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22/09/2018

La saga de Grimr de Jérémie Moreau

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Donc, Grimr n'a pas vraiment de bol. Il se retrouve orphelin après le caprice d'un volcan local, enlevé par un marchand d'enfants puis libéré par un escroc auquel il se lie durablement. L'Islande est particulièrement hostile. Non seulement par sa nature sauvage, indomptable, mais aussi et surtout par le joug des Danois depuis le XIVe siècle qui la cantonne à une existence moyenâgeuse tout en spoilant ses richesses. Heureusement, Grimr est extrêmement fort et ne craint pas grand chose. Il est capable d'abattre de lourdes besognes et de se défendre en toutes circonstances. Pour certains, il est une brute, pour d'autres un ogre ou un troll. Mais qu'est-il vraiment ? Le sait-il seulement ?

Comme bien des sagas nordiques, celle-ci raconte les "faits et gestes d'un personnage, digne de mémoire"*, à ceci près que ce dernier n'a rien de brillant. Grimr est l'anti-héros de saga par excellence : pas de lignée, pas de position sociale - et c'est quand même la plaie au XVIIIème, pas de femme, pas de destinée grandiose. Il doit ses exploits, souvent étranges ou violents, à sa force herculéenne et à sa ténacité sans borne. Grimr s'acharne à vivre, quoiqu'il arrive - et c'est sans doute sa plus grande leçon. 

Arrivée au terme de cette BD passionnante, j'ai toujours autant de mal avec le graphisme des visages, définitivement. Par contre, je suis tombée amoureuse des paysages islandais, vastes, déserts, aux couleurs fauves et ardentes - qui frisent l'abstrait sur certaines pages. La saga de Grimr est, comme bien des initiations, un voyage à travers des terres arides et magistrales pour arriver jusqu'à soi et ce fut, pour moi, un enchantement en même temps qu'une vague d'émotions. Grimr dit avoir "un volcan dans l'âme" ; c'est définitivement mon cas aussi à présent qu'ont défilé sous mes yeux mes planches magnifiques de Jérémie Moreau.

*dixit Régis Boyer

 

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11/08/2018

Les jolies BD de l'été

Vous le savez, je ne chronique quasiment plus mes lectures BD. [En même temps, en ce moment, je ne chronique plus grand chose, il faut bien le dire. Rattraper mon retard ne va pas tarder à friser l'impossible (spéciale dédicace à celle qui sait). Cette année, plus encore que les précédentes, c'est l'été de tous les laisser aller. Je ne lis même pas grand chose. Les quatre romans entamés le mois dernier sont toujours d'actualité sur ma table de chevet, et loin d'être terminés, alors que j'avais une PAL estivale de l'espace et mille autres envies de lectures.
Finalement, je fais autre chose. C'est bien aussi.]

N'empêche que j'ai bouquiné trois BD assez géniales, chacune dans leur genre, et j'avais envie de vous les partager. N'avoir aucune règle, c'est décidément la meilleure manière de bloguer. 

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Emma est une jeune femme des années 20. Elle est issue d’une famille aisée tout ce qu’il y a de plus normale. Sa sœur aînée, surtout, semble suivre la voie toute tracée pour elle. Après avoir épousé un banquier quelconque et soporifique, elle attend maintenant son premier enfant. Emma n’a cure de cette sorte de vie rangée : Elle entend rester libre et composer sa vie et ses œuvres poétiques selon son désir, non celui de la société.
Voilà plus d’un an maintenant qu’elle attend des nouvelles de l’homme qu’elle aime, Charles, un explorateur parti pour la Norvège sous l’égide de la Royal Geographical Society. Tout semble indiquer qu’il a disparu… Emma se refuse pourtant à lire l’enveloppe qu’il lui a laissée dans cette éventualité et préfère partir seule à l’aventure, à son tour, pour le retrouver.

