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26/09/2015

Le chant d'Achille de Madeline Miller

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Le chant d'Achille de Madeline Miller, Pocket, 2015, 471p.

 

C'est tout nouveau, ça vient de sortir (ou presque) en poche mais l'histoire est vieille comme le monde. Le Poète la chantait déjà au VIIIème siècle avant JC ; c'est dire si l'Aurore aux doigts de rose en a déjà entendu tous les refrains. Et pourtant, Madeline Miller trouve encore à en dire sur cet amour plus fort que la mort - mais de quel ordre, au fait ? - entre Achille, le plus grand des guerriers, et Patrocle. L'Iliade se montre pudique sur le sujet de cette relation hors du commun, préférant mettre en avant les exploits militaires et l'hubris d'Achille ; Madeline Miller choisit alors de donner voix à Patrocle et nous livre le début et la fin d'un lien fidèle magnifique, passionnel.
Patrocle est né prince, tout comme Achille. Son destin royal est pourtant fauché à cause d'un malencontreux accident au sujet duquel il n'a pas la présence d'esprit de mentir. Au lieu des honneurs, Patrocle est donc exilé à Phtie, royaume de Pélée et d'Achille, et perd toute le prestige de son ascendance. Il devient un jeune garçon parmi les autres. Patrocle n'a aucun talent pour le combat. Il souffre plutôt d'un physique malingre et ingrat. Rien ne l'attire dans la gloire, le sang, et il ne brûle pas de posséder de jeunes femmes captives innocentes. Un beau jour qu'il se cache pour échapper à l'entraînement quotidien, Achille le découvre et lui évite le fouet. C'est le début d'une amitié fusionnelle qui, à mesure que les garçons grandissent, se meut en une passion amoureuse sans compromis. Où que Thétis, la déesse mère d'Achille, tente d'éloigner son fils, Patrocle le suit et le retrouve. Ils évoluent l'un et l'autre de concert comme les deux faces opposées, terriblement différentes et surtout complémentaires, d'un même éclat. L'un ne saurait continuer à vivre sans l'autre. C'est précisément la promesse qu'ils se font au moment de partir ensemble à la guerre de Troie, tandis qu'ils prennent connaissance de l'effroyable prophétie qui prédit à Achille un destin glorieux mais aussi la mort sur le champ de bataille d'Ilion.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le sujet de ce roman est aussi original que glissant. Il fallait avoir le culot de s'attaquer à l’œuvre d'Homère tout en prétendant y apporter une pierre supplémentaire en contant l'avant Iliade. Il fallait aussi faire le pari audacieux d'intéresser les lecteurs avec une histoire sise dans l'Antiquité (on a tout de même connu plus attractif a priori). Cela dit, je ne fais pas partie de ces puritains de l'illustre poète grec. Je ne suis jamais arrivée à bout de L'Iliade ou de L'Odyssée (comme de n'importe quelle autre œuvre antique d'ailleurs). Je n'ai donc certainement pas mal interprété le culot de Madeline Miller ; bien au contraire, il m'a plu. Autant la littérature antique me tombe des mains, autant j'aime les récits mythologiques et l'idée de pouvoir plonger dans l'un d'eux sans le barrage de la langue antique m'a décidée sans aucune difficulté. D'autant qu'elle connait son sujet, Madeline Miller : elle est tout de même diplômée de Yale en Lettres Classiques et enseigne aujourd'hui le grec et le latin à l'université. Je pouvais donc lui faire confiance pour ne pas partir dans de fumeux délires comme en a produit récemment le cinéma.

Son roman est en substance un savant mélange de respect à l'égard de l’œuvre, des mythes et de la civilisation dont elle s'inspire - l'érudition de l'auteure se sent à chaque page et semble impressionnante à la néophyte que je suis - et une réécriture tout à fait contemporaine de la relation entre Achille et Patrocle. Aucune velléité, toutefois, de se faire la porte-drapeau de l'homosexualité ou quoique ce soit de ce genre. Madeline Miller se contente d'écrire - et c'est déjà beaucoup - avec tact, subtilité et tendresse le récit d'une passion amoureuse entre deux hommes comme il est rare d'en lire, au contact flamboyant d'une Histoire mythique qu'on suit comme une aventure. C'est éminemment intelligent, vif et captivant. C'est exactement le genre de livre qu'on se plait à dévorer tant il instruit par la même occasion.

 

mois américain.jpg3eme participation au mois américain de Titine

20/09/2015

L'Ermite de Rick Bass

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L'Ermite de Rick Bass, Christian Bourgois éditeur, 2004, 246p.

