo/pro. Aha ! J'attends de voir ça !

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 Je poursuis avec mon craquage Amazon (merci à l'auguste personne qui m'a offert le chèque cadeau pour Noël !)

- Un roi sans divertissement de Jean Giono - qui fait partie des nombreux ouvrages "classiques" dont tout le monde me dit du bien, que beaucoup ont étudié au collège/lycée et que je ne connais pas du tout. J'ai fini par céder à l'enthousiasme communicatif d'une amie et me suis décidée à le lire prochainement !

- La physique des catastrophes de Marisha Pessl - j'avais repéré ce livre, il y a quelques temps, hâppée principalement par le style. Pour son contenu, cela semble être un bon mélange entre roman d'adolescence, relation aux autres, érudition et policier alambiqué. Honnêtement, je ne sais pas à quoi m'attendre et je ne sais même pas si je tiendrai le style sur près de 700 pages mais pour le prix qu'il était en occasion, j'aurais eu tort de ne pas tester !

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 Poursuivons avec un peu de neuf, tout de même.

- Le deuxième tome de la série gothique de Joyce Carol Oates, La légende de Bloodmoor. Après l'avoir découverte et beaucoup appréciée avec le premier volet, Bellefleur, j'ai sauté sur l'occasion de relire cette plume ciselée et surannée (bizarrement, après avoir feuilleté d'autres ouvrages de JCO, le reste de son oeuvre ne me tente absolument pas...)

- Baltiques, une anthologie poétique du suédois Tomas Tranströmer, récemment prix Nobel de Littérature (il y a deux ans, si ma mémoire est bonne). Parce que sans poésie, la vie serait une erreur.

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Et pour conclure, deux futures lectures inspirées par Manu :

- Sans parler du chien de Connie Willis dont nous avions parlé à l'occasion du swap du nouvel an. J'ai hâte de m'amuser avec cette sombre histoire de chat et de voyages dans le temps !

- Wisconsin de Mary R. Ellis que mes beaux-parents ont eu la gentillesse de m'offrir. Une plongée dans une Amérique profonde, sensible et âpre. Tous les blogs en parlent comme d'un magnifique ouvrage. A voir - ou plutôt à lire !

 

 

C'est tout pour le moment -et c'est surtout déjà pas mal ! Rendez-vous prochainement par ici pour quelques billets de lecture inspirés, je l'espère !

09:00 Publié dans Divers | Lien permanent | Commentaires (11)