Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/04/2017

Un printemps à Amsterdam

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

D'aussi loin que je me souvienne, Amsterdam m'a toujours attirée. Il me semblait respirer à l'évocation de son nom le doux son du silence, de la lumière, des éclats de bonne humeur et de simplicité : quelque chose d'une bulle hors du temps.
Après des années à y songer, il était temps que j'aille goûter la ville. Quelques discussions innocentes avec une amie et l'envie de se revoir après de (trop) longs mois et voici le projet sur la table. Amsterdam : ce sera au printemps pour de joyeuses retrouvailles poétiques ! 

Première impression : Amsterdam se montre d'humeur changeante. Elle batifole au gré des vents. Mieux vaut prévoir une valise éclectique pour la sillonner, au risque d'avoir trop chaud, trop froid ou d'être trop trempé(e)(s), climat océanique oblige. On y est bien, à condition de ne pas rêver de chaleur décapante. Nous avons goûté un temps frais mais agréable, parfois humide il est vrai. On aurait pu souhaiter plus doux mais on a au moins vécu le vrai printemps amstellodamois, et ça ne nous a pas empêchées de siroter à l'occasion quelques bières en terrasses (couvertes et chauffées : pas folles, les guêpes!). Il n'aurait pas fallu plus gris, cela dit : mieux vaut donc rayer Amsterdam des destinations hivernales au risque de perdre la saveur des balades le nez au vent et des couleurs impromptues. A noter que la meilleure saison pour voir Amsterdam fleurie est décidément le cœur du printemps. 

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

Deuxième impression : Manquer d'un sens de l'orientation performant et donc se perdre dans la ville est parfois une excellente idée ! Tout est beau dans Amsterdam. Je n'ai croisé nulle part de ces immeubles disgracieux et disproportionnés, de ces couleurs criardes ou de ces énormes complexes qui défigurent le territoire harmonieux. Grosso modo, Amsterdam est une reproduction à  l'infini de la couverture de Miniaturiste de Jessie Burton. On n'y trouve que des immeubles de briques ocres, rouges, et brunes, très étroits (spéciale dédicace aux escaliers abrupts qui déstabilisent les cuisses françaises !), aux toits biscornus, aux balcons fleuris ; et les canaux qui fourmillent à l'infini, insufflent à la ville quelque de chose d'une respiration océanique. Amsterdam est une ville escargot de mille petits quartiers dans lesquels on retrouve les invariants cités ci-dessus. Les quartiers du centre (Dam, Spui, Rembrandtplein) sont évidemment beaucoup plus animés et bondés mais le calme et l'ambiance villageoise de Pijp, d'Artis ou de Baarsjes sont également follement agréables (c'est d'ailleurs dans ce quartier que nous avions loué un appart airbnb vraiment agréable et spacieux pour le prix - A ce propos, attention : se loger à Amsterdam coûte la peau des fesses, des yeux et des orteils - vous pouvez même y ajouter une jambe ou deux si vous ne voulez pas dormir dans une cage à poule. Autant dire qu'une location airbnb est ce qu'on peut trouver de mieux pour rentrer entier). 

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

Amsterdan est donc une ville d'impressions, de sensations, qui se savoure au gré des rues. Mais que retenir d'autres ? Car après tout, nous n'avons pas fait que marcher au petit bonheur la chance. 


Le béguinage en plein coeur de Spui est une merveille de sérénité : une parenthèse enchantée. Aussitôt passé le fronton sculpté au milieu de ce quartier très animé donc bruyant, on tombe dans un espace silencieux (touristes dans notre genre mis à part). De nombreuses maisons (dont certaines semblent encore habitées) s'organisent autour d'une place verdoyante et de la plus vieille église d'Amsterdam, une construction en bois du XVème siècle, aujourd'hui consacrée au culte anglican. L'atmosphère est étonnamment propice au recueillement, à la joie au sens spirituel. Malgré le monde, il est possible de la sentir vibrer. De quoi faire rêver les amateurs de ce genre de solitude ! Et pour ceux qui seraient plus friands d'histoire (quoi que l'un n'empêche pas l'autre - spéciale dédicace à Ellettres), le musée de la ville d'Amsterdam se trouve juste à la sortie de ce charmant béguinage. 