 

Je poursuis tranquillement mais sûrement ce mois américain avec un écrivain emblématique du Nature Writing, j'ai nommé Rick Bass. Malgré une première rencontre avec lui fort décevante et le fait que je ne suis pas fan de nouvelles, je me suis laissé tenter en brocante par le délicieux titre de ce recueil. Après tout, vous n'êtes pas sans savoir que je me délecte dans les idées comme dans les faits d'une certaine solitude en territoire dépeuplé (toute proportion gardée entre la Creuse et le Montana, évidemment.). Un peu d'esprit ouvert, me dis-je donc. Et ce sera l'occasion de constater si oui ou non, Rick Bass est définitivement un auteur dont je pourrais me servir pour caler les meubles ou pas*.

Peu de Nature Writing dans ce recueil, même si les grands espaces sont toujours un des personnages principaux des récits, qui fait la part belle à la fiction et met en jeu des êtres d'âges et de sexes différents toujours à un instant déterminant de leurs existences. Tantôt seuls, errants, tantôt blessés, bavards, pétris de doute ou de magie, tantôt face à un autre déconcertant ou plein d'amour, tous cherchent à avancer sans le dire, à tâtons ; à prendre le bon virage et être en paix.

Décidément, malgré un résumé des plus alléchants, la perspective de savourer des textes profonds entre réflexions philosophiques et beauté de la nature, Rick Bass fait chou blanc avec moi. Et tandis qu'il m'arrive régulièrement de ne pas apprécier un auteur mais de saisir les raisons qualitatives de son succès, je me demande sincèrement ce qui vaut à celui-ci d'être encensé comme l'un des plus grands écrivains américains contemporains. Winter, lu il y a deux ans, m'avait lassée par une plume insipide et une absence totale de recul qui donnait à l'ensemble les atours déplaisants de l'anecdote. Dans L'Ermite, je retrouve une pauvreté de style qui m'ennuie terriblement - On notera de temps à autre une tentative d'agrément stylistique bien maladroite (c'est le cas au début de la première nouvelle, par exemple mais est-ce l'auteur ou le traducteur qui patauge ici dans le semoule ? Je ne saurais le dire) - et une inégalité totale du propos. Sur l'ensemble des textes, j'ai réellement beaucoup aimé une seule nouvelle, la seconde, intitulé "Les cygnes", où il est question d'un vieux couple sans enfant perdu dans les montagnes et de la longue descente de l'homme dans l'ombre d'Alzheimer. Les autres m'ont laissée perplexe - quel était donc le but de cette nouvelle ? Tout ça pour ça ?! - voire décidément irritée - Qu'est-ce que c'est que cette littérature de bas-étage ? Ça mérite à tout casser le droit de se trouver dans mes toilettes !

J'ai donc picoré la plupart des nouvelles ici ou là, entre deux lectures, jusqu'au moment où je n'ai plus rien eu envie de picorer du tout. Même dans la fiction, Rick Bass est pénible et, j'ose le dire de manière péremptoire, médiocre. Le Nature Writing et, de manière générale, la littérature américaine contemporaine ont bien mieux à  offrir, et de loin. J'en conclus donc que Rick Bass me servira à l'avenir à caler les meubles, un point c'est tout.

 

*Je tiens à vous préciser que je n'ai aucune obsession particulière concernant les livres et les meubles. Il se trouve que j'ai écrit à deux périodes différentes l'article que voici et celui sur Jonathan Strange et Mr. Norrell, qui se retrouvent aujourd'hui consécutifs par le hasard de mes publications au petit bonheur la chance. Toutes mes excuses, donc, pour ce qui semble un espèce de gimmick à trois balles cinquante.

(On peut néanmoins préciser également que ce recueil de Rick Bass conviendrait bien mieux que le roman de Susanna Clarke pour caler les meubles. D'une part, parce qu'il m'a gonflée et, d'autre part, parce qu'il a un format bien plus adéquate. N'est-ce pas, Shelbylee ? )

 

Le mois américain.jpgLe mois américain 2015 chez Titine

2ème lecture

 

14/09/2015

Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke

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Jonathan Strange et Mr Norrell de Susanna Clarke, Le livre de poche, 2008, 1144p.

 

Avant de me lancer dans le vif du sujet, avant d'en dire quoi que ce soit, il faut commencer par me réjouir d'une victoire personnelle : Je l'ai fait ! J'ai lu un maxi pavé ! Le genre de poche tellement énorme qu'on se demande pourquoi ne pas avoir fait deux tomes (franchement, c'est moins flippant au premier abord et c'est plus facile à transporter dans le sac à main). Mais je l'ai fait ! Poussée un poil aux fesses par la proposition de LC de Shelbylee, j'ai fini par trouver le courage de sortir ce gros machin de ma PAL dans laquelle il trainait depuis Mathusalem (parce que les pavés et moi, les vrais pavés, je veux dire, les briques pour caler les meubles, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé). Et heureusement pour ma pomme, je l'ai fortement apprécié ! (Soyons honnêtes, de toutes façons : si ça n'avait pas été le cas, je n'aurai pas poussé le bouchon jusqu'à la dernière page.) C'est donc un bon point pour commencer : même si vous n'aimez pas les pavés a priori, ne partez pas à toutes jambes. Vous pourriez tout de même aimer cet opulent roman !

