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07/10/2017

Le héron de Guernica d'Antoine Choplin

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Il y a deux ans, je découvrais enfin Antoine Choplin et ce n'était pas exactement le coup de foudre... Autant dire que je n'étais pas partie, a priori, pour me tourner à nouveau vers cet auteur de si tôt. 

Et puis, dans mon projet de constituer une bibliographie de textes littéraires en tout genre traitant de l'art pictural pour mes mouflets de 4e,  Le héron de Guernica est revenu fréquemment sur le tapis dans les conseils glanés ici ou là. Les avis étaient terriblement élogieux, comme souvent avec Antoine Choplin... Aussi ai-je décidé de ne pas rester sur une première impression mitigée... 

Il lève le front au ciel et cherche les étoiles dans les trouées claires. 

Sans trop de surprise au vu du titre, l'action se situe sur une courte période de temps dans le fameux village espagnol. Basilio, jeune homme plutôt rêveur, introverti, aime en secret Celestina, parle peu et se passionne pour les hérons qu'il dessine et peint sans relâche. Son but ? Insuffler au tracé immobile le souffle mystérieux de la vie et cette dignité sublime de l'oiseau.  Une vaste entreprise à laquelle il s'adonne dès qu'un petit instant de libre et de quiétude lui est offert. C'est ce qu'il faisait ce fameux 26 avril 1937 lorsque les avions allemands ravagèrent le village. Basilio fonce bille en tête et découvre la poussière, les flammes et la peur là où, quelques instants plus tôt, seul importait le saisissement infime de la lumière sur le papier. Tandis que Basilio furète d'un endroit à un autre, cherche, se réfugie et capture l'horreur pour en porter le témoignage, le souvenir de l'envol du héron est pourtant vivace et revient de loin en loin comme l'étrange symbole de l'après : cette capacité de l'homme, et de la vie en général, à poursuivre sa course folle quoiqu'il arrive. 

C'est d'abord ça qu'il voudrait rendre par la peinture. Cette sorte de dignité, qui tient aussi du vulnérable, du frêle, de la possibilité du chancelant. 

Evidemment, il est presque impossible de lire Guernica sans penser immédiatement à Picasso. Et en effet, il n'est pas absent du tableau. Son exposition à Paris est l'événement qui encadre le récit de la quête artistique de Basilio et du bombardement. Notre protagoniste s'y rend pour admirer l'oeuvre du maître, qu'il ne connaît pas vraiment, et ambitionne de lui montrer peut-être ses travaux. Au lieu de cela, c'est le silence qui prévaut finalement sur toute chose. Car puisque l'art a ce don merveilleux de tout transcender, il n'appelle parfois, à l'image du divin, qu'un fascinant recueillement. 

Il a franchi le seuil de la toile, Basilio. Le voilà dans le tableau à son tour. Dans ces conditions, bien sûr, le héron a cessé de se donner en spectacle; sa facture de chair épaisse et palpitante, soudain évidente aux sens de Basilio, lui a fait quitter le monde des images. Il se tient là, presque à portée de bras tendu ; lui et Basilio partagent ce même endroit du monde. 

Indéniablement, j'ai été plus touchée que par Une forêt d'arbres creux. L'écriture m'a semblé plus largement poétique au fil du récit, ce dernier progresse d'ailleurs avec moins d'ennui et les passages où Basilio se confronte à la difficulté d'exprimer le vivant à travers un art par essence figé sont particulièrement pertinents et lumineux. J'ai marqué bien des citations dans ces quelques pages d'une grande justesse.
Pourtant, je persiste et signe dans mon appréciation toujours mitigée de l'ensemble... Je suis restée extrêmement dubitative face au premier chapitre, par exemple, qui contient tout ce qui me fait tiquer chez Choplin : une simplicité de style qui en frise l'absence totale et une simplicité de faits qui flirte dangereusement avec l'anecdotique. Tout cela est évidemment contrebalancé par les très belles pages susmentionnées ; n'empêche que, ces faiblesses font de  ma lecture un ensemble en demi-teinte. Si tout Choplin est comme ça, je devrai me faire une raison : je ne risque pas de connaître le coup de cœur avec lui.
Malgré tout, je retiens une jolie réflexion sur le pendant et la finalité de l'acte créateur qui donne quelques perspectives intéressantes au lecteur !

C'est drôle quand même. Moi je parle de gars qui se font tuer pendant que toi, tu t'emmerdes à peindre le plumage d'un héron.

Je m'emmerde pas. 

Un temps. 

Quand même, il doit falloir une sacrée patience, dit le soldat. 

