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08/01/2017

Je lis donc je suis

tag,lectures,livres,2016

A force de lire, on devient un peu les mots lus. Ils se tissent entre nous et les livres une affinité merveilleuse. A l'aube de 2017, voici ce que les livres de 2016 ont fait de moi... 

 

Décris-toi : Le parfum de la dame en noir 

Comment te sens-tu ? Elle, par bonheur, et toujours nue

Décris où tu vis actuellement : Paix sur les champs 

Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ? Le jardin de minuit

Ton moyen de transport préféré :  Le train bleu

Ton/ta meilleur(e) ami(e) est : L'amie prodigieuse

Toi et tes amis vous êtes : A la table des hommes

Comment est le temps ? Le livre de la neige 

Quel est ton moment préféré de la journée ? La maison de l'aube

Qu’est la vie pour toi ? Cristallisation secrète 

Ta peur? Le fantôme de Canterville

Quel est le conseil que tu as à donner ? Soyez imprudents les enfants

La pensée du jour : Paris est une fête

Comment aimerais-tu mourir ? Black-Out

Les conditions actuelles de ton âme ?J'ai toujours ton coeur avec moi 

Ton rêve ? Cent ans de solitude 

11:15 Publié dans Tag | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : tag, lectures, livres, 2016

07/01/2017

Juste Ciel d'Eric Chevillard

 Juste ciel d'Eric Chevillard, Les éditions de Minuit, 2015, 142p. 

Juste Ciel.JPGAlbert Moindre n'est plus. Il faut dire qu'avec un nom pareil, ç'aurait été compliqué de durer bien longtemps. A présent que tout est fini, LA question existentielle par excellence va enfin trouver une réponse : what's next ?! La vérité, c'est qu'on hésite à considérer qu'il y a quelque chose tant le lieu se trouve plus proche d'un hall de gare creusois à moitié vide que du Paradis prévu. 

Dans cet espace insipide et banal, Albert Moindre - tout aussi insipide et banal - n'est plus et pourtant, il pense encore ; il entend d'autres consciences qui résonnent (on ne sait où ni comment, d'ailleurs, puisqu'Albert Moindre n'a plus d'oreilles) ; il attend principalement, il s'interroge puis suit le chemin d'un dédale bureaucratique dépouillé à la suite d'un ange étrange. Nous y voilà : l'au-delà ressemble à s'y méprendre aux bureaux de la Sécu. 
Vous vouliez du rêve clinquant, vous êtes servis ! Dès lors qu'on lève le voile, c'est une machinerie comme tant d'autres qu'on découvre et, étonnamment, le choc est plutôt drôle. Eric Chevillard, pince sans rire, s'amuse de nos clichés de vie et déroule sous les yeux médusés d'Albert Moindre la mécanique implacables des vies humaines. 

Jamais un ragot, tout est vérifié. Tu t'es promené toute la matinée du 2 avril 2007 avec une miette de croissant collée à ton pantalon. Neuf personnes l'ont remarquée. Elle est tombée comme tu traversais la place Wilson. Deux pigeons se la sont disputée. Une fourmi a emporté le dernier morceau. Ton ami Franck Surger, en diverses occasions, a affirmé dans ton dos que tu étais 1) un pleutre, 2) un faux frère, 3) un naze, 4) un prétentieux, 5) un vrai connard, 6) un frustré. Mais il éprouvait vraiment de la sympathie pour toi. Il a dit aussi un jour que tu étais 7) un brave type dans le fond. Repoussant, mal habillé, érotico-angoissant, ce sont là les mots de Juliette Escolier. p. 45