Avec cette BD, c'est d'abord les yeux qui sont séduits : l’objet livre est magnifique ! La couverture s’ouvre comme un écrin et le récit délicieux renferme nombre d’indices qui nous permettent d’avancer de concert avec Emma sur le chemin des retrouvailles et de la liberté. Ainsi, nous découvrons tour à tour une photographie, un ticket de transport et, évidemment, la lettre fatidique de Charles.

Au fur et à mesure de son voyage, Emma grandit un peu plus. Celle qui partait initialement pour retrouver l’amour va se découvrir à chaque étape du voyage. Aussi, la fin du livre sonne comme un commencement. C’est touchant, lumineux, et plein d’humour : un vrai régal !

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Dans l'Angleterre victorienne, Lewis se désespère d'avoir perdu sa mère qui était tout pour lui. Unique héritier des propriétés familiales, il préfère en céder les trois quarts à ses sœurs, mi-choquées mi-réjouies, pour ne conserver que celle, reculée, de Childwickbury, cette demeure de vacances qui renferme tous ses souvenirs heureux. Il s'y rend derechef au grand étonnement de tous malgré l'hiver et le long voyage que cela occasionne. Il est décidé à écrire son premier roman et est persuadé que la solitude et la mélancolie de Childwickbury lui seront propices. Sauf que ce n'est pas le cas. Lewis peine à écrire. Les papiers froissés s'entassent et Lewis commence à s'interroger. Jusqu'au jour où intervient la plus surprenante des muses : un fantôme sans mémoire qui tente de l'effrayer, en vain...

Avec cette BD-là, on est en plein dans l'imaginaire anglais fin dix-neuvième. Les auteurs reprennent tous les codes de ces romans fantastiques un peu sombres, mystérieux, à la fois romantiques et décadents et, surtout, terriblement séduisants : un héros seul, malheureux, original et en mal d'inspiration, une vieille bâtisse isolée pleine de souvenirs et de fantômes - au sens propre comme au figuré, des phénomènes étranges et inexpliqués et cette rêverie, évidemment, qui nous fait tout fantasmer. C'est drôlement efficace pour qui aime ce genre d'ambiance - Je suis la cliente toute désignée, vous l'aurez compris. Vivement le deuxième et dernier acte !

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Yacha bosse dans une librairie bruxelloise mais s'y ennuie un brin. Elle est souvent seule puisque son coloc est par monts et par vaux. Elle rêve d'autre chose, clairement, et voilà qu'il apparaît en la personne de Rudica à qui elle propose de sous-louer la chambre vacante de l'appartement. Rudica a un passé énigmatique, une chevelure de sirène et un don naturel avec les gens et les plantes. A elles deux, elles décident de transformer un quotidien morne en une création joyeuse perpétuelle. Elle redonnent vie, à leur manière, et cela ne plaît pas à tout le monde. 

Ce livre-là, c'est un peu l'histoire de deux sorcières modernes, à travers un graphisme épuré et une mise en couleur poétique. Voilà comment un bonheur et des envies différents semblent tout d'abord étonnants aux yeux de tous, puis suspects, et enfin terrifiants. Voilà comment ce qui n'est pas compris doit être éradiqué. Malgré ce constant lucide et peu réjouissant, Tiffanie Vande Ghinste nous invite au plus lumineux des messages : être ouvert, savourer le jour présent et surtout, trouver le bonheur n'importe où, y compris (voire surtout) dans l'inattendu et la re(-)création. Cette lecture-là est une respiration salvatrice. 

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23/07/2018

La Garden-Party et autres nouvelles de Katherine Mansfield

la garden-party,nouvelles,katherine mansfield,folio,flux de conscience,instants de vie,poésie,virginia woold,nouvelle-zélande,angleterreCe n'est un secret pour personne : je ne suis pas friande de nouvelles. Il m'arrive pourtant de céder à la tentation d'un titre, d'une thématique ou d'un(e) auteur(e) de temps à autres. Et quelle plus grande tentation pour moi qu'une auteure à propos de laquelle Virginia Woolf a écrit dans son journal le 16 janvier 1923 : "Quand je me suis remise à mon manuscrit*, il m'a semblé qu'écrire ne rimait plus à rien. Katherine ne lira pas ces pages. [...] [M]ais où est-elle, elle qui savait faire ce dont je suis incapable!" ?
*Il s'agit de Mrs Dalloway