Faut surtout avoir très envie de regarder, dit Basilio. De bien regarder les choses. Le héron, ce qu'on peut en voir, et ce qu'on ne peut pas. Aussi, tout ce qui l'entoure. Tout ce qu'il y a dans l'air qu'on respire, le héron, toi et moi. C'est surtout cette envie-là qu'il faut. 

28/04/2017

Riverdream de George R. R. Martin

IMG_20170325_125450.jpgSuite à mon coup de coeur d'Armaggedon Rag il y a quelques années, j'avais acheté le présent roman dans la foulée, prise dans l'envie de continuer la découverte des chemins de traverse de George R. R. Martin. Et puis, vous connaissez la suite : il est resté dans ma PAL depuis lors, attendant gentiment que "le bon moment de le lire" se présente à moi. C'est enfin chose faite (finalement, deux ans et demi dans une PAL, ce n'est pas si long, n'est-ce pas ?!) : Riverdream a pu profiter de la tentation littéraire et printanière de me détendre les neurones avec un roman qui embarque dans d'autres mondes.  

Or, je me suis retrouvée dans un imaginaire plutôt inattendu. En lieu et place du steampunk qu’il me semblait avoir pressenti, me voilà avec de la bitlit !

Tout commence dans le Missouri, sur les bords du célèbre Mississippi, à Saint Louis exactement, quelques années avant la guerre de Sécession. Abner Marsh est un armateur au creux de la vague : parmi tous ses vapeurs qui sillonnaient le fleuve, la plupart ont péri suite aux intempéries. Marsh n'en reste pas moins profondément attaché au fleuve, aux bateaux, à l'aventure. En lui brûle la flamme du marin, bien plus que celle de l'homme d'affaire, la seconde casquette ne lui offrant que de servir la première. Aussi, bien qu'un peu dubitatif, il ne fait pas la fine bouche lorsque l'énigmatique Joshua York lui donne rendez-vous au beau milieu de la nuit dans une taverne réputée des mariniers. La proposition qui s'en suit est simple : York engage tout l'argent nécessaire pour le plus beau vapeur qui soit, dont Marsh supervisera la construction puis qu'il dirigera en tant que capitaine. En échange, ce dernier doit accepter les quelques excentricités de York : vivre une existence exclusivement nocturne et arrêter le vapeur au gré de sa volonté sans jamais se justifier. En somme, l'un et l'autre partageraient la direction du bateau : l'un pour en assurer sa bonne conduite, l'autre pour en faire ce qu’il veut. Si l'on ajoute à l'argent et au noctambulisme de Joshua York le fait qu'il est étrangement pâle et que sa force et son regard semblent magnétiques et surhumains, le lecteur a tôt fait de comprendre de quoi il retourne le concernant (tadaaaaaam). 

Il avait les yeux gris, étonnamment sombres dans un visage si pâle. Ses pupilles, aussi petites que des têtes d'épingle, brûlaient, noires, et transperçaient Marsh comme pour sonder son âme. Les prunelles, autour, semblaient douées de vie, mouvantes comme de la brume par une nuit obscure, quand les rives et ses lumières s'estompent et qu'il ne reste plus rien au monde que le bateau, le fleuve et le brouillard. Dans ces brumes, Abner Marsh discerna des ombres, des apparitions fugitives. Une intelligence froide en émanait. Il y avait une bête, aussi, noire et effrayante, enchaînée, furieuse, qui tempêtait dans les ténèbres. Un rire, de la solitude et une véhémence cruelle : le regard de York contenait tout cela. p. 10

Entre ses bases somme toute un peu clichées, de (trop) longs passages sur la vie des mariniers du Mississippi, la construction, la direction et la navigation des vapeurs et un niveau stylistique au ras du fleuve, je ne suis pas passée loin d'arrêter là ma lecture. En gros, j'ai retrouvé dans ce roman ce qui m'avait fait stopper la lecture de Game of Thrones quelques années plus tôt : c'est long et c'est chiant (pour résumer). Et puis, allez savoir pourquoi, je me suis acharnée quand même, et j’ai bien fait.