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

Pour poursuivre dans la page historique, la maison de Rembrandt est un sacré bijou aussi. Beaucoup moins visitée que les grands musées de la ville, on y est bien, tranquilles, sans se bousculer (et il ne vaut mieux pas, eu égard aux escaliers étroits sus-mentionnés) et l'on peut presque toucher du doigt l'atmosphère de création du grand maître. C'est aussi éclairant pour saisir un peu de ce que fut l'artiste que de voir ses œuvres accrochées. On ne le dira jamais assez : de l'importance du contexte, didiou ! C'est en arpentant les pièces que l'étroitesse des maisons historiques d'Amsterdam m'a frappée : ce qui était hors de prix pour l'époque ne semble pas si cossu au regard français. Les pièces sont de belle taille sans être démesurées. Ce qui laisse cependant rêveur, c'est d'admirer l'atelier, évidemment la plus belle pièce de la bâtisse, lumineuse et très simple. Sans doute la pureté permettait-elle à Rembrandt de mieux questionner de son pinceau les grandes interrogations esthétiques de son siècle. 

En outre, il nous a été permis d'y admirer dans l'espace contemporain (construit pour abriter l'accueil du musée et les expositions temporaires) une exposition de Glenn Brown qui, comme le maître, s'intéresse de près au portrait et le module pour interroger une certaine vision de notre société. Sa technique est proprement époustouflante et son propos franchement percutant. 

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

Et puis, sans vouloir se charger la mule de visites muséales, nous n'avons pas résisté au musée Van Gogh. Pour le coup, ne faites surtout pas l'impasse sur un billet coupe-file à moins d'apprécier faire la queue des heures durant sous un possible crachin. Même avec ce sésame, nous n'avons pas pu éviter la queue aux vestiaires obligatoires (impossible de rentrer avec un parapluie ou un sac à dos). L'espace consacré au peintre sur plusieurs étages offre une vision exhaustive de son parcours artistique - circonscrit en dix petites années, la vocation picturale lui arrivant tardivement, à vingt-sept ans. Ce n'est pas dans ce musée qu'on admirera toutes ses plus grandes pièces (dont la plupart sont au musée d'Orsay) mais à défaut, c'est le cheminement de l'homme devenu artiste que l'on saisira et, en ce sens, ce musée me semble précieux. 

Il renferme également un très bel espace d'exposition temporaire. Au moment de notre passage, et jusqu'au 11 juin prochain, s'affichent les arts imprimés du tout début du XXème, Prints in Paris 1900. Que l'impression se fasse art, message publicitaire, illustration ou confidence des côtés sombres de l'âme, elle est éblouissante, expérimentale et mutine. On en a littéralement pris plein les yeux ! L'espace du rez-de-chaussée et une partie de celui du premier, mettent en scène des petites pièces comme autant d'écrins qui renferment une ambiance, une thématique, une couleur. On voyage autant dans le temps que dans l'espace. La thématique de l'exposition était certes un cadeau pour moi qui aime passionnément cette époque mais elle est excellemment bien servie par un commissariat d'exposition tout à fait pertinent. Si vous passez par Amsterdam d'ici le 11 juin 2017, ne la ratez pas ! 

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité


Dans la rubrique des petites déceptions, nous avons loupé le marché aux fleurs (mais on a quand même croisé des tulipes ailleurs) et le musée de la marine : arrivées trop tard, initialement pour visiter la réplique grandeur nature d'un navire marchand du XVIIIème, nous avons découvert qu'il s'intègre pleinement dans le musée maritime. Or il restait trop peu de temps pour le voir dans son intégralité à  l'heure qu'il était - ce qui aurait été dommage au vu du prix du billet (je disais tout à l'heure que se loger est cher, c'est aussi valable pour les visites de musée : 13€ pour la maison Rembrandt, 17€ pour le musée Van Gogh, 15€ pour le musée de la marine). Il nous faudra donc y retourner un jour !

Par contre, le jardin botanique (9€) ne casse absolument pas trois pattes à un canard : il est minuscule, assez mal entretenu du côté de la serre des trois climats et du triangle de plantes carnivores. Lorsqu'on a fait le Jardin des Plantes de Paris, c'est franchement décevant de pauvreté en comparaison ! Le plus intéressant aurait pu être le carré des plantes médicinales, raison d'être initiale de ce jardin ancien, mais puisque tout était en hollandais, je n'ai pu comprendre un cachou de ce que j'observais. Heureusement que la journée était ensoleillée : ce fut une sympathique balade dominicale mais le zoo à côté aurait tout aussi bien pu s'y prêter. 