Et cette amitié mêlée de rivalité entre Woolf et Mansfield est sensible dans les pages de La Garden-Party et autres nouvelles. Comme Virginia, Katherine s'est beaucoup inspirée de son enfance. Nombre de personnages sont les échos de sa famille ; nombre de situations, les échos de ses souvenirs. Il serait exagéré de parler de nouvelles autobiographiques mais l'inspiration est indéniable et marque temporellement les textes. 

La mer était basse ; la plage était déserte ; les flots tièdes clapotaient paresseusement. Le soleil ardent, flamboyant, tapait dur sur le sable fin ; il embrasait les galets veinés de blanc, les gris, les bleus, les noirs. Il absorbait la petite goutte d'eau blottie au creux des coquillages incurvés ; il décolorait les liserons roses qui festonnaient les dunes. Tout paraissait immobile, à part les petites puces de mer. Pft-pft-pft ! Elles n'arrêtaient pas une seconde. 

Katherine s'y dessine collectionneuse d'instants, poète des reflets et de l'insaisissable solitude. Chaque titre rappelle l'être à cette étrangeté que lui renvoie la société; c'est en quelque sorte la photographie impossible du déséquilibre entre soi et le monde. Car si chaque personnage est intégré d'une façon ou d'une autre à ce monde, il s'en trouve occasionnellement écarté. C'est le cas de tous les personnages de La Baie - qui brosse le quotidien d'une famille sur une journée, ce qui n'est pas sans rappeler le principe narratif qu'utilisera Woolf dans Mrs Dalloway au passage - notamment Mrs Harry Kember qui a l'outrecuidance de fumer en public, de jouer au bridge et de s'exposer au soleil ou Linda qui semble prise dans son rôle de femme et de mère comme un papillon dans une toile d'araignée ; c'est le cas de Joséphine et Constantia après le décès de leur père dans Les filles de feu le colonel ; c'est encore le cas Miss Meadows dans La leçon de chant à cause d'un célibat qui lui colle à la peau. Et on pourrait ainsi faire défiler toutes les nouvelles. 

Et quand elle respirait, quelque chose de léger et de triste - non, triste n'était pas vraiment le mot - quelque chose de doux semblait remuer dans sa poitrine. 

Aussi, comme dans bien des oeuvres de Woolf, pour ne pas dire toutes, il ne se passe "rien" dans ces nouvelles, c'est-à-dire qu'il se passe l'essence même de la vie : la modulation infime et infinie des pensées, des émotions et ces battements de cils qui contiennent à eux tous un point de basculement. L'auteure s'y montre d'une extrême sensibilité et d'une extrême acuité - à ne pas confondre avec la sensiblerie, évidemment, attendu que la finesse avec laquelle elle délivre certains instants de solitude intérieure ne sont pas exempt d'ironie, de cynisme voire de cruauté - je pense notamment à La vie de la mère Parker ou à La Garden-Party dans lesquelles la mort rappelle, comme souvent, l'injustice sociale. 

Grâce à la forme de la nouvelle dans laquelle elle excelle, Katherine Mansfield parvient à une immédiateté et une clarté assez exceptionnelles. Elle a le génie discret, modeste et délicieux. Ces textes, plus faciles d'accès que la plupart des romans de Woolf, créent une connivence spontanée avec le lecteur ; le propos y résonne comme un cristal pur, la lumière miroite infiniment. 
A ma connaissance, il s'agit ici de son seul recueil traduit intégralement en français. Si vous êtes cependant au courant d'un autre recueil traduit, je suis preneuse avec joie. Je continuerais volontiers un bout de chemin avec Katherine Mansfield. 

C'est ainsi qu'il fallait vivre - avec insouciance et légèreté, sans retenue.