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17/06/2017

Agatha Raisin 1 - La Quiche fatale de M.C. Beaton

roman policier,polar,agatha raisin,la quiche fatale,the quiche of death,cotwolds,meurtre,mois anglaisOn touche ici au point sensible des blogs littéraires : le bouquin que tout le monde - du moins, le petit microcosme douillet de la blogosphère - a déjà lu et chroniqué. Je me paye même la loose intersidérale, non contente d'arriver un an après la bataille de la première publication de ce titre, d'être également en retard pour la lecture commune de la série prévue mardi dernier lors du mois anglais (la médiathèque a reçu ma réservation le lendemain de la lecture commune : la loose, j'vous dis). Autant dire qu'à défaut de quiche, je vois poindre la tarte à la crème.

On décrivait Agatha comme une "originale", et, comme tous les originaux qui n'hésitent pas à dire le fond de leur pensée, elle n'avait pas de vrais amis. Son travail lui avait tenu lieu de vie sociale. p.11

Du coup, Agatha, la fringante cinquantaine bien tapée, s'est accrochée plus ou moins toute sa vie à un rêve brièvement caressé lors de lointaines vacances en famille : avoir un cottage dans les Cotswolds. De fait, la carte postale fait rêver et je ne serais pas contre y avoir moi aussi mes quartiers estivaux. Mais Agatha Raisin ne fait pas les choses à moitié et décide de revendre sa boîte de relations publiques et de tout plaquer à Londres pour prendre dans ce trou paumé où elle ne connaît rien ni personne une retraite anticipée. Je ne vous cache que je ne comprends pas exactement le projet, mais soit ! La voilà dans un intérieur refait à neuf façon vitrine de Maison du Monde impersonnelle, sans l'once d'une notion de cuisine, à tenter de se faire quelques amis - ce qu'elle n'a jamais réussi à faire, rappelez-vous - et à visiter les environs. Au top de l'ennui des petits bleds ruraux, elle décide de concourir pour le prix de la meilleure quiche du village (que j'aime les clichés anglais !!!) ; quiche qu'elle achète évidemment chez un traiteur londonien et qui finit par tuer le juge Cummings-Browne. Too bad

Elle éprouvait le même sentiment que lorsqu'elle était enfant : elle désirait plus que tout faire partie intégrante de cet univers de vieilles traditions anglaises, synonymes de beauté et de sécurité, et pourtant, elle restait en dehors, spectatrice. p. 51

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Que fait alors notre Agatha ? Et bien, objectivement, pas grand chose, si ce n'est rendre deux/trois visites épisodiques peu convaincues à quelques personnes de l'entourage du feu Cummings-Brownes, trimballer son ancien collègue Roy dans les environs pour une virée touristique un peu pitoyable - eu égard au jetlag entre gens de la ville et gens de la campagne qui ont, chacun, leurs niaiseries et leurs lourdeurs -, s'engueuler avec sa voisine, manger et picoler au pub, sympathiser avec le gentil policier Bill Wong et participer au cercle des femmes de Carsely. Elle ne cherche même pas tant que ça, si ce n'est peut-être à la toute fin, à mener l'enquête. 

Ce n'est donc pas tant la résolution du crime qui est le cœur du livre que la photographie caricaturale mais truculente d'une certaine société rurale anglaise, emprunte de mille petits clichés dont les étrangers profanes que nous sommes sauront se délecter à travers les yeux de la citadine Agatha. A dire vrai, je craignais beaucoup ce personnage à force d'avoir lu plusieurs chroniques mettant en avant son côté insupportable, prétentieux, supérieur - en un mot, citadin. Finalement, elle est vraiment ce que j'ai adoré dans ce roman et elle porte tout sur ses épaules. Elle est viscéralement drôle et elle a le peps de faire passer des chapitres parfois assez creux (soyons francs : le bouquin ne brille pas de grandes qualités par ailleurs). J'ai particulièrement souri de voir resurgir en elle le besoin d'être en ville, et son problème de poids/flemme de bouger et manger sainement/gourmandise incurable. 

