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17/07/2019

Mystère rue des Saints-Pères de Claude Izner

claude izner,mystères rue des saints-pères,roman policier,polar,victor legris,enquête,mort,meurtre,abeille,exposition universelle,tour eiffel,grands détectives,kenji moriAprès un début d’été laborieux en terme de lecture, j’ai décidé de me remettre sur des rails avec un bon vieux roman policier à la recette toujours efficace en période de panne : écriture facile à dévorer ; contextes historique et géographique alléchants ; enquête légère et sans prétention. Un seul objectif : s’aérer le neurone.

Mystère rue des Saints-Pères est le premier tome des enquêtes de Victor Legris, bouquiniste parisien fin dix-neuvième. L’affaire du présent roman se déroule durant l’Exposition universelle de 1889 où la Tour Eiffel fait horreur fureur. Victor est invité à profiter de celle-ci depuis son second étage par son ami journaliste Marius Bonnet, fraîchement à la tête du Passe-Partout, en compagnie de toute son équipe – et le charme de Tasha Kherson, la caricaturiste, ne laisse pas Victor indifférent, d’ailleurs. Or, à ce même étage et au même instant, une femme trouve la mort à la suite d’une piqûre d’abeille – du moins le pense-t-on jusqu’aux billets anonymes reçus le lendemain aux rédactions du Passe-Partout et d’un autre quotidien concurrent qui suggèrent plutôt le  meurtre et, surtout, jusqu’aux nouvelles morts successives, toujours selon le même modèle opératoire. Autant dire que la piste de l’essaim d’abeilles tueuses s’amenuise de plus en plus ! Progressivement, et principalement parce qu’il commence à soupçonner alternativement son associé et père de substitution Kenji Mori, et la belle Tasha, Victor Legris décide de mener l’enquête.

Comme tous premiers tomes de série, l’entrée en matière de Mystère rue des Saints-Pères est longue et pas forcément palpitante. On plante le décor, on fait mourir quelques personnages, on apprend à en connaître d’autres, ceux qui seront les protagonistes récurrents, et on déambule dans ce Paris post-Haussmannien si délicieux et dans cette Exposition universelle qui, elle, n’a rien d’engageant (coucou le colonialisme). Honnêtement, je n’ai pas été follement emballée de prime abord, même si l’écriture est agréable, sans être transcendante, et même si le contexte a tout, a priori, pour me faire rêver. Je pense que cette difficulté et, du coup, ma dureté de jugement des quelques dizaines de premières pages est à mettre essentiellement sur le compte de ma période laborieuse de lecture (pour le reste, soyons clairs, je ne juge pas le bouquin à l’aune de la grande littérature hein, je le prends vraiment pour ce qu’il est).

Mais une fois que l’enquête a enfin démarré, comme prévu, je me suis laissée embarquer, bon public, dans ces morts mystérieuses qui n’ont, semble-t-il, aucun rapport ni ne suivent aucune logique. Victor Legris ne m’est pas apparu fort aimable, mais il a un caractère bien trempé et très moderne et on le suit avec plaisir. J’ai cependant préféré son mentor japonais, M. Mori, et j’espère le retrouver, ainsi que ses proverbes orientaux dignes des biscuits de bonne fortune, dans les prochains titres de la série que je garderai au chaud en prévision de prochaines pannes de lecture. 

Ceci étant dit, je vous espère tous en vacances, sur le point de l'être, ou du moins serein et de bonne humeur - et évidemment, plongés dans de passionnantes lectures.  

PS : Je viens de réaliser que c'est la troisième chronique de roman policier que je publie d'affilée alors que c'est un genre littéraire que je ne lis même pas tant que ça, et que les trois se passent au dix-neuvième. Ça frise la mono-maniaquerie, cette histoire. Note à moi-même : diversifier un peu mes publications à l'avenir - par exemple, songer à envoyer plutôt des chroniques qui moisissent depuis mille ans en interne, pour changer. Voilà, je pose ça là pour m'y tenir la prochaine fois. 

11/05/2019

La promesse de l'aube de Romain Gary

la promesse de l'aube,romain gary,autobiographie,roman autobiographique,écriture de soi,amour,amour maternel,mère,devenir écrivain,rêve,ambition,guerre,aviation,première guerre mondialeDonc je découvre La promesse de l'aube et, plus largement, Romain Gary, sur le tard. Pour dire vrai, ça ne m'attirait pas plus que ça et la tentative ratée que j'avais faite il y a peu d'années de La vie devant soi n'était pas pour m'y encourager. Sauf que l'écriture de Gary n'a rien à voir ici avec celle de l'avatar Emile Ajar, heureusement pour moi (mea culpa pour ceux qui aiment) et le présent d'anniversaire que voilà s'est chargé de me le faire comprendre (merci ♥). 