Evidemment, l'auteur nous donne une bonne leçon de vie et la question de la liberté ne manquera pas de nous tarauder, simples mortels que nous sommes. C'est bien joli de rire aux côtés d'Albert Moindre mais c'est tout de même déroutant d'être restreint à un pion sur l'échiquier de la vie. 
Mais sans partir trop loin dans la métaphysique de comptoir, ne perdons pas de vue qu'Albert est avant tout un personnage. Le créateur de toute chose, dans toute cette fable, c'est Chevillard. Avant de dépouiller le Paradis de ses oripeaux fantasmés, c'est le roman qu'il déshabille - et forcément, à force de tout enlever et de dépasser les bornes, on se retrouve dans l'au-delà. Chevillard donc, nous donne l'envers du décor littéraire où l'écrivain tient plus du bureaucrate organisé et consciencieux que du Dieu flamboyant et inspiré et où les personnages apparaissent tels qu'en eux-mêmes : silhouettes éthérées à la merci d'une création en mousse en papier. 
Disant cela, on n'a encore rien dit puisque, histoire d'aller jusqu'au bout du mouvement, celui-ci se nourrit de lui-même. Vous pensiez avoir tout compris de la métaphore amusante comme réflexion méta-textuelle ? Et ben tiens, nous dit Chevillard, je te sers à la fin de quoi retourner une ultime fois - parce que la créateur est peut-être organisé et consciencieux mais il est surtout facétieux - tes certitudes. Tu sais que tu ne sais rien, lecteur. Et hop, le roman déshabillé renaît de ses cendres et c'est reparti pour un tour ! 

 

02/01/2017

Rendez-vous poétique avec Michèle Finck et Masao Yamamoto

Balbuciendo.jpgMichèle Finck ne fait pas de cadeau avec Balbuciendo : l'être se retrouve entre la vie et la mort ; à cette croisée de chemins où il faut encore vivre quand la perte creuse un gouffre indicible ; où écrire encore cet indicible est peut-être ce qui sauve le mieux. Ainsi, la poésie de la perte - ici, du père - devient la poésie de l'entre-deux ; devient art poétique pour dire la nécessité de l'écrit, sa presque impossibilité et donc sa fulgurance, ses tâtonnements, ses balbutiements. Le miracle de son écorchure, la lumière de sa béance. 

Poème : crier
Seule pieds nus sur
La lame de l'adieu. (p. 18)

C'est ainsi que nous sommes, sur le pic abrupt d'entre deux années : on laisse mourir et dans ce vide s'immisce la perspective renouvelée du vivre.

Masao Yamamoto Nakazora 983 2004.jpg


J'ai longtemps laissé de côté Michèle Finck dans la perspective d'un rendez-vous poétique, ne sachant avec quel artiste faire dialoguer cette poésie sur le fil du rasoir. Et puis, voici qu'en ce tout début d'année où l'expression de l'entre-deux est parfaitement de mise, je découvre le photographe Masao Yamamoto, attaché à ces "petites choses" qu'il conçoit comme "les empreintes de [s]es pas, aussi chaotiques et inconsistants qu'[elle]s puissent être". Celui qui ne donne jamais ni titre ni date à ses photographies, pour mieux savourer une impermanence devenue immuable, a notamment créé une série intitulé Nakazora. Ce concept bouddhiste est celui de l'entre-deux : entre la terre et le ciel, si on le traduit littéralement, perpétuellement sur le fil du rasoir aussi, donc, bien que d'une manière beaucoup moins écorchée, plus évanescente. La photographie de Yamamoto délivre ses tâtonnements, ses pas comme des tentatives de réponses à ce que l'on perçoit avec une telle douceur "qu'ils paraissent des illusions". 

Entre la plaie devenue lumière et l'infime douceur des petites choses, puisse 2017 être placé sous des auspices aussi poétiques et faire art l'incertitude de l'avenir !  


Scriptorium

L'écriture : tour, terre, terrier, trou.
A-pic du cri dans l'oeil de la gorge. 
Les mots titubent atterrés de mémoire. 
Les souvenirs brûlent le vagin du visage. 
Une étoile anonyme essuie les larmes. 
Les onomatopées de l'os tournoient. 
Poème : scansion du noir, balbuciendo. (p. 63)

 

Masao Yamamoto  955.jpg

 

Poème : peau d'âme
Morceau de lave arraché
Au cri de quel Vésuve ? (p.68)

Masao Yamamoto.jpg

 

Poème : 
Fil de funambule tendu entre pierre tombale
Et perce-neige. (p. 72)

 

Balbuciendo de Michèle Finck, Arfuyen, 2012, 83p. 

Small Things in Silence de Masao Yamamoto, RM Editorial, 2014, 144p.