26/11/2011
Un chant de Noël de Charles Dickens
Il serait peu de dire qu'en matière de livres de Noël, ce conte de Dickens vient immédiatement à l'esprit, avant n'importe quel autre. C'est un peu l'étalon du conte de Noël.
Et pourtant, je ne l'avais jamais lu. Peu importe, comme dit Karine, ce qu'il y a de bien dans les lacunes, c'est qu'on a encore pleins de livres à découvrir. Oui, da!
Un chant de Noël de Charles Dickens
Voyons voir. Il était une fois un petit bonhomme exécrable et avare qui détestait Noël, j'ai nommé Ebenezer Scrooge. Il n'en avait rien à fiche de cette fête et de la générosité qu'elle appelle. Rien ne lui importait plus que d'avoir la paix et de compter ses pièces d'or.
Pourtant, quelques esprits chafouins, celui de son ancien associé puis ceux des Noël passés, présents et futurs vont venir chatouiller son repos et l'inciter à évoluer - en jouant tour à tour sur sa nostalgie, sa curiosité, son affection refoulée ou tout simplement en lui collant la frousse.
Et, n'est-ce-pas merveilleux? Tout cela va faire son chemin en Scrooge. A l'issue de ces voyages extraordinaires, il se réveillera le matin de Noël comme un nouvel homme. Tout est bien qui finit bien !
Bien sûr, on pourrait être pointilleux, chercher la petite bête quant au style et à ses rares lourdeurs et trouver que la morale est saupoudrée à grosses gouttes.
Mais enfin, on est quand même en train de parler de Dickens, écrivain des plus mineurs s'il en est, et son talent de conteur est tellement éclatant. Cette magie à travers laquelle voyage Scrooge, nous y voyageons aussi. Nous sommes ce personnage tout au long du récit et il est bon d'entendre Dickens nous rappeler deux trois petits bonheurs simples. Cela sans compter sa touche particulière à décrire le quotidien des petites gens, cette précision et cette affection profonde que l'on sent dans les descriptions des rues, des passants, des repas modestes. C'est très enrobé, pour sûr, mais c'est savoureux et parfois même avec une pointe d'humour.
Il ne m'a manqué qu'une chose lors de cette lecture, finalement : un sapin déjà décoré et un feu de cheminée pour y être tout à fait !
Et mine de rien, je complète/commence deux challenges avec cette heureuse lecture :
Challenge La magie de Noël
2/On verra
Challenge Gilmore Girls
1/3
Et puis, juste pour le plaisir, parce que ça me rappelle mon enfance, voici en deux parties l'adaptation du conte par Disney en moyen métrage, daté de 1983 (oui, je ne parle pas du récent film). J'adore!
09:00 Publié dans Challenge, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dickens, chant, conte, noël
23/11/2011
Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer
[Ante-scriptum : Chères amies swappées, premier compte à rebours : il reste officiellement 10 jours pour la constitution des colis! Envois à partir du 4 décembre! Youhou! ]
Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer, ed. de l'Olivier, 2006, 423p.
Pour reprendre l'expression fétiche d'Oskar, ce livre m'a filé des semelles de plomb. Le refermer surtout. Un peu comme Oskar court tout New York pour se donner l'illusion d'être toujours avec son père, on continue le livre pour oublier qu'il y a une fin.
Non mais, qui est ce Jonathan Safran Foer?! Qui lui a greffé ce talent ? Sérieux les mecs, tant mieux pour lui mais vous auriez pu en laisser un peu pour les autres quand même, c'est pas cool pour eux.
Le jeune Oskar, garçon naïf, insomniaque mais surtout étonnant, ne se remet pas du décès de son père dans les attentats du 11 septembre. Comment le pourrait-il ? Trop soudain et trop absurde pour l'entendement. Entre deux inventions farfelues et quelques lettres à des figures tutélaires, il découvre une clé dans le dressing de son père, contenue dans une enveloppe au mystérieux nom "Black" inscrit dessus. Il se lance alors dans une quête initiatique pour retrouver tous les Black du bottin - peut-être savent-ils quelque chose sur son père et sur cette clé?
On retrouve dans cet objet littéraire toutes les explorations initées par l'auteur dans son premier roman. Les jeux typographiques, l'utilisation graphique du blanc, l'insertion de photographies. Les enjeux narratifs avec l'alternance de points de vue dans un style elliptique, plein d'une légèreté drolatique et d'une émotion douloureuse. Et puis cette problématique de la mémoire et de l'oubli. J'aime ce que dit la 4eme de couverture de l'édition courante : "Quand tout a été oublié, il ne reste plus qu'à inventer". C'est exactement ça. Tout le cocasse du style et du propos met en lumière le gouffre gigantesque de l'absence. C'est sûrement ça qui colle à ce point des semelles de plomb. Parfois la vie n'a pas tellement de sens, on essaye juste de combler cette évidence.
Tout simplement stupéfiant, talentueux, profondément original et universel.
Jonathan Safran Foer, une chose est sûre : tu n'as pas volé ton statut de phénomène littéraire international.
*
Extrait :
"Il nous faudrait des poches bien plus grandes, je me suis dit ça dans mon lit en comptant les sept minutes qu'il faut en moyenne aux gens pour s'endormir. Il nous faut des poches énormes, des poches assez grandes pour notre famille, et nos amis, et même les gens qui ne sont pas sur notre liste, les gens qu'on a jamais vus mais qu'on veut quand même protéger. Il nous faudrait des poches pour les districts et pour les villes, une poche qui pourrait contenir l'univers.
Huit minutes trente-deux secondes...