Je n'ai aucune volonté, pensa-t-elle lorsque, ayant mangé son pudding jusqu'à la dernière miette, elle se rendit compte qu'elle s'était laissé convaincre par Roy de prendre une part de tourte aux pommes chaudes avec de la crème, de la vraie crème et non cette substance qui ressemble à de la mousse à raser. p. 201

Cet extrait-là, voyez-vous, c'est un peu l'histoire de ma vie (adieu, ventre plat ; salut, cornet de glace menthe-chocolat). 

Du coup, sans penser que cette série anglaise soit la trouvaille de l'année, je vais peut-être envisager un rendez-vous de temps en temps avec Agatha Raisin, rien que pour le plaisir de trouver un personnage qui m'amuse et de qui, à bien des égards, la lyonnaise exilée en Creuse que je suis se sent assez proche. 

 

Agatha Raisin 1 - La Quiche fatale de M.C. Beaton, Albin Michel, 2016, 324p. 

 

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Le mois anglais chez Lou et Cryssilda

3ème lecture

 

09/06/2017

Velvet de Mary Hooper

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Velvet de Mary Hooper, Les Grandes Personnes, 2012, 325p. 

 

En l'espace de deux lectures il y a trois ans, La messagère de l'au-delà puis Waterloo Necropolis pour ne pas les citer, je suis devenue une aficionada de Mary Hooper. Elle a le chic pour plonger les jeunes lecteurs dans des univers historiques passionnants et d'en proposer une vision sans idéal, sans le fard du fantasme. Car l'auteure ne ménage pas ses personnages, en effet ! Dans La messagère de l'au-delà, il était question d'infanticide et de peine de mort dans l'Angleterre de Cromwell ; dans Waterloo Necropolis, de la misère et de l'exploitation des enfants dans l'Angleterre victorienne. Bref, on a connu plus amusant. Pourtant, elle parvient toujours avec brio à contourner toutes les réticences que de tels sujets pourraient susciter pour livrer un roman aussi attachant qu'intéressant. 

C'est donc sans la moindre hésitation que j'ai entamé l'un des deux romans de cette auteure nouvellement arrivés dans ma PAL. Et avant même d'en dévoiler le contenu, il me faut souligner le travail toujours subtil et évocateur de Pierre Mornet qui semble être l'illustrateur attitré des couvertures de Mary Hooper aux éditions Les Grandes Personnes. Ce dessin-là ne prête-t-il pas au rêve, au mystère, à mille interrogations ? On se prend à frissonner, mais d'un frisson très doux, qu'on aimerait faire durer longtemps... 

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Mais il est temps de commencer notre livre ! Velvet, dont on découvrira progressivement une autre identité, est notre personnage principal. L'adolescente vit seule dans le Londres pauvre de 1900 et se débat dans l'atmosphère humide et étouffante d'une blanchisserie. Toutes ces vapeurs brûlantes lui provoquent de nombreux évanouissements et son emploi s'en trouve menacé : nombreuses sont les jeunes fille qui font la queue devant la boutique pour travailler un peu et gagner de quoi manger. Une employée qui ne suivrait pas le rythme effréné imposé par la direction se verrait donc renvoyer sans autre forme de procès et remplacée aussitôt. Velvet veut absolument éviter une telle situation. Elle tient plus que tout à ce travail, bien que difficile. Le perdre signifierait la misère, la rue et... vous connaissez le peu d'opportunités qui restent ensuite... Heureusement, Mrs Sloane, la responsable, nourrit une certaine affection pour Velvet. Elle lui trouve alors une place dans l'unité d'élite de la blanchisserie : celle où l'on s'occupe exclusivement des clients les plus fortunés. Il n'est plus question de laver les draps des hôpitaux mais les robes coûteuses des dames du monde. Velvet ne pouvait rêver mieux !

