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05/09/2011

L'oiseau canadèche de Jim Dodge

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L'Oiseau Canadèche de Jim Dodge, Cambourakis, 2010, 105 pages

 

 

C'est l'histoire d'un trio improbable : Pépé Jake, vieil ours solitaire adepte d'un breuvage d'immortalité, recueille son petit fils de 3 ans, Johnny dit Titou, après la mort brutale de sa mère. A leur relation fusionnelle et curieusement complémentaire va s'ajouter le canard Canadèche, trouvé oisillon dans un trou de clôture et bientôt grasse femelle bavarde, inséparable des deux hommes.
A noter que Canadèche vient d'un jeu de mot assez foireux en traduction française mais savoureux en version originale : Canard se disant duck en anglais, Pépé Jake décide de l'appeler Fup : Fup duck pour la proximité sonore avec Fucked up. 
Bon, j'ai dit que c'était savoureux, pas intellectuel... (héhé)


La narration se déroule sur le ton du conte (décidément!), à la fois simple et profond, plein d'une malice qui en cache gros sous le manteau. S'il l'on veut bien creuser un peu, il est question de vie et de mort, de la liberté et de la poésie du quotidien. Il y a aussi un vif plaidoyer en faveur de cette nature riche et sauvage :


"Ah ! Là là. Vous autres, les blancs vous avez beaucoup fait pour nous prendre tout ça. Mais vous n'avez rien fait pour le mériter. Votre désir, c'est de tout domestiquer. Si vous vouliez bien demeurer immobiles un instant et laisser vos sensations agir au fond de vous-mêmes, vous comprendriez combien toute chose désire être sauvage".

 

Au final, on suit les pérégrinations des personnages avec un franc plaisir. Et c'est presque à se demander si leurs loufoqueries  ne finiraient pas par avoir plus de sens que nos petits gestes quotidiens...

 

*

 

 

25/08/2011

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de M-A Shaffer et Annie Barrows


De ces livres qu'on laisse s'endormir sur une étagère après leur sortie puis qu'on finit par aller repêcher à force de critiques enthousiastes de toutes parts (Merci Mélie !)


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Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Nil, 2009/ 10/18, 2011

 

1946. Juliet, londonienne trentenaire, est en pleine tournée de promotion pour son dernier livre. Elle connait le succès grâce à une compilation d'articles humoristiques publiés sous pseudonyme chez Stephens & Stark.
Juliet aspire maintenant à d'autres horizons littéraires. Fini le pseudo, fini l'humour : il est temps de passer aux choses sérieuses. Sauf que l'inspiration fait défaut.

Et voilà qu'arrive une lettre sortie de nulle part, point de départ d'une correspondance truculente et pleine d'affection avec le cercle littéraire de Guernesey. De fil en aiguille, ces étrangers deviendront ses amis, sa famille et la source de son futur roman.


Dawsey dit de Juliet qu'elle a un tempérament solaire et on pourrait l'attribuer au roman tout entier. Touchant, drôle et profondément humain (comme le souligne si bien la 4eme de couv), ce livre se boit comme du petit lait avec le sourire aux lèvres.
D'anecdotes de guerre en propos du quotidien, c'est un hymne joyeux à la lecture et à l'amitié. Au partage en somme. A lire sans modération pour prolonger en douceur le goût des vacances.

 

*



Je vous laisse quelques petits morceaux choisis pour vous régaler par vous mêmes :

"J'adore faire les librairies et rencontrer les libraires. C'est vraiment une espèce à part. Aucun être doué de raison ne deviendrait vendeur en librairie pour l'argent, et aucun commerçant doué de raison ne voudrait en posséder une, la marge de profit est trop faible. Il ne reste donc plus que l'amour des lecteurs et de la lecture pour les y pousser. Et l'idée d'avoir la primeurs des nouveaux livres.
[...]
Je trouvais incroyable à l'époque - et encore aujourd'hui - qu'une si grande partie de la clientèle qui traîne dans les librairies ne sache pas vraiment ce qu'elle cherche, mais vienne juste jeter un oeil aux étagères avec l'espoir de tomber sur un livre qui répondra à son attente. Puis, quand il sont assez futés, ils vous posent les fameuses trois questions : 1. De quoi ça parle? 2. Vous l'avez lu ? 3. C'est bien ?
Les vendeurs bibliophiles pur jus - comme Sophie et moi l'étions - sont incapables de mentir. Nos visages nous trahissent immédiatement. Un sourcil arqué ou un coin de lèvre relevé suffit à trahir le libre honteux, et incite les clients futés à demander autre chose. Nous les conduisions alors de force vers un opus précis que nous leur ordonnons de lire. S'il leur déplaît, ils ne reviendront jamais ; mais, s'ils l'apprécient, ils seront clients à vie."pp 27-28