Mais je savais qu'il ne pouvait pas y avoir de poches si énormes. Pour finir, tout le monde perd tout le monde. Il n'y avait pas d'invention pour dépasser ça, et alors, cette nuit-là, je me sis senti comme la tortue qui a tout le reste de l'univers sur son dos."
*
Bande-annonce de l'adaptation cinématographique réalisé par Stephen Daldry (The Hours, Billy Elliot), sortie en France le 29 février 2012
09:00 Publié dans Coups de coeur, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jonathan safran foer, 11 septembre, génie, semelles de plomb
24/10/2011
Comment rêvent les morts de Lydia Millet
[Ante-Scriptum : Encore une dizaine de jours pour les inscriptions au swap de l'hiver ! Venez compléter notre impairitude ! Les renseignements ici et les inscriptions ici]
C'est l'histoire d'une inscription à un partenariat faite en 3sec chez Hérisson : "Ah tiens, il reste des bouquins?" "Ah tiens, le résumé lu en diagonal a l'air sympa". Et puis, hop, quelques jours plus tard, c'était dans ma boîte aux lettres.
Note pour moi-même : renouveler ce genre d'impro de temps en temps, ça a du bon.
Comment rêvent les morts de Lydia Millet, Le Cherche-Midi, coll. Lot 49, sept. 2011
T. est un capitaliste né. Depuis son plus jeune âge, il nourrit une passion pour l'argent ; sa matérialité, son économie et plus tard son abstraction grisante. D'une apparence un peu austère pour ses collègues de fac qui ne jurent que par les fêtes orgiaques, T. calcule tout et construit patiemment son petit empire immobilier qui n'a que faire de la molle bien-pensance. Il est un pur archétype de notre société indivualiste. Self made man, certes. Condescendant et au détriment des autres, et alors?
"La stricte discipline de discrétion faisait partie de sa formation. Il était crucial, estimait-il, d'apprendre quels aspects de sa personne afficher à la vue de tous, et quels aspects garder cachés. L'honnêteté était rarement la meilleure stratégie dans les rapports sociaux, et la prôner comme un idéal, pensait-il, ne reflétait qu'un désir infantile de pure simplicité dans le domaine des échanges personnels. Ceux qui clamaient avec véhémence que l'honnêteté était une vertu souveraine avaient en fait simplement peur de tout ce qui est complexe."
En pleine ascension, des éléments commencent pourtant à grignoter l'édifice. La mort d'un coyote en pleine face puis son père qui déserte, laissant sa mère désorientée. Tout cela ébranle T. mais n'entâche pas la poursuite de sa routine pour autant. Mais lorsque Beth, cette femme aimée -et la seule jusqu'ici, meurt brutalement, l'existence de T. sombre dans une complète déréliction, révélant le vide ontologique de cette société du toujours plus.
"Des villes se construisaient, s'érigeaient vers le ciel, remparts de confort et utopies de consommation - l'essor de l'empire qu'il avait toujours chéri. Mais sous les fondations la croûte terrestre semblait bouger et s'ameublir, s'écroulant et s'incurvant sous elle-même."
Son quotidien n'est alors plus qu'apparence. Il se questionne sur la place de l'être, revoit ses relations anciennes et en développe de nouvelles - avec Casey par exemple. En secret, il nourrit un grand intérêt pour les espèces animales en voie de disparition qui va peu à peu friser l'obsession. Comme si, après s'être fondu dans les lumières du capitalisme, il cherchait à nouveau à se fondre totalement ; comme s'il cherchait une nouvelle dissolution.
"Un empire n'avait d'allure que lorsqu'il était construit sur un fond d'océans et de forêts. C'était une nécessité. Si les océans se mouraient et que les forêts étaient remplacées par des chaussées, même un empire serait dépouillé de son importance. Seul, pensa-t-il - c'est un mot qui lui venait de plus en plus souvent à l'esprit, dans un rythme monotone, comme moqueur. Dans le zoo, les animaux rares auraient pu être orphelins, capturés ou même nés en captivité. Il ne savait absolument pas d'où ils venaient, ne pouvait pas être au courant de leurs histoires individuelles. Mais il connaissait leur position, tout comme il connaissait la sienne : tels des pionnies, ils étaient aux avant-postes de la solitude. Ils étaient les messagers envoyés en éclaireurs voir à quoi ressemblait le nouveau monde."
Ce livre là, au fond, n'est pas tant le plaidoyer d'une certaine écologie moralisatrice que l'exposé de l'absurdité de notre époque : à avoir travaillé durant des siècles à se couper de nos racines matérielles, sociales et spirituelles dans l'espoir orgueilleux de devenir des êtres libres - oubliant alors que sans balises, point de liberté -, les hommes ne sont parvenus qu'à créer un chaos existentiel dépouillé de toute profondeur. L'homme ne sait plus vivre que selon le modèle qui lui est présenté, il est un perpétuel enfant. Et même lorsqu'il cherche à s'en détacher, à l'image de T., il ne fait que plonger dans un autre modèle, tout aussi extrême.
La réponse n'est pas dans la recherche de nouveaux modèles. C'est seule la profondeur des racines - c'est s'en rappeler - qui garantit une certaine mesure et du sens au quotidien.
C'est là, me semble-t-il, l'enjeu majeur de cet excellent roman que je vous conseille chaleureusement!
Un grand merci à Hérisson et à Solène P. des éditions du Cherche Midi pour l'opportunité de ce partenariat.
Challenge 1% de la rentrée littéraire 2011
8/7
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09:00 Publié dans Challenge, Coups de coeur, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rentrée littéraire, animaux, enjeu contemporain, racines, sens