J'ai pu découvrir la relecture que propose George R. R. Martin du mythe du vampire, non plus comme corruption ou évolution de l'homme mais comme race à part, éminemment symbolique, dégagée par la même occasion de tous les accessoires folkloriques qui lui sont souvent associés. On naît gens de la nuit, on ne le devient pas (Simone riprizent). Puisqu’il n’est plus question de transformation, le rapport au vampire change nécessairement : l'homme doit-il se faire son égal ou s'enferrer dans une relation de proie à prédacteur ? En outre, non sans rappeler Entretien avec un vampire, l'asservissement à la soif rouge, et l’extraordinaire longévité du vampire, ne sont pas sans provoquer de brûlantes divergences au sein de cette communauté d'êtres puissants. D'un côté, ceux qui aspirent à entretenir leur supériorité physique sur l'homme, dit affectueusement le bétail, à s'enorgueillir et exalter leurs différences dans une affirmation identitaire rageuse et délétère ; de l'autre, ceux qui espèrent un futur harmonieux entre gens du jour et de la nuit, et un enrichissement mutuel par la régulation des besoins primaires violents. A cet espoir se mêle inévitablement la mélancolie des luttes fratricides et des massacres qu'elles occasionnent. Le vampire est le symbole d'un monde antédiluvien, gorgé encore de sa superbe et du souvenir persistant de sa gloire. L'éclat, pourtant, ne cesse de se ternir à mesure qu'il se montre incapable d'évoluer et de s'adapter. C'est dans cette optique que le contexte, qui m'était apparu comme source de longueurs ennuyeuses de prime abord, prend tout son sens : on se trouve à un moment charnière de l'évolution des Etats-Unis. Le récit prend la guerre de Sécession en étau ; celle-ci conditionne, entre autres, l'évolution industrielle - donc celle des navires du fleuve - et une certaine vision de l'Homme. Ainsi, comment concevoir l'homme au regard de ces évolutions ? Dans quelles perspectives le réengager, quels nouveaux paradigmes de société inventer ? La création n'est-elle pas la véritable force (demande l'artiste) ?

Vous l'aurez compris, sous les atours savoureux (on va l'espérer) de ma petite philosophie de comptoir, Riverdream est de ces bons livres de vampires qui amènent le lecteur à réfléchir sur lui-même par le truchement de l'autre. Je persiste à lui trouver quelques longueurs et quelques faiblesses de scénario - je ne comprends toujours pas vraiment ces quinze ans inutiles pendant lesquels la guerre de Sécession aurait pu être bien mieux exploitée - mais je les lui pardonne avec plus d'indulgence comprenant le projet général et le trouvant, dans sa globalité, plutôt bien servi. Si je ne suis pas follement emballée, en somme, je trouve à ce roman pas mal d'intérêts. Quel dommage, cependant, que l'auteur ne se foule pas un peu plus le poignet pour développer un style qui déboîte. Après tout, ne fait-il pas dire à Joshua, "La connaissance se pare à mes yeux d'une certaine beauté et la beauté plus que tout m'apporte de la joie" ? Ne lésine pas sur un peu plus de joie, la prochaine fois, l'ami ! 

Riverdream de George R. R. Martin, J'ai lu, 2008[1983 pour la VO], 507p. 

23/03/2012

Semaine de la presse #2 : Hors Cadre[s] à l'honneur !

Deuxième édition (pour ma part) de la presse à l'honneur à l'occasion de cette semaine spéciale.


Cette fois, on se régale de graphisme avec Hors Cadre[s] !


Pour tout avouer, ma connaissance de cette revue est très récente : je suis tombée dessus par hasard à la biblio (en secteur jeunesse, c'est dommage d'ailleurs, je pense qu'elle rate du public en étant classée là-bas) mais elle m'a tellement flashée que je profite de l'initiative d'Hérisson pour vous en dire deux mots et vous inciter à aller y jeter un coup d'oeil !

 

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C'est quoi ? Des explorations, des regards croisés entre critiques et créateurs sur la production contemporaine mêlant textes et images, qu'elle concerne un public adultes ou jeunesse. Vous y trouverez de tout (des zooms sur un auteur ou une oeuvre, des études critiques, des réflexions créatives) sur un thème donné (le numéro actuel traite de l'illustration des contes) mis en page d'une manière extrêmement soignée et inventive. Hors Cadre[s], c'est à mi-chemin entre la revue de haute volée et le Beaux-Livres léger et accessible.

C'est comment ? Pointu, attractif, lumineux et d'une grande qualité éditoriale. Mais n'ayez pas peur hein, ce n'est pas réservé aux "artistes", c'est pas bourré de vocabulaire pompeux et incompréhensible, point du tout. Simplement, ici, accessibilité rime avec qualité et vous conviendrez que c'est assez rare pour être noté.

C'est quand ? Hors Cadre[s] est bi-annuel avec une parution en mars et en octobre.

C'est où ? Dans toutes les bonnes librairies et sur http://www.revue-horscadres.com/hors-cadres-intro.swf pour s'abonner, acheter un ancien numéro ou trouver un point de vente.

C'est combien ? Le numéro en cours coûte 12€, Un ancien numéro, 11€ et l'abonnement d'un an, 20€.

 

 Allez jeter un coup d'oeil sur cet univers d'élégance et de créations, c'est sans pareil et ça fait rêver! (et puis, c'est probablement dispo chez toutes les bonnes biblio)

 

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