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20/09/2015

L'Ermite de Rick Bass

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L'Ermite de Rick Bass, Christian Bourgois éditeur, 2004, 246p.

 

Je poursuis tranquillement mais sûrement ce mois américain avec un écrivain emblématique du Nature Writing, j'ai nommé Rick Bass. Malgré une première rencontre avec lui fort décevante et le fait que je ne suis pas fan de nouvelles, je me suis laissé tenter en brocante par le délicieux titre de ce recueil. Après tout, vous n'êtes pas sans savoir que je me délecte dans les idées comme dans les faits d'une certaine solitude en territoire dépeuplé (toute proportion gardée entre la Creuse et le Montana, évidemment.). Un peu d'esprit ouvert, me dis-je donc. Et ce sera l'occasion de constater si oui ou non, Rick Bass est définitivement un auteur dont je pourrais me servir pour caler les meubles ou pas*.

Peu de Nature Writing dans ce recueil, même si les grands espaces sont toujours un des personnages principaux des récits, qui fait la part belle à la fiction et met en jeu des êtres d'âges et de sexes différents toujours à un instant déterminant de leurs existences. Tantôt seuls, errants, tantôt blessés, bavards, pétris de doute ou de magie, tantôt face à un autre déconcertant ou plein d'amour, tous cherchent à avancer sans le dire, à tâtons ; à prendre le bon virage et être en paix.

Décidément, malgré un résumé des plus alléchants, la perspective de savourer des textes profonds entre réflexions philosophiques et beauté de la nature, Rick Bass fait chou blanc avec moi. Et tandis qu'il m'arrive régulièrement de ne pas apprécier un auteur mais de saisir les raisons qualitatives de son succès, je me demande sincèrement ce qui vaut à celui-ci d'être encensé comme l'un des plus grands écrivains américains contemporains. Winter, lu il y a deux ans, m'avait lassée par une plume insipide et une absence totale de recul qui donnait à l'ensemble les atours déplaisants de l'anecdote. Dans L'Ermite, je retrouve une pauvreté de style qui m'ennuie terriblement - On notera de temps à autre une tentative d'agrément stylistique bien maladroite (c'est le cas au début de la première nouvelle, par exemple mais est-ce l'auteur ou le traducteur qui patauge ici dans le semoule ? Je ne saurais le dire) - et une inégalité totale du propos. Sur l'ensemble des textes, j'ai réellement beaucoup aimé une seule nouvelle, la seconde, intitulé "Les cygnes", où il est question d'un vieux couple sans enfant perdu dans les montagnes et de la longue descente de l'homme dans l'ombre d'Alzheimer. Les autres m'ont laissée perplexe - quel était donc le but de cette nouvelle ? Tout ça pour ça ?! - voire décidément irritée - Qu'est-ce que c'est que cette littérature de bas-étage ? Ça mérite à tout casser le droit de se trouver dans mes toilettes !

J'ai donc picoré la plupart des nouvelles ici ou là, entre deux lectures, jusqu'au moment où je n'ai plus rien eu envie de picorer du tout. Même dans la fiction, Rick Bass est pénible et, j'ose le dire de manière péremptoire, médiocre. Le Nature Writing et, de manière générale, la littérature américaine contemporaine ont bien mieux à  offrir, et de loin. J'en conclus donc que Rick Bass me servira à l'avenir à caler les meubles, un point c'est tout.

 

*Je tiens à vous préciser que je n'ai aucune obsession particulière concernant les livres et les meubles. Il se trouve que j'ai écrit à deux périodes différentes l'article que voici et celui sur Jonathan Strange et Mr. Norrell, qui se retrouvent aujourd'hui consécutifs par le hasard de mes publications au petit bonheur la chance. Toutes mes excuses, donc, pour ce qui semble un espèce de gimmick à trois balles cinquante.

(On peut néanmoins préciser également que ce recueil de Rick Bass conviendrait bien mieux que le roman de Susanna Clarke pour caler les meubles. D'une part, parce qu'il m'a gonflée et, d'autre part, parce qu'il a un format bien plus adéquate. N'est-ce pas, Shelbylee ? )

 

Le mois américain.jpgLe mois américain 2015 chez Titine

2ème lecture

 

26/12/2014

L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de R. L. Stevenson

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L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de R. L. Stevenson, 1886

Lecture numérique

 

coup de coeur.jpgTout commence par une balade dominicale entre le notaire Utterson et son cousin Enfield. Ce dernier raconte une aventure étonnante et la rencontre qu'il fit un soir d'un bien étrange personnage : Tandis qu'il se promenait, il aperçoit une fillette et un homme qui marchent en direction l'un de l'autre. Au moment où tous deux se croisent, ils se heurtent, la fille trébuche et l'homme la piétine sans ménagement. Enfield se précipite aux côtés de l'homme et l'interpelle ; les parents accourent peu après pour invectiver la brute et réclamer un dédommagement. Il s'avère que l'homme en question a la caractéristique peu commune d'inspirer à la fois terreur et dégoût. Son visage, sans être difforme, apparaît immédiatement diabolique. Il semble également posséder une clé du laboratoire du célèbre docteur Jekyll puisque chacun l'y voit entrer et ressortir pour rapporter quelque argent aux parents de l'enfant piétinée. Utterson est aussi interloqué que curieux. Il se rend dès le lendemain chez son ami Jekyll pour percer à jour le secret de celui qui se fait appeler Edward Hyde. Comment et pourquoi, en effet, un médecin respectable, aimable et raffiné peut-il cohabiter avec un personnage de la pire espèce ?

