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27/08/2020

Temps glaciaires de Fred Vargas

Temps galciaires.jpgChose promise, chose due : voici le deuxième Vargas dont je vous parlais dans le précédent billet - et puisqu'il m'a offert quelques bons jours de dévoration livresque, j'espère qu'il saura aussi me remettre le pied à l'étrier du blog après cet été d'intense procrastination. J'avoue que là, je peine un peu à trouver la motivation, très engluée dans une flemme intense et probablement aussi un genre de déni de rentrée. Et vous, ça se passe comment ?

Temps glaciaires est l'exception qui confirme la règle de tous les Vargas que j'ai lus jusqu'ici puisque le début n'est pas lent du tout et ça fait du bien. C'est là le premier point qui fait que ce titre est mon préféré de l'auteure à ce jour. Très rapidement, on se trouve confronté à plusieurs suicides qui n'en sont pas, évidemment. C'est d'abord Danglard puis Adamsberg qui participent à l'élucidation de ces morts suspectes, liées entre elles par un étrange signe qui pourrait être une initiale, un signe dans une langue étrangère ou une guillotine stylisée. Allez savoir. En grattant un peu, on se retrouve assez vite (décidément, ce n'est tellement pas courant qu'il faut le souligner) face à deux pistes possibles : celle d'un voyage en Islande vieux de plusieurs années et celle d'une association de reconstitution historique centrée autour de la figure de Robespierre. Dans un cas comme dans l'autre, ça fait un peu froid dans le dos, n'est-ce pas ?

L'enquête est passionnante de bout en bout, non seulement pour son aspect strictement policier puisque le mystère est impeccablement entretenu mais aussi pour son aspect historique - et je retrouve exactement ici ce que j'aime chez Vargas : une auteure qui sait distiller des pointes d'érudition sous un style enlevé, à la fois familier et poétique, et une intrigue qui pique la curiosité. Toutes les discussions entre les personnages autour de la Révolution et de la figure de Robespierre étaient si intéressantes qu'elles m'ont donné envie de creuser le sujet par la suite (A cet égard, je vous conseille l'excellente conférence d'Henri Guillemin sur le sujet disponible sur Youtube : probablement ce que j'ai entendu de plus passionnant et de plus éclairé sur la question).

Au coeur des dites discussions, Danglard tire indéniablement son épingle du jeu et montre une facette de sa personnalité trop peu exploitée jusqu'ici au profit des intuitions d'Adamberg. Je suis ravie que l'auteure lui donne enfin un rôle à sa mesure. En contrepoint, Adamsberg apparaît aussi plus complexe, plus humain à dire vrai. D'une manière générale, j'ai aimé ces personnages de la maturité, moins caricaturaux et plus profonds.

Je n'ai pas enchainé sur un troisième titre de Vargas après ça, bien que j'en aie déniché un nouveau en bouquinerie depuis. Je préfère, pour l'heure, profiter de ce coup de cœur policier comme il m'arrive rarement d'en avoir et le conseiller à tous ceux qui veulent bien m'entendre prêcher la bonne parole (j'ai déjà fait une victime aussi enthousiaste que moi depuis. J'espère avec ce billet grossir les rangs des adeptes). En attendant, le mois américain de Titine attaque très bientôt. Croisons les doigts que cela réveille un peu mon envie d'écrire !

19/12/2018

Ásta de Jón Kalman Stefánsson

Ásta,jón kalman stefánsson,grasset,rentrée littéraire 2018,rl2018,littérature scandinave,littérature islandaise,islande,amour,passé,poésiePuis quelqu'un sort se mesurer à la vie en combat singulier. 

Ásta, c'est l'amour, à une lettre près. Elle naît dans les années 50 d'un amour passionnel entre Sigvaldi et Helga, qui tôt après se séparent. Ces deux-là n'avaient sans doute pas fini de se chercher - ou, plus justement, n'avaient pas encore trouvé comment coller au monde sans se perdre. L'un peint, l'autre chante. L'un aime, l'autre se tourmente. Puis un beau jour, Sigvaldi tombe d'une échelle et se souvient de tout. Ásta vit elle-même quelques histoires marquantes, assez furieuses, au fil des ans. A l'heure où les pages du présent roman s'écrivent, Ásta est une femme d'âge mûr. Elle est seule et écrit, à celui qui est peut-être le narrateur entre les pages, des lettres brûlantes pour qu'il n'y ait plus de secrets. Pendant ce temps-là, ce fameux narrateur, énigmatique personnage, ne se découvre qu'à travers ce qu'il raconte. Tout cela existe-t-il seulement ? C'est dans la solitude qu'il trouve la force d'effeuiller progressivement mille vies. Seul face à la mer, dans les embruns sauvages d'une région reculée d'Islande, aux prises parfois avec un voisin inopportun, le voilà donc, à nous parler de tous les détours de l'amour. 