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

A la fin, comme dirait l'heureux Ulysse, ce fut un beau voyage. Je vous passe, évidemment, les soirées alcoolisées (que les bières hollandaises et belges sont bonnes !) et amusantes autant que les instants théinés sur  fond de discussions philosophico-poétiques ou silencieux avec un bon livre (mes lectures amstellodamoises viendront sûrement s'illustrer sur ce blog, d'ailleurs !). Il reste le plaisir d'avoir vécu un exotisme particulier, fugitif, rafraîchissant et plein d'une histoire qui se respire (je boucle la boucle, tadammmmm). Me voilà requinquée à bloc, jusqu'à la prochaine escapade ! 

voyage,vacances,amsterdam,hollande,pays-bas,van gogh,rembrandt,glenn brown,expositions,prints in paris 1900,peinture,peintre,jardin botanique,hortus botanica,musée,marine,bateau,quartier,canal,canaux,vélo,ambiance,béguinage,joie,sérénité

28/04/2017

Riverdream de George R. R. Martin

IMG_20170325_125450.jpgSuite à mon coup de coeur d'Armaggedon Rag il y a quelques années, j'avais acheté le présent roman dans la foulée, prise dans l'envie de continuer la découverte des chemins de traverse de George R. R. Martin. Et puis, vous connaissez la suite : il est resté dans ma PAL depuis lors, attendant gentiment que "le bon moment de le lire" se présente à moi. C'est enfin chose faite (finalement, deux ans et demi dans une PAL, ce n'est pas si long, n'est-ce pas ?!) : Riverdream a pu profiter de la tentation littéraire et printanière de me détendre les neurones avec un roman qui embarque dans d'autres mondes.  

Or, je me suis retrouvée dans un imaginaire plutôt inattendu. En lieu et place du steampunk qu’il me semblait avoir pressenti, me voilà avec de la bitlit !

Tout commence dans le Missouri, sur les bords du célèbre Mississippi, à Saint Louis exactement, quelques années avant la guerre de Sécession. Abner Marsh est un armateur au creux de la vague : parmi tous ses vapeurs qui sillonnaient le fleuve, la plupart ont péri suite aux intempéries. Marsh n'en reste pas moins profondément attaché au fleuve, aux bateaux, à l'aventure. En lui brûle la flamme du marin, bien plus que celle de l'homme d'affaire, la seconde casquette ne lui offrant que de servir la première. Aussi, bien qu'un peu dubitatif, il ne fait pas la fine bouche lorsque l'énigmatique Joshua York lui donne rendez-vous au beau milieu de la nuit dans une taverne réputée des mariniers. La proposition qui s'en suit est simple : York engage tout l'argent nécessaire pour le plus beau vapeur qui soit, dont Marsh supervisera la construction puis qu'il dirigera en tant que capitaine. En échange, ce dernier doit accepter les quelques excentricités de York : vivre une existence exclusivement nocturne et arrêter le vapeur au gré de sa volonté sans jamais se justifier. En somme, l'un et l'autre partageraient la direction du bateau : l'un pour en assurer sa bonne conduite, l'autre pour en faire ce qu’il veut. Si l'on ajoute à l'argent et au noctambulisme de Joshua York le fait qu'il est étrangement pâle et que sa force et son regard semblent magnétiques et surhumains, le lecteur a tôt fait de comprendre de quoi il retourne le concernant (tadaaaaaam). 

Il avait les yeux gris, étonnamment sombres dans un visage si pâle. Ses pupilles, aussi petites que des têtes d'épingle, brûlaient, noires, et transperçaient Marsh comme pour sonder son âme. Les prunelles, autour, semblaient douées de vie, mouvantes comme de la brume par une nuit obscure, quand les rives et ses lumières s'estompent et qu'il ne reste plus rien au monde que le bateau, le fleuve et le brouillard. Dans ces brumes, Abner Marsh discerna des ombres, des apparitions fugitives. Une intelligence froide en émanait. Il y avait une bête, aussi, noire et effrayante, enchaînée, furieuse, qui tempêtait dans les ténèbres. Un rire, de la solitude et une véhémence cruelle : le regard de York contenait tout cela. p. 10

Entre ses bases somme toute un peu clichées, de (trop) longs passages sur la vie des mariniers du Mississippi, la construction, la direction et la navigation des vapeurs et un niveau stylistique au ras du fleuve, je ne suis pas passée loin d'arrêter là ma lecture. En gros, j'ai retrouvé dans ce roman ce qui m'avait fait stopper la lecture de Game of Thrones quelques années plus tôt : c'est long et c'est chiant (pour résumer). Et puis, allez savoir pourquoi, je me suis acharnée quand même, et j’ai bien fait.