Le propos mis en lumière dans cette délicieuse nouvelle n'est pas sans rappeler celui de Dracula : D'une part le Bien, de l'autre le Mal ; d'une part le côté lumineux, de l'autre le côté obscur de la force de l'homme. A cette exception près qu'ici, la scission se révèle à travers un dédoublement de personnalité. Le Mal n'est plus l'inconnu, l'étranger, comme dans Dracula - qui pourrait se lire comme ce qui a pu être oublié ou refoulé, ce qui est issu de temps trop anciens ainsi que l'est Dracula lui-même - mais bel et bien un autre moi-même. Dans L'étrange cas du docteur Jekyll et M. Hyde se dessine l'idée que le Mal est en nous, est conscient et vivant et près à l'action. L'homme, par nature, est complexe et bouillonne en lui le bon comme le mauvais.

Par ailleurs, Jekyll explique que la raison pour laquelle il persiste à devenir Hyde, même après avoir constaté les méfaits du personnage, est la bouffée d'air frais que ce dernier lui procure. La si délicate et policée société victorienne se trouve ici mise en mal. S'il est de bon ton d'être parfait aux regards d'autrui en tant que Jekyll ; il est encore meilleur, sous les traits de Hyde, de se laisser aller sans restriction en faisant fi de tous ces codes contraignants. Hyde est celui qui n'a honte de rien, ne respecte rien, ne s'oblige à rien. Il est l'homme détaché de la morale et des règles sociales. Un aperçu effrayant, certes, et qui n'est pas à souhaiter, mais qui a le mérite d'effriter l'hypocrisie sociale.

J'ai évidemment adoré cette nouvelle. On se laisse prendre au jeu de pistes suivi par Utterson pour comprendre qui est Hyde et quelle est sa relation avec Jekyll. En bonne pointilleuse littéraire, néanmoins, je dois avouer ne pas avoir compris pour quelle obscure raison on persiste depuis des années à classer cette nouvelle dans le genre fantastique. Strictement rien n'est fantastique ici, au sens littéraire du terme : nulle terreur ne point à l'horizon, nul évènement extraordinaire non plus, et encore moins d'hésitation entre fiction et réalité de la part des personnages comme du lecteur. Au contraire, le texte tient plutôt du genre policier puisque toute la première partie est consacrée à l'enquête d'Utterson qui cherche des indices et mène des interrogatoires nombreux. La seconde dévoile les raisons scientifiques - et non pas surnaturelles - de l'affaire et explique le mystère. Certes, tout cela repose sur une raison purement imaginaire et l'un des personnages en présence est violent et repoussant. Mais, à la limite, cela s'apparenterait plus aux prémices de la science-fiction qu'au fantastique : de même que dans Frankenstein, il y a une explication - on est dans le fantasme de manipulations médicales mal contrôlées qui dérapent et créent un monstre allégorique, et de même que dans Frankenstein, il y a une issue précise et irrévocable - la mort - à l'affaire. Bref, à partir du moment où se réunissent explication rationnelle et conclusion précise, je ne vois pas comment on peut être dans le fantastique qui est censé être exactement le contraire.

Bref, l'objet de ce blog n'est pas de couper les cheveux en 4 (même si j'avoue une petite accointance occasionnelle avec cette activité). Qu'il tienne ou pas du fantastique, du policier ou de la SF, L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde est excellent, passionnant et tout ce qu'il y a de plus prenant. Une courte lecture qui mérite deux heures passées au coin d'une cheminée à grignoter les restes de Noël. Et toc !

 

 

challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpgChallenge des 100 livres chez Bianca

18eme participation

 

 

 

 

Challenge XIX.jpgChallenge XIXe chez Fanny

11eme lecture

02/12/2014

Le Horla de Guy de Maupassant

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Le Horla de Guy de Maupassant, 1887
Lecture numérique

 

Au fil de quelques mois, au fil d'un journal, nous suivons la lente descente aux enfers d'un narrateur anonyme qui se croit épié et dominé par un être invisible. Tandis que les saisons défilent et offrent leurs beautés particulières, notre homme ne peut s'empêcher de s'enliser dans la folie - ou est-ce plutôt la plus cinglante lucidité ? Car tel est le maillon nécessaire du Horla : l'hésitation perpétuelle. Nous ne saurons jamais si le narrateur est un franc malade, pétri d'hallucinations, ou si ses sens sont si aiguisés qu'il est capable de sentir une présence invisible mais parfaitement réelle.

Est-il besoin de revenir sur les ressors canoniques du fantastique que Le Horla incarne par excellence ? J'aime décidément cette atmosphère entre chien et loup, où toutes les explications se défendent, où c'est précisément le but, et où l'on referme le livre en orchestrant mentalement un débat entre celles-ci (où l'on devient donc aussi un peu fou). Bien sûr, on finit toujours par pencher pour une option plus qu'une autre. Le Horla n'y fait pas exception, d'autant qu'il est impossible de ne pas songer à la propre folie de Maupassant en le lisant (mais était-il vraiment fou lui-même ? Telle est la question.). Le Horla apparaît comme la parfaite allégorie de la folie qui exerce progressivement une emprise majeure, une terreur viscérale et indiscutable sur celui qui sombre. Le fou est victime, esclave, de ce qu'il ne peut ni expliquer ni montrer mais qui existe pour lui, sans l'ombre d'un doute.

Je n'ai pu m'empêcher de penser, en lisant cette bien agréable nouvelle, au tableau de Füssli intitulé Le Cauchemar. Il retranscrit à merveille le propos du Horla : Un être imaginaire, qui se dérobe aux yeux de tous et ne semble se montrer que lorsqu'on sommeille, que l'on sait pourtant hideux et dangereux,  et qui, enfin, asservit l'homme - ou la femme - en oppressant sa poitrine, en l'écrasant et le dominant. Tout un programme !

 

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Le cauchemar de Füssli

 

Challenge XIX.jpgChallenge XIXeme chez Fanny

10ème lecture