En apprenant les ficelles de ce nouveau poste, elle pioche la boîte à linge d'une certaine Madame Savoya. Ses vêtements chatoyants et originaux la séduisent, même s'ils sont difficiles à entretenir ! Lors d'une invitation que celle-ci lui fait pour fêter la nouvelle année, elle découvre que Madame Savoya est une célèbre médium ! Ce tout début du vingtième siècle voyait en effet fleurir nombre de médiums ; le commerce avec les âmes des défunts passionnait particulièrement la société de l'époque. On croise ainsi Arthur Conan Doyle dans ces réunions ! Velvet est évidemment fascinée, à la fois par Madame Savoya elle-même, pleine de prestance et de générosité, et par son travail ou, plus précisément, son don. C'est encore à la suite d'un événement qui aurait dû coûter sa place à Velvet que celle-ci gagne à nouveau la chance de sa vie : Madame Savoya lui propose de travailler pour elle et de devenir sa dame de compagnie/femme de chambre. Pour Velvet, c'est enfin l'aube d'une nouvelle ère, ainsi qu'il en va pour l'Angleterre qui, après le décès de la Reine Victoria, voit arriver une période plus fringante et réjouie sous la bannière d'Edouard VII. 

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Et hop, une séance de spiritisme à l'ancienne !

Je dois vous avouer tout de go que je suis beaucoup moins enthousiaste avec cet opus que je l'ai été avec les deux précédents. Le début attaquait pourtant très bien, plongeant le lecteur dans une réalité à nouveau très crue et très dure du Londres pauvre de Victoria (puisqu'elle est alors encore de ce monde). La solitude extrême, la nécessité d'accepter n'importe quel travail assommant et délétère pour manger un quignon de pain, et, bien sûr, la pureté et la force d'âme d'une héroïne jeune et livrée à elle-même. Tous les ingrédients sont au rendez-vous. Malheureusement, cela m'a semblé tourner un peu au vinaigre dès lors que Velvet atterrit chez Madame Savoya. Est-ce le changement d'atmosphère et/ou le fait que la crédulité à l'égard des médiums était grande à cette époque ? Toujours est-il que Velvet se montre incroyablement naïve - honnêtement, ça frise la stupidité à ce stade-là - uniquement occupée à s'émerveiller de son changement de condition et de la générosité sans faille de Madame Savoya. Même en m'efforçant de me départir de mes exigeances d'adulte, il me semble que l'intrigue de ce roman est beaucoup plus faible et cousue de fil blanc que les précédentes. On comprend immédiatement où veut en venir l'auteure ; et dès lors les nombreuses pages traînent en longueur. Le projet d'exposer les trucs et astuces des charlatans pour faire croire à un contact ou une apparition d'un défunt était évidemment passionnant mais je ne suis pas conquise par l'option choisie par Mary Hooper pour le faire. Il faudra donc aller bien loin à notre héroïne, prétexte du coup à découvrir une autre sordide réalité de la société de l'époque, ô combien glaçante, pour prendre enfin conscience du mensonge de sa maîtresse et tenter de rétablir la vérité. 

J'ai lu cependant plusieurs chroniques moins déçues que la mienne. Peut-être qu'à force de lire Mary Hooper, je deviens aussi plus exigeante et que mon regard, habituée à ses qualités, se tournent plus vers ses faiblesses ? Je saurais dire jusqu'où va ma subjectivité dans le présent avis mais, ce qui est sûr, c'est que Velvet n'est pas le meilleure que j'ai lu d'elle à ce jour ! 

 

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2ème lecture

LC consacrée à la littérature jeunesse

05/06/2017

La rivière à l'envers de Jean Claude Mourlevat

la rivière à l'envers,jean claude mourlevat,rivière qjar,tomek,hannah,roman d'aventures,aventures,immortalitéLa rivière à l'envers, c'est en fait deux romans - deux trajectoires de vie qui se croisent au bon moment pour ne plus se lâcher.