La vie est jeune. En vieillissant, elle se fait durée, elle se fait temps, elle se fait adieu.

Comme chacun sait, ou presque, La promesse de l'aube raconte la jeunesse de Romain Gary, de ses plus jeunes années russo-polonaises, où l'on croise un certain monsieur Piekielny, jusqu'à la vingtaine passée durant la Seconde Guerre Mondiale. Romain mange des steaks, essaye toutes sortes d'arts dans lesquels il est censé exceller et connaît ses premières amours, le tout mâtiné de fiction pour arrondir les angles et claquer à l'écrit. Bref, La promesse de l'aube est un roman autobiographique, vous avez compris le principe. Comme tous les textes autobiographiques, qu'ils soient plus ou moins fidèles, l'enjeu ne déroge pas à la règle : raconter la naissance de l'écrivain. En terme de contenu, l'originalité de La promesse de l'aube se situe là, d'ailleurs. Si l'on en croit notre auteur, il doit un tel destin à sa mère, double matrice originelle : celle de l'homme et celle de l'écrivain. 

[T]out ce que ma mère voulait, j’allais le lui donner.

Clairement, la mère de Romain Gary n'est pas une partie de plaisir. Elle est amour et dévotion, certes, mais elle est aussi complètement obsessionnelle, exubérante, ambitieuse, mythomane. Sans vouloir ramener Freud sur la table, je la trouve tout bonnement castratrice et elle m'évoque surtout une certaine idée de l'enfer. Mais soit, l'enfer est pavé de bonnes intentions ! C'est sûrement la lucidité totale et l'ironie décapante avec laquelle Romain Gary donne à voir sa mère, à qui il n'épargne rien, qui fait de ce texte une si belle déclaration d'amour d'ailleurs. J'avais peur, honnêtement de tomber sur un Livre de ma mère bis - ce qui explique principalement que j'aie rechigné des années à m'atteler à ce bouquin. Albert Cohen est évidemment talentueux, et son texte susnommé plein de richesses littéraires qui sauront en toucher plus d'un, mais ses larmoiements litaniques ont le don de provoquer chez moi un agacement agressif.

Roman Gary, lui,  est à des kilomètres du premier degré et exerce une ironie permanente à l'égard de tout, tout le temps (merci à toi, l'ami). Tantôt cette ironie est incroyablement fine et subtile, tantôt elle se meut en un humour  presque désopilant - et il se traite avec la même distance et la même rigueur de ton que les autres. Ses défauts ne sont pas épargnés : sa faiblesse parfois, sa vanité, son arrogance, sa futilité. A force d'être adulé durant l'enfance par une mère exclusive, il ne pouvait en être autrement, et il en a parfaitement conscience. Ce qui le sauve d'être un personnage détestable, c'est précisément cette distance perpétuelle à l'égard de toute chose de monde et de lui-même qui lui permet d'en prendre le contre-pied et d'en rire. 

L’humour a été pour moi, tout le long du chemin, un fraternel compagnonnage ; je lui dois mes seuls instants véritables de triomphe sur l’adversité. Personne n’est jamais parvenu à m’arracher cette arme, et je la retourne d’autant plus volontiers contre moi-même, qu’à travers le « je » et le « moi », c’est à notre condition profonde que j’en ai. L’humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l’homme sur ce qui lui arrive

Pour cela, et évidemment pour la déclaration délicieuse d'amour filial qui sourd de chaque phrase, La promesse de l'aube est effectivement un chef d'oeuvre. Sa réputation n'est pas usurpée et je suis ravie, enfin, de l'avoir lu à mon tour. Mieux vaut tard que jamais, surtout avec les classiques ! Je vous laisse sur l'un des plus beaux passages de ce roman qui vous permettra, par la même occasion, d'en comprendre le titre sibyllin. 

Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu.

30/04/2019

Les Cerfs de Veronika Mabardi et Alexandra Duprez

les cerfs,veronika mabardi,alexandra duprez,esperluète éditions,conte,poésie,illustration,art,mort,deuil,mutisme,traumatisme,reconstruction,amour,amitié,campagne,nature,joie,enfance,douleur,mois belge 2019Son silence tandis qu'ils attendaient qu'elle dise, manger, dormir, voir Maman, voir Papa. On peut tout demander hormis les seuls mots possibles, j'ai juste besoin de mourir, s'il te plaît, une toute petite mort, t'en fais pas, je ne serai pas longue. 