Peu de choses sur terre sont plus belles que la discrétion, quand elle s'accompagne de douceur et non de soumission.

On l'a lu partout et c'est vrai : Ásta est impossible à résumer - du coup, j'ai biaisé à la manière de l'auteur, ce petit filou, pour vous donner un aperçu du kaléidoscope que représente ce roman. Ásta est le point de convergences de toutes les ramures de l'amour et ce n'est pas toujours une partie de plaisir. A l'occasion, l'amour écorche, rabroue, gifle ; il se trouve aux prises avec la jeunesse, les rêves ou l'alcool. Il n'a pas d'âge mais arbore maints visages. Aussi, nous n'avons pas à faire à une histoire, celle d'Ásta, mais à plusieurs dizaines, chacune un reflet, un écho, une vibration de l'amour, accordée au violon de ce personnage féminin, somme toute assez peu aimable si vous voulez mon avis, malgré l'aura qu'elle est censée dégager. A la vérité, Ásta est insaisissable, et c'est finalement ce qu'il y a de plus attirant depuis que le monde est monde. 

Mais pourquoi fallait-il que tes cheveux brillent ainsi au soleil ? Et que la commissure de tes lèvres soit comme calquée sur les larmes.

Ô chance pour le lecteur : malgré les méandres du récit, le style de Stefánsson est parfaitement clair et direct. Point trop sirupeux et juste ce qu'il faut de mystère. La poésie creuse toujours un profond sillon au sein du roman et c'est là ce qui est particulièrement délicieux. A l'occasion seulement, l'auteur tombe un poil dans l'écueil du poète qui s'emballe et devient lyrique (spéciale dédicace à l'amour d'enfance d'Ásta). C'est la raison pour laquelle j'ai laissé passer du temps avant de rédiger ma chronique : la guimauve éparse finirait-elle par tout obscurcir ou garderais-je, au contraire, cette gamme infinie des amours humaines, joliment déclinée et mise justement en résonance ? Vous l'aurez compris, c'est la seconde option qui a pris le pas sur la première. Honnêtement, malgré les maladresse, Ásta cerne sacrément bien le cœur de l'homme - que je n'ai pas lu encore, soit-dit en passant. Mais puisqu'Ásta m'a tellement plu, c'est peut-être le moment ou jamais de finir enfin sa première trilogie romanesque ? La suite au prochain numéro. 

En attendant, je remercie Moka d'en avoir tellement bien parlé que ça m'a collé l'envie immédiate de le découvrir. (Vivent les blogs, tout ça tout ça). 

Romans de Stefánsson précédemment chroniqués :

Entre ciel et terre

La tristesse des anges 

22/09/2018

La saga de Grimr de Jérémie Moreau

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Donc, Grimr n'a pas vraiment de bol. Il se retrouve orphelin après le caprice d'un volcan local, enlevé par un marchand d'enfants puis libéré par un escroc auquel il se lie durablement. L'Islande est particulièrement hostile. Non seulement par sa nature sauvage, indomptable, mais aussi et surtout par le joug des Danois depuis le XIVe siècle qui la cantonne à une existence moyenâgeuse tout en spoilant ses richesses. Heureusement, Grimr est extrêmement fort et ne craint pas grand chose. Il est capable d'abattre de lourdes besognes et de se défendre en toutes circonstances. Pour certains, il est une brute, pour d'autres un ogre ou un troll. Mais qu'est-il vraiment ? Le sait-il seulement ?

Comme bien des sagas nordiques, celle-ci raconte les "faits et gestes d'un personnage, digne de mémoire"*, à ceci près que ce dernier n'a rien de brillant. Grimr est l'anti-héros de saga par excellence : pas de lignée, pas de position sociale - et c'est quand même la plaie au XVIIIème, pas de femme, pas de destinée grandiose. Il doit ses exploits, souvent étranges ou violents, à sa force herculéenne et à sa ténacité sans borne. Grimr s'acharne à vivre, quoiqu'il arrive - et c'est sans doute sa plus grande leçon. 

Arrivée au terme de cette BD passionnante, j'ai toujours autant de mal avec le graphisme des visages, définitivement. Par contre, je suis tombée amoureuse des paysages islandais, vastes, déserts, aux couleurs fauves et ardentes - qui frisent l'abstrait sur certaines pages. La saga de Grimr est, comme bien des initiations, un voyage à travers des terres arides et magistrales pour arriver jusqu'à soi et ce fut, pour moi, un enchantement en même temps qu'une vague d'émotions. Grimr dit avoir "un volcan dans l'âme" ; c'est définitivement mon cas aussi à présent qu'ont défilé sous mes yeux mes planches magnifiques de Jérémie Moreau.

*dixit Régis Boyer

 

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