 

"Isola nous a raconté que, lorsque sa Mamie Phine avait neuf ans, son père a noyé son chat. Apparemment, Muffin est montée sur la table et a léché le beurre. Il n'en a pas fallu davantage à ce type infect pour fourrer la bête dans un sac en toile, le lester de quelque pierres et jeter le tout à la mer. Puis il a rencontré Phine qui rentrait de l'école et lui a raconté ce qu'il venait de faire en ajoutant : "bon débarras".
ll s'est rendu à la taverne en titubant, abandonnant l'enfant, assise au milieu de la route, pleurant toutes les larmes de son corps.
Un attelage est alors arrivé à vive allure et s'est arrêté à un cheveu d'elle. Le cocher s'est levé de son siège pour l'incendier mais son passager, un homme de grande taille vêtu d'un manteau sombre au col de fourrure, est descendu. Il a demandé au cocher de se taire et s'est penché sur Phine pour lui proposer son aide.
Phine lui a dit que personne ne pouvait l'aider. Muffin était partie pour toujours ! Son papa avait noyée sa chatte. Elle était morte. Elle ne la reverrait plus jamais.
L'homme a répondu : "Bien sûr que non, Muffin n'est pas morte. Tu ne sais pas que les chats ont neuf vies?" Phine en avait entendu parler oui. "Eh bien, il se trouve que je sais que ta Muffin n'en était qu'à sa troisième vie, si bien q'il lui en reste six."
Phine lui a demandé comment il le savait. L'homme a dit qu'il le savait, un point c'est tout. Il possédait ce don depuis sa naissance. Il ne savait pas pourquoi ni comment, mais des chats lui apparaissaient en pensée et il arrivait à discuter avec eux. Pas avec des mots, avec des images.
[...]

Oui ! La voilà ! Elle va naître dans une minute ! Dans un manoir... Non, un château. Je crois qu'elle est en France... Oui, elle est bien en France. Il y a un petit garçon. Il la caresse. Il l'aime déjà. Il va lui donner un nom... Comme c'est étrange... Il l'appelle Solange. C'est un nom bizarre pour un chat, mais bon. Elle va vivre vieille et mener une vie plein d'aventures. Cette Solange a beaucoup d'esprit. Quelle verve!
Mamie Phine était tellement emerveillée par le nouveau destin de sa chatte qu'elle a arrêté de pleurer. Mais Muffin lui manquerait tout de même énormément, a-t-elle dit à l'homme. Il l'a remise sur pieds et lui a expliqué que c'était normal de pleurer un si bon chat, que c'était même obligatoire et qu'elle serait triste encore un moment.
En attendant, il convoquerait Solange régulièrement pour prendre de ses nouvelles. Savoir si elle mangeait à sa faim et s'amusait bien. Il a demandé son nom à Phine, ainsi que celui de la ferme de ses parents. Il a noté tout cela sur un petit carnet avec un crayon en argent et lui a promis qu'elle recevrait bientôt de ses nouvelles. Il lui a baisé la main, il est remonté dans son attelage, et il a disparu.

Aussi absurde que cela puisse paraître, Sidney, Phine a effectivement reçu des lettres de lui. Huit longues lettres espacées sur une année, l'informant de l'existence que menait Muffin depuis qu'elle était devenue Solange. A l'en croire, c'était une sorte de mousquetaire féline. Elle n'avait rien de ces chats paresseux qui se prélassent sur des coussins et lapent de la crème. Elle bondissait d'aventure en aventure. C'est le seul chat à avoir jamais été distingué de la Légion d'honneur.
Tu n'imagines pas quelle histoire pétillante, brillante, pleine de rebondissements et de suspens, cet homme est allé inventer pour Phine. Je peux au moins parler de l'effet qu'elle a eu sur l'assistance : nous étions tous ravis. Même Will étant sans voix." pp 341-343

 

Bonne lectuuure !

 

21/08/2011

Vous descendez ? de Nick Hornby

 

 

Alors, avant toute chose, il faut le dire : trouver des livres réjouissants, c'est le parcours du combattant ! J'ai tourné des plombes dans les rayons avant d'être inspirée par deux ouvrages tandis que Tom est mort ou La mort en dédicace me sautaient au cou. Véridique.