Face à la mort de sa mère, la petite Blanche, sept ans, ne trouve plus les mots ; ils se sont tous envolés. Alors, elle se tait. Impossible pour elle de formuler un tel traumatisme et là voilà page vierge face au monde. Son père et son frère, eux-mêmes aux prises avec une dépression sourde, n'ont pas la force de se confronter à la douleur indicible de Blanche et la confie aux bons soins d'Annie, dans une maisonnette à la lisière de la forêt. Ici, elle renoue avec le langage des adultes, fait de non-dits, de mensonges, de sous-entendus, toutes ces choses dont Blanche ne veut plus entendre parler, mais aussi de douceur, de compassion, de complicité et de rudesse. Puis elle découvre la nature, ce livre qui ne se dévoile qu'à celui qui s'ouvre de même à lui. Ces banalités quotidiennes sont autant de pas sur le chemin du deuil de cette petite fille muette et sur le chemin de ceux qui gravitent autour d'elle. Tous, ils apprennent ensemble à revenir à l'autre. 

Tous les bruits, ensemble. 

Un jour Blanche prendra les bruits. Elle fera une phrase. Elle fera une phrase avec le monde entier dedans, comme le chemin entre les hautes herbes, le jardin, la prairie, la forêt, le ciel ; toute fine, pas droite du tout, qui n'arrête jamais , on ne pourra pas la retenir, elle changera tout le temps, on sera dedans, on avancera avec elle, en même temps, on oubliera où elle a commencé et on ne saura pas où elle finit, on sera avec elle, à l'intérieur. Elle fera une phrase pour être en même temps jusqu'au ciel. Une phrase pour le renard. 

Texte et images ici sont indissociables et leurs poésies respectives se répondent. Veronika Mabardi écrit un conte tout en contrastes, aussi doux qu'amer, aussi léger que sombre qu'Alexandra Duprez traduit en noir et blanc, en lignes épaisses et métaphores acérées, parfois proches de l'abstrait. Les deux artistes contournent la violence première du deuil pour en exprimer les méandres lunaires qu'il occasionne lorsqu'il s'agit de continuer à vivre. La langue et le dessin sont simples. Aucune grandiloquence nulle part : on est dans le plus grand dépouillement. Cela pourrait laisser un peu dubitatif, de même que le mélange des voix et la grammaire parfois un brin aléatoire - mais ce livre unique doit être pris avant tout comme un laboratoire expérimental pour exprimer l'impossible : la mort, l'absence, cette page Blanche. Pour cela, il propose des échos infimes entre le dessin et des mots qui tâtonnent dans une nouvelle voie - entre le roman et la poésie - et l'ensemble atteint pleinement son but : toucher le lecteur et vibrer en lui après la lecture. 

Elle n'a jamais parlé comme ça, n'importe comment. C'est un début, c'est le langage qui se défait, qui oublie les lignes, tu n'aimes pas les lignes non plus toi, n'est-ce pas ? Dans tes dessins, rien ne va droit. 

Cette oeuvre à la verdeur des chemins peu parcourus, de la fraîcheur, de l'audace et de l'enthousiasme. Il fait bon découvrir de telles propositions artistiques dans le paysage éditorial : la création est décidément vivace et c'est revigorant. A cet égard, je salue le magnifique travail des éditions Esperluète pour ce livre. Le format, la mise en page, la typographie et la qualité du papier en font un objet délicieux qui se savoure autant que les mots de l'auteure et les dessins de l'artiste. Un grand merci à elles, ainsi qu'à Anne qui m'a permis de remporter ce livre touchant et original lors de son concours du mois belge 2018. Étonnamment, malgré le thème clairement difficile, sa lecture n'est jamais plombante. A tout moment, on sait que la lumière, ténue, finira par revenir. On sait aussi qu'elle s'en ira parfois à nouveau. On l'accepte, tout comme le fait Blanche. C'est la vie. 

Un soir, juste à la tombée de la nuit, quand le ciel hésite, il vient, jusque sur le chemin. Une ombre s'est glissée derrière le saule, approchée tout près, Blanche appuie son front à la vitre, elle ne bouge pas, mais lui, il l'a vue. Droit dans les yeux jusqu'au cœur. Qu'est-ce qu'elle croit ? Qu'elle peut devenir un objet, une fille en verre ? Elle se moque de lui, ou quoi ?

Observe, dit le renard. Regarde bien. Tout ce qu'ils font. Si tu regardes bien, tu sauras comment ça va finir. Alors, ce sera facile d'être Blanche. Tu sauras exactement ce qu'il faut faire. Je compte sur toi. 

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Troisième participation in extremis pour le mois belge 2019 chez Anne