Du début à la fin, la Fantasy et l'Histoire se mêlent habilement pour développer durant une quinzaine d'années le récit de deux magiciens d'un nouveau genre.
Tout commence en 1806 tandis que Mr Norrell s'attaque aux petites sociétés de magie éparses dans le nord de l'Angleterre, fustige les amateurs incultes et grappille tous les ouvrages de magie disponibles sur le marché. Car Mr Norrell est le premier praticien de magie depuis plusieurs siècles et entend être le seul. Il entend aussi s'ouvrir à un destin noble et glorieux : celui de soutenir l'Angleterre dans ses différentes entreprises et notamment dans sa lutte face à Napoléon. Pour cela, il doit convaincre les membres du gouvernement qu'il n'est pas un obscur magicien de plus, comme se déclare l'être quelques individus dépenaillés des rues de Londres. Mr Norrell accomplit alors le miracle ultime, non sans réclamer l'appui d'un homme-fée dont l'engeance est réputée pour sa fourberie. Cet évènement sera effectivement le début de l'incursion problématique de cet individu magique dans l'existence de bien des personnages, la source à la fois de folies délicieuses et de frustrations déprimantes.

Mais, malgré ses efforts, Mr Norrell n'est pas le seul magicien d'Angleterre. Un autre est appelé à un grand destin par la prophétie du roi Corbeau : Jonathan Strange, qui découvre sa vocation au hasard d'une rencontre, teste ses talents au hasard d'un plateau d'argent et de quelques fleurs séchées. Et voilà que notre second magicien entre en scène, plus alerte, plus charismatique et plus avenant que le timoré Mr Norrell. C'est grâce à lui que l'Angleterre parvient à vaincre Napoléon. Tout d'abord l'élève de Norrell, Strange finira par se détacher de certains dogmes absurdes de son maître et prendra les routes plus dangereuses des grands magiciens de jadis.

Ce roman, de part sa taille et, sans doute aussi, de part quelques faux espoirs qu'il pourrait susciter, plait ou ne plait pas, sans entre-deux. Les déçus pourront lui reprocher quelques lenteurs et une dynamique un peu pauvre. De fait, mieux vaut ne pas attendre de ces 1100 et quelques pages qu'elles soient haletantes à la façon d'un page turner de plage. Jonathan Strange et Mr Norrell n'est pas une aventure, ce n'est pas non plus un policier et il ne se dévore donc pas comme tel. Il s'agit plutôt d'un roman d'ambiance, de la chronique savante et minutieuse d'une une époque à mi-chemin entre fantasme et réalité. Susanna Clarke imbrique les deux avec une telle habileté que l'on serait presque tenté, parfois, de se demander où est le vrai et où est le faux ; on aurait presque envie de croire avec jubilation que l'usage de la magie était en vigueur sur les champs de bataille napoléoniens. Lentement mais sûrement, on est plongé dans un monde qui nous enveloppe comme une doudoune chaude que l'on n'a plus envie de quitter. Je conçois parfaitement, en refermant ce livre, pourquoi il a été adapté au format série : suffisamment d'action pour rythmer un épisode savamment mais suffisamment peu, ou distillée avec parcimonie et uniformément, pour progresser lentement et sur une taille imposante. Ce roman est une sorte de marathon, voyez-vous, mais de cette sorte qui se mène avec plaisir - si ce n'est engouement - et dont on savoure l'intelligence, le style et l'imagination - si ce n'est le suspens. Il pourra plaire à beaucoup de ceux qui sont habituellement réfractaires à la Fantasy ou aux gros pavés et pourra décevoir ceux qui les apprécient d'ordinaire. Il pourra aussi séduire ou ennuyer tout le monde. Le fait est, surtout, qu'il pourra vous surprendre, quels que soient vos goûts a priori. Ne lui claquez donc pas la couverture au nez sur une supposition et laissez-vous tenter  !

 

Lecture commune avec Shelbylee

 

Challenge a year in England.jpgChallenge A Year in England chez Titine

4eme lecture

 

 

challenge-un-pave-par-mois.jpgChallenge un pavé par mois chez Bianca

Deuxième participation de septembre, hop !