J'ai pu découvrir la relecture que propose George R. R. Martin du mythe du vampire, non plus comme corruption ou évolution de l'homme mais comme race à part, éminemment symbolique, dégagée par la même occasion de tous les accessoires folkloriques qui lui sont souvent associés. On naît gens de la nuit, on ne le devient pas (Simone riprizent). Puisqu’il n’est plus question de transformation, le rapport au vampire change nécessairement : l'homme doit-il se faire son égal ou s'enferrer dans une relation de proie à prédacteur ? En outre, non sans rappeler Entretien avec un vampire, l'asservissement à la soif rouge, et l’extraordinaire longévité du vampire, ne sont pas sans provoquer de brûlantes divergences au sein de cette communauté d'êtres puissants. D'un côté, ceux qui aspirent à entretenir leur supériorité physique sur l'homme, dit affectueusement le bétail, à s'enorgueillir et exalter leurs différences dans une affirmation identitaire rageuse et délétère ; de l'autre, ceux qui espèrent un futur harmonieux entre gens du jour et de la nuit, et un enrichissement mutuel par la régulation des besoins primaires violents. A cet espoir se mêle inévitablement la mélancolie des luttes fratricides et des massacres qu'elles occasionnent. Le vampire est le symbole d'un monde antédiluvien, gorgé encore de sa superbe et du souvenir persistant de sa gloire. L'éclat, pourtant, ne cesse de se ternir à mesure qu'il se montre incapable d'évoluer et de s'adapter. C'est dans cette optique que le contexte, qui m'était apparu comme source de longueurs ennuyeuses de prime abord, prend tout son sens : on se trouve à un moment charnière de l'évolution des Etats-Unis. Le récit prend la guerre de Sécession en étau ; celle-ci conditionne, entre autres, l'évolution industrielle - donc celle des navires du fleuve - et une certaine vision de l'Homme. Ainsi, comment concevoir l'homme au regard de ces évolutions ? Dans quelles perspectives le réengager, quels nouveaux paradigmes de société inventer ? La création n'est-elle pas la véritable force (demande l'artiste) ?

Vous l'aurez compris, sous les atours savoureux (on va l'espérer) de ma petite philosophie de comptoir, Riverdream est de ces bons livres de vampires qui amènent le lecteur à réfléchir sur lui-même par le truchement de l'autre. Je persiste à lui trouver quelques longueurs et quelques faiblesses de scénario - je ne comprends toujours pas vraiment ces quinze ans inutiles pendant lesquels la guerre de Sécession aurait pu être bien mieux exploitée - mais je les lui pardonne avec plus d'indulgence comprenant le projet général et le trouvant, dans sa globalité, plutôt bien servi. Si je ne suis pas follement emballée, en somme, je trouve à ce roman pas mal d'intérêts. Quel dommage, cependant, que l'auteur ne se foule pas un peu plus le poignet pour développer un style qui déboîte. Après tout, ne fait-il pas dire à Joshua, "La connaissance se pare à mes yeux d'une certaine beauté et la beauté plus que tout m'apporte de la joie" ? Ne lésine pas sur un peu plus de joie, la prochaine fois, l'ami ! 

Riverdream de George R. R. Martin, J'ai lu, 2008[1983 pour la VO], 507p. 

15/04/2017

Acide Sulfurique d'Amélie Nothomb

Acide sulfurique.jpg
Acide sulfurique d'Amélie Nothomb, Le livre de poche, 2007, 212p. 

 

Je fais partie de ces gens qui, par principe un peu snob, n'aiment pas Amélie Nothomb alors même que je n'ai jamais réussi à finir aucun de ses romans (ceci explique sans doute cela, en même temps). Je me rappelle particulièrement de Métaphysique des tubes qui m'était totalement tombé des mains. J'en retenté deux ou trois titres depuis avec la même absence de succès (et j'ai même oublié les titres). J'avais donc décrété qu'Amélie Nothomb n'était pas pour moi et, comme la vilaine fouine que je suis, cela équivalait dans mon esprit à dire que c'était un peu de la crotte de chamois. 
Et puis, j'ai vécu la traversée du désert pour savoir quoi faire lire à mes 3e dernièrement jusqu'à tomber sur ce titre-là, Acide sulfurique, de mon auteure mal-aimée préférée. Allez, qu'à cela ne tienne, me dis-je, il n'y a que les imbéciles pour ne pas changer d'avis

