26/12/2011
L'Amour d'Erika Ewald et autres nouvelles de Stefan Zweig
Je suis tombée amoureuse de Zweig dès ma première lecture, qui s'est faite, il faut bien le dire, sur le tard. Lettre d'une inconnue et La confusion des sentiments m'ont littéralement et littérairement enchantée. Néanmoins, j'ai décidément un problème avec les livres qui parlent d'amour, et j'avais trouvé dans Vingt-quatre heures de la vie d'une femme un sentimentalisme un peu empoulé et démodé qui m'avait malheureusement ennuyée.
Et pour le coup, le présent ouvrage ne déroge pas à cet ennui bien subjectif.
L'Amour d'Erika Ewald et autres nouvelles de Stefan Zweig, le livre de poche, 179p.
Publié en 1904 (et traduit en français en 1990), ce recueil fait partie des premières oeuvres de Zweig. Il se compose de quatre nouvelles de tailles inégales avec le point commun de brosser l'amour au sens large.
Dans les deux premières, il s'agit plutôt du sentiment amoureux avec tout ce que cet élan très humain implique d'illusion, de flammes, d'idéalisme et de tragique.
L'amour d'Erika Ewald expose la passion d'une jeune professeur naïve et chaste pour un musicien qui ne saurait sacrifié son art à aucun amour. Où il est question d'abnégation, de tension entre des sentiments purs, entiers et romantiques et le gouffre du désir qui ne souffre pas de refus.
Dans L'Etoile au dessus de la forêt, c'est cette fois un jeune serveur qui s'éprend en secret d'une femme inaccessible, et ça finit mal.
Les deux suivantes s'attachent plutôt à l'amour de Dieu.
Étonnant petit morceau, on retrouve dans La marche la journée d'un fervent croyant pour rencontrer Jésus à Jérusalem. Il le rate pourtant pour céder à un désir absolument pas transcendant et ignore du coup que son prophète tant aimé vient d'être crucifié.
Les prodiges de la vie, enfin, plus longue nouvelle du recueil (plus de 90 pages) plonge dans l'Anvers de la renaissance. Truffé de références historiques, artistiques et évidemment religieuses, le texte brosse la peinture d'une vierge à l'enfant à travers les questionnements mystico-picturaux de l'artiste et l'éblouissement mystico-maternel de la belle et jeune modèle.
Je fais, s'il était besoin de le préciser, un bilan assez mitigé de cette lecture. Je se saurais nier les qualités stylistiques de Zweig et cette capacité qui me fascine tant chez lui à sonder l'âme humaine avec une acuité et une tendresse si virtuose. On sent un amour profond de ses personnages, comme une délicate précaution à leur égard tout en ne faisant aucune concession à leurs élans paradoxaux et sans gloire, notamment dans La marche ou Les prodiges de la vie. Ce sont d'ailleurs les deux nouvelles qui m'ont le plus intéressée par ces raisons là - et parce qu'elles parlent le moins de sentiment amoureux.
Car, la conception de l'amour qu'expose l'auteur ici souffre d’obsolescence. En d'autres termes, ça a mal vieilli. Aussi, je n'ai pas du tout réussi à accrocher à ces mièvreries passionnées et cette fameuse délicate précaution que Zweig prend à l'égard des personnages, alors même qu'ils sont ridicules, n'a réussi qu'à me les rendre d'autant plus grotesques. Erika Ewald est d'une platitude accablante au point que je n'ai pas même réussi à la prendre en pitié. Un peu de fierté, que diable, au lieu de s'étaler ainsi qu'une serpillère au nom d'une passion de roman à l'eau de rose, raaaah.
Bref, je ne suis pas très bonne cliente de ces affaires amoureuses datées. Ce livre là ne restera pas parmi mes coups de cœur de Zweig mais je ne doute pas, bien sûr, qu'il en passionnera d'autres.
Challenge Zweig chez Métaphore
2ere lecture rétroactive
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02/09/2011
Autobiographie d'un fantôme et autres fictions d'Eva Almassy
Autobiographie d'un fantôme et autres fictions d'Eva Almassy, L'école des loisirs, coll. Médium, 2007, 107p.
Telle est la malédiction de Madeleine Delande : dès qu'elle tente d'écrire, elle écrit sa vie et ses souvenirs. Elle se souvient de ci, de ça et elle n'en finit pas. Elle découvre pourtant un remède à cette tendance intempestive à l'autobiographie : porter des gants. Car les mains nues, ces lignes de vie s'impriment sur le clavier et sur l'écran, mais si elle porte des gants...
"Madeleine Delande se rappela encore une fois les paroles de la comédienne. Mais c'est ça ! Il faudra mettre des gants. Dès demain, elle habillera ses mains pour écrire des histoires toutes différentes, avec des personnages qui ne lui ressembleront pas."
De cette idée lumineuse, Madeleine Delande entame une petite collection de gants et mitaines en tout genre. Des précieux, des anciens, des troués, des costaux et tous la mènent vers une histoire différente, en des temps et des lieux qu'ils inspirent au gré de leur bon vouloir.
Autobiographie d'un fantôme se déploie en petites nouvelles fantaisistes où il est question d'amour, de temps jadis et de jeux de langage.
Certains textes m'ont paru un peu simplistes.
D'autres, par contre, inspirent une jolie réflexion sur l'imagination et le travail de l'écrivain. La Lettre de René et la nouvelle "des gants noirs avec un petit trou à l'auriculaire de la main gauche" m'ont particulièrement plu pour les jeux de langue drôles et plein de finesse. Parfait pour faire comprendre allitération et assonance aux plus jeunes! Un texte qui plaira aux ado amatteurs d'écriture.
Pour les 9/13 ans
*
Extrait :
"Lettre de René, en e, ê, è, é...
Chère Thérèse,
Mes élèves préférées, Esther et Estelle, se ressemblent. Nées en été, elles pensent être éternellement en été.
Entre septembre et décembre, les rêves errent vers des fenêtres fermées. Esther et Estelle se désespèrent, se perdent en les ténèbres. Ces excellentes têtes s'emmêlent les pensées. Ensemble, elles reprennent les évènements réels - entendez : réellement rêvés - et créent de belles légendes. Permettez en exemple cette brève scène d'été.
L'herbe verte, les trèfles, le vent léger, le temps de fées.
Fête. Crème légère, crêpes, gelée, thé, pêches.
Venez, mes belles, venez, venez. Mettez les verres en cercle.
Esther sert le thé.
- Esther, dépêche! Prends ce mets.
- Semé?
- Ce mets. Ce dessert.
Berk. Esther déteste les crêpes, excepté celles de ces frères, Clément et Serge, experts en tendre crêpes dentelle de Brest. Rebelle elle cherche les prétextes, se défend des crêpes revêches. Elle serre le verre.[...]"
10:00 Publié dans Littérature ado, Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelles, ado, gants, eva almassy