Il y a d'abord Tomek que l'on découvre seul et en proie à un ennui grandissant. Jeune orphelin, il vit et travaille dans l'épicerie de sa famille. Son quotidien se partage entre cette boutique, quelques balades et des visites à son grand-père de cœur, Icham, le sage du village. Un beau soir, une jeune fille dont on ignore pour l'instant le nom surgit et lui demande les choses les plus simples puis les plus farfelues. Qu'importe : Tomek a de tout dans son épicerie ! De tout... sauf ce dont a vraiment besoin sa visiteuse : de l'eau de la rivière Qjar, celle qui coule à l'envers, celle qui empêche de mourir. La jeune fille disparaît mais pas l'amour ni l'envie d'aventures qu'elle a fait naître en Tomek. Ni une ni deux, le voilà parti pour traverser des contrées aussi étonnantes que la forêt de l'oubli, le pays des parfumeurs ou l'île inexistante dans l'espoir de retrouver celle qui se prénomme Hannah et l'eau dont elle a tant besoin. 

Le second tome n'est pas une suite mais un parallèle : l'histoire d'Hannah cette fois. Elle a promis à Tomek de lui raconter ce qu'elle avait vécu de son côté, avant de le connaître puis avant de le retrouver. A son tour de parcourir des endroits dangereux et fascinants, de laisser un ami, un vieil homme mourir, de se marier, d'avoir des enfants, de redevenir la fille d'un couple aimant, d'apprendre à lire et à écrire à de jeunes enfants pleins de vie. Hannah semble avoir vécu mille vies en une durant cette année d'aventures ! 

La rivière à l'envers, c'est un bol d'air frais qui donne immanquablement le sourire. C'est fait pour un public assez jeune, à n'en pas douter : il faut de cette naïveté lumineuse pour s'attacher aux personnages et les suivre sans discuter dans des mondes étonnamment bons où rien ne peut vraiment arriver. Pour autant, il y a beaucoup à apprendre de ces épreuves qui sont autant de rites de passage vers la découverte de soi, de l'autre, de ses limites et de ses possibilités infinies - en d'autres termes, vers l'âge adulte. 
Pour ma part, les programmes du collège ayant changés, j'ai opté pour le faire lire et l'étudier en oeuvre intégrale avec mes 6e cette année - uniquement le tome 1. L'adhésion de la classe, exception faite de deux ou trois élèves, a été immédiate et presque unanime, ce qui est suffisamment rare pour être noté ! Plusieurs élèves se sont plongés, dans la foulée, dans le tome 2. C'est même l'un d'eux qui me l'a prêté pour que je puisse le lire à mon tour : n'est-ce pas la plus belle façon de boucler la boucle de l'enseignement ?! Les élèves ont donc été plutôt emballés et ont tiré de nombreux enseignements de leur lecture, pour mon plus grand plaisir :

"La rivière à l'envers nous apprend qu'une aventure ne change pas tout le temps le physique mais aussi le savoir." Aloïs

"Même si les gens sont morts, ils sont toujours là avec nous dans nos pensées." Loane

"J'en tirerais qu'il ne faut jamais abandonner, qu'on en ressort toujours grandi." Albin

"Il faut suivre ses rêves et avoir toujours du courage." Smahane

"Je tire comme enseignement qu'il faut toujours aller au bout de sa quête et ne jamais lâcher" Maëlle

"Si on veut faire quelque chose, il faut s'en donner les moyens en travaillant." Cerise

"L'enseignement que je tire de cette histoire est que la vie ne se résume pas juste à ce qu'il y a au bout de notre nez. [...] Il faut apprendre à aimer avant de voir mourir ceux qu'on aime et l'aventure permet de faire des rencontres inouïes. Il faut savoir profiter de la vie, il n'y a pas une deuxième chance." Erwann

Bref, c'est avec certitude que ce roman s'intégrera à nouveau dans ma progression de 6e l'an prochain.
Je remercie beaucoup Leiloona qui m'a donné l'inspiration de ce roman en début d'année scolaire. 

La rivière à l'envers 1 - Tomek de Jean-Claude Mourlevat, Pocket jeunesse, 2009, 192p.