Et me voilà embarquée plutôt fort, comme les personnages, dans une rafle du côté du Jardin des Plantes. Tout le monde, sans distinction d'aucune sorte, est entassé dans des wagons à bestiaux jusque dans des camps qui n'ont rien à envier aux camps de concentration nazis, à ceci près qu'ils sont équipés de caméras dans tous les coins. Certains raflés sont embauchés pour devenir kapos selon leur veulerie gratuite et leur imbécillité ; les autres revêtent le costume des prisonniers. Nous voilà dans la télé-réalité nouvelle génération : une télé-réalité qui se crée et se renouvelle au gré des audiences, où les principaux acteurs du show ignorent tout et où le consentement  d'autrui n'est plus nécessaire, où les pires horreurs de l'histoire deviennent sujet de divertissement, où la mort d'un homme se décide en pressant un bouton de sa télécommande. 

Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus ; il leur en fallut le spectacle.

Le propos est non seulement accrocheur mais d'une brûlante actualité. Je me rappelle de la polémique que ce titre avait soulevé lors de sa sortie, en 2005. De nombreux journalistes s'étaient insurgés contre l'irrespect de mettre en parallèle un phénomène télévisuel, certes discutable mais relativement inoffensif et surtout mettant en scène des personnes consentantes, et les camps de concentration. Le fait est que, douze ans plus tard, on ne peut que difficilement s'en offusquer tant on n'est pas si loin d'une telle folie. L'appât  de l'audimat et donc du gain - du côté des producteurs - et l'appât de la nouveauté, du toujours plus, du scandaleux, du croustillant et accessoirement de la bêtise la plus éhontée - du côté des spectateurs - sont suffisamment grands et puissants pour qu'on ne soit pas si loin de tels jeux sur nos écrans (si tant est qu'on puisse encore parler de jeu). Dans toute cette moutonnerie assez déconcertante, le rôle tordu des médias qui jouent d'un je t'aime moi non plus dont on peine à comprendre l'intention véritable est également très bien montré : au final, tout être pensant que l'on est (et si on ne l'est pas, c'est encore pire), on se retrouve embarqué dans un phénomène d'intérêt éminemment malsain voire hypocrite. Cette peinture des travers de nos comportements et de la dérive télévisuelle est plutôt bien servie et me semble une base intéressante de réflexion, notamment pour les adolescents qui ont tendance à tout boire sans suffisamment prendre le recul critique nécessaire. 

Le taux d'abstention au premier vote de "Concentration" fut inversement proportionnel à celui des dernières élections législatives européennes : quasi nul, ce qui fit dire aux politiques que l'on devrait peut-être songer, à l'avenir, à remplacer les urnes par des télécommandes.

Cependant, si je reconnais un intérêt réflexif intéressant à l'ensemble, et un style ponctuellement savoureux, je ne me peux m'empêcher de persister à considérer que, dans le détail, le récit souffre de beaucoup de facilités et d'une vision trop manichéenne pour être consistante, notamment du côté des personnages. Un peu plus de nuance aurait été bienvenue. Je me creuse la tête depuis tout à l'heure pour trouver malgré tout un personnage plus intéressant qu'un autre mais aucun ne me semble rattraper l'autre. Même l'évolution de Zdena est en carton. Je ne parle même pas de l'héroïne, Pannonique, qui doit faire se retourner toutes les Madones de la Renaissance sur leurs tableaux. La caricature est trop présente. On sent qu'Amélie Nothomb est une conteuse d'histoires. Elle imagine ici un univers un peu fou, pas si éloigné du nôtre. Elle construit à grands traits un récit et des personnages pour nous dépayser. Malheureusement, on ne dépasse pas le stade de l'ébauche. C'est dommage. Ce pourrait être tellement excellent, poussé un peu plus loin, désencombré des facilités et des clichés. 

N'empêche que je peux dire, maintenant, que j'ai fini un roman d'Amélie Nothomb ! (mais sans avoir envie d'en lire un autre, je dois l'avouer) 

 

acide sulfurique,amélie nothomb,camp,concentration,téléréalité,télévision,mouton,mort,presse,influence,réflexionLe mois belge d'Anne et Mina 2017