Il y a une humeur d'époque à ne pas être très drôle et la production littéraire ne fait que le refléter, ce n'est pas ma faute (©Valmont, champion de la mauvaise foi)

Alors, j'ai fait ce que j'ai pu pour dégotter quelque chose qui donne le sourire, sachant que j'ai éliminé d'office la Chicklit (non, parce que bon.). Au final, je ne suis pas sûre d'avoir totalement rempli cette première mission ; à vous d'en juger.

 

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Vous descendez? de Nick Hornby, Plon, 2005 - 10/18, 2006, traduit de l'anglais par Nicolas Richard. (Edition originale : A Long Way Down, 1992)

 

Quatre losers se retrouvent fortuitement le soir du 31 décembre sur la tour du saut : ils ont tous décidé d'en finir.
Entre un présentateur télé déchu, un musicien raté, une ado à claquer et une vieille fille à bout de dévouement, strictement rien ne les rapprochent a priori si ce n'est une certaine lassitude de vivre. C'est sans compter l'arrivée de quelques pizzas autour desquelles ils créent un cercle improbable sensé les ramener, l'air de rien, à la vie.


Pour être tout à fait sincère, il y a du pour et un peu de contre.
Le contre :  Le bouquin avançant, je n'ai pas forcément compris où l'auteur voulait en venir. Qu'il n'y ait pas de franche happy end peut se comprendre ; cela aurait manquer de crédibilité. Mais il n'y a pas pour non plus de france évolution chez les personnages et ça, c'est déjà plus ennuyeux parce qu'on tourne parfois un peu en rond. On en vient à se dire que, partis losers, ils risquent franchement de le rester. C'est plutôt dommage.

Le pour : L'écriture de Nick Hornby est simplement excellente. Enlevée,  pleine d'humour, d'auto-dérision et de perspicacité, un vrai délice. Arriver à transformer le sujet le plus plombant du monde en une fable drôle et atypique, il y a de quoi lui tirer son chapeau. Parce que oui, contre toute attente, on sourit, on rit même, en lisant ce livre.


Au fond, le bonhomme ne nie pas l'humeur actuelle à ne pas être drôle. Sauf que, contrairement à pas mal d'écrivains qui s'engluent là dedans, il applique avec l'écriture ce petit mot d'Elizabeth McCracker qu'il met en exergue : "On dira ce qu'on voudra, le remède contre le malheur, c'est le bonheur".



*


Incipit :

 

MARTIN

 

"Vous avez vraiment envie de savoir pourquoi j'ai voulu sauter du haut d'un immeuble ? Je vais vuous le dire. Je ne suis pas complètement idiot. Il y a une explication logique, car c'était une décision logique, le fruit d'une véritable réflexion. Même pas une réflexion très sérieuse, d'ailleurs. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un coup de tête, mais rien non plus de terriblement compliqué, ou douloureux. On peut présenter les choses de la manière suivante : vous êtes, par exemple, le sous-directeur d'une banque à Guildford, et vous avez envie d'émigrer. Justement, on vous propose de diriger une banque à Sydney. Même si la décision vous paraît évidente, avant de donner votre réponse, il faudra quand même que vous y réfléchissiez un peu, non? Pour savoir si vous pourrez supporter de déménager, quitter vos amis et vos collègues, expatrier femme et enfants. Alors vous vous asseyez avec un bout de papier et vous dressez la liste des pour et des contre. Par exemple :

CONTRE : Parents âgés ; amis ; club de golf.

POUR : Salaire plus élevé ; meilleure qualité de vie (maison avec piscine, barbecue etc) ; mer, soleil ; pas de commissions gauchistes pour censurer "j'ai du bon tabac dans ma tabatière" ; pas de directives européennes pour interdire les saucisses britanniques etc.

Le choix est vite fait, n'est-ce-pas? Le club de golf ! Laissez-moi rire. Evidemment, vos parents âgés vous font hésiter un instant... Mais seulement un instant, et encore, très court. Allez, je ne vous donne pas dix minutes avant que vous téléphoniez aux agences de voyage.

Voilà, telle était ma situation. J'avais beaucoup, beaucoup de raisons de sauter. Le seul élément figurant dans ma colonne des contre, c'était les enfants. Mais de toute manière, Cindy ne me laisserait jamais les revoir. Je n'ai pas de parents âgés, et je ne joue pas au golf. Sans vouloir froisser le bon peuple de Sydney, on pourrait dire que le suicide était mon Sydney à moi."