30/04/2015
Au revoir poétique au mois belge !
Le mois d'avril est vite passé ; il est temps de refermer la parenthèse belge enchantée de cette année. Elle aura été encore une fois riche de découvertes et de partages comme je les aime. Quant à mes lectures personnelles, je suis ravie de constater que je n'ai pas démérité (en même temps, je n'avais lu qu'un livre l'an dernier, ce n'était pas compliqué de faire mieux héhéhé).
Comme je l'ai ouvert, je le referme de même avec le morceau poétique d'un des poètes belges, contemporain cette fois, le plus connu. J'en dois la découverte et le plaisir de lectrice et d'esthète à celle qui m'a aussi invitée à la découverte de deux titres ce mois-ci. Ma pourvoyeuse officielle de bonne littérature, belge à l'occasion, en somme ! Je vous souhaite à tous une excellente année de lectures de tous horizons et vous donne rendez-vous aux côtés de nos gentilles organisatrices Anne et Mina en avril 2016 !
PENSÉES
Penser, vivre, mer peu distincte ;
Moi — ça — tremble,
Infini incessamment qui tressaille.
Ombres de mondes infimes,
ombres d’ombres,
cendres d’ailes.
Pensées à la nage merveilleuse,
qui glissez en nous, entre nous, loin de nous,
loin de nous éclairer, loin de rien pénétrer ;
étrangères en nos maisons,
toujours à colporter,
poussières pour nous distraire et nous éparpiller la vie.
Henri Michaux (1899-1984) – Lointain intérieur (1938)
Henri Michaux - Sans titre (1961)
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01/04/2015
Ouverture poétique du mois belge !
Aujourd'hui 1er avril s'ouvre tout un mois consacré à la littérature belge à l'invitation de deux blogueuses amies Anne et Mina. A cette occasion, je publierai quelques billets divers (dont je n'ai pas encore décidé le nombre : tout dépendra de ma motivation). En attendant, j'ai choisi d'ouvrir le bal avec un texte poétique (et je le fermerai sans doute de même) qui n'est pas sans annoncer l'un de mes billets à venir pour le 7 avril. Un grand classique de la poésie belge, c'est certain ! Je ne fais pas ici dans l'originalité. Mais les classiques ont ceci d'agréable qu'on ne s'en lasse jamais et qu'à chaque lecture on est plongé dans mille souvenirs en même temps qu'on découvre quelque chose de nouveau.
Je vous souhaite à tous un bon début de mois belge !
BRUGES
Les bras des longs canaux que le couchant fait d'or
Serrent près du beffroi, comme autour d'un refuge,
Toute la gloire ancienne et dolente de Bruges,
La ville est fière, et douce, et grande par la mort.
Mais néanmoins, toujours, monte vers la lumière
Le rectiligne élan de sa beauté guerrière,
Et son bourdon réveille un trop vivant écho
Pour éternellement pleurer sur son tombeau.
Émile Verhaeren (Toute la Flandre, t. I., «La guirlande des dunes», Paris, 1907.)
Tableau : Mon coeur pleure d'autrefois de Fernand Khnopff (1889)
07:19 Publié dans Art, Classiques, Littérature française et francophone, Poésie | Lien permanent | Commentaires (8)
28/02/2015
Pietra Viva de Léonor de Récondo
Pietra Viva de Léonor de Récondo, Points, 2015, 182p.
En 1505, Michel Ange est déjà un artiste renommé. Il est aussi un être secret et silencieux, qui observe avec l'admiration de la plus parfaite beauté le moine Andrea tandis qu'il étudie l'anatomie. Lorsque ce dernier décède brutalement, Michel Ange décide, à son tour, de s'en aller : ce sera Carrare, la ville aux splendides carrières de marbre, afin d'ébaucher le tombeau de Jules II.
Décidément, Michel Ange inspire bien des auteurs ces dernières années. Toute cette personnalité à la fois torturée et prétentieuse, pleine d'un génie qui n'a d'égal que son arrogance insupportable semble fasciner les écrivains qui vont tantôt y chercher les failles, tantôt y polir les idées reçues. A l'énigme d'un artiste répond alors l'imagination d'un autre. Dans Pietra Viva, Léonor de Récondo propose un Michel Ange humain, éminemment complexe dans sa simplicité ; un Michel Ange embourbé dans une solitude de longue date qui l'a blessé puis qu'il a apprivoisé au point de la réclamer avec ardeur et virulence. Ce que Michel Ange a sculpté, c'est d'abord sa propre forteresse pour se protéger des souvenirs douloureux et des blessures du présent. Aussi, la pierre vive de ce roman, c'est peut-être autant le marbre que déniche le sculpteur que la chair même de l'homme qu'il doit creuser pour se comprendre, qu'il doit rouvrir à la lumière pour être libre dans sa création.
On a beaucoup mis en avant dans ce court roman le parti pris de Léonor de Récondo de privilégier l'homme à l'artiste. Pour ma part, il ne me semble pas que cette dichotomie soit pertinente. L'un existe-t-il décemment sans l'autre ? Parler de l'homme, de ce qu'il vit et a vécu et de la manière dont tout cela l'a façonné, n'est-ce pas, exactement, parler de l'artiste ? Il me semble que la plus grande intelligence de l'auteur est précisément de relier ce qu'on a tendance à diviser avec une belle langue, à la fois incisive et poétique, qui trace un grand cercle lumineux entre passé et présent, entre homme et art, entre pierre et peau. J'ai apprécié, en outre, la modestie avec laquelle elle observe le maître ; modestie qui a, fréquemment, inspirée une distance désagréable à certaines lectrices. Pour ma part, cette impression de lire à travers un écran cristallin m'a bercée d'une douce intemporalité qui participe de la séduction de l'ensemble. Après tout, Michel Ange fait homme n'en reste pas moins Michel Ange : un être à part, un éclat de divinité dans un corps inspiré.
Merci à Mina pour cette jolie découverte grâce à notre récent swap !
Challenge L'art dans tous ses états chez Shelbylee
7eme lecture
10:40 Publié dans Art, Challenge, Littérature française et francophone, Swap | Lien permanent | Commentaires (14)