Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/11/2013

Adieu Gloria de Megan Abbott

adieu-gloria-megan-abbott.jpg
Adieu Gloria de Megan Abbott, ed. Le Livre de Poche, 2012, 230p.

 

La narratrice, dont on ne connaîtra jamais l'identité, est une jeune fille d'une vingtaine d'années. Elle oscille entre des cours de compta le matin et un petit job sans envergure dans une boîte de nuit grâce au piston de son père. Très rapidement, les patrons lui demandent de trafiquer les chiffres, ce qu'elle fait sans rechigner : elle sent l'opportunité d'avoir plus que cette vie rangée et médiocre qui ne lui convient guère. L'arnaque est repérée par Gloria Denton, LA femme fatale. Élégante, riche et surtout vénéneuse, elle contrôle la plupart des entreprises criminelles du secteur pour les parrains du milieu. Mais c'est surtout la jeune comptable qui est repérée par Gloria : il est temps pour elle de former sa future héritière. La jeune comptable devient donc jeune pouliche, apprentie criminelle de haute volée, moulée dans de beaux tailleurs et formée à rester impassible et sans concession. Le plan fonctionne à merveille jusqu'à ce qu'elle tombe entre les pinces d'un joueur certes minable mais au pouvoir de séduction certain. La relation symbiotique entre le maître et l'élève se fissure dès lors dangereusement.

J'ai découvert Megan Abbott avec la lecture d'Absente en janvier dernier. J'en étais restée sur une lecture en demi-teinte, reconnaissant les qualités littéraires de l'auteur et son excellent rendu de la décennie 50-60's mais souffrant d'une comparaison avec le Dahlia Noir pour ce titre là. J'étais donc curieuse de lire un autre de ses romans, qui écarterait toute comparaison. Malheureusement, je me retrouve devant le même constat qu'il y a quelque mois. Je suis toujours admirative de son phrasé, de son style. En outre, le fait de ne pas marquer précisément l'époque, la ville, ni même l'identité de la narratrice tend à mythifier cette Amérique des gangsters classieux, pleins de flegme et de violence malsaine. D'autant que les gangsters ici sont des femmes. Particulièrement belles et vénéneuses, elles mènent la danse et ne s'en laissent pas compter par les hommes. Elles ne sont pas ses petites dindes mielleuses et facilement dévergondées que l'on retrouve souvent dans le polar noir où l'homme tient la tête d'affiche. Megan Abbott joue brillamment avec les codes du polar noir, tantôt pour les rendre vivants à la virgule près, tantôt pour les déjouer avec un panache tout féministe. Néanmoins, soyons clairs, Gloria Denton et sa pouliche ne relèvent pas tellement le niveau de leurs collègues masculins : la manipulation, la cupidité et le sang restent les maîtres mots même dans le corps de beautés hollywoodiennes.

Cela étant dit, encore une fois, je suis passée à côté ! Et puisqu'ici, il n'est pas question de comparaison avec une autre œuvre qui m'avait marquée, qu'au contraire j'adore ce genre policier, je ne comprends absolument pas ce qui m'a fait rester en dehors du roman. Je n'ai pas accroché ni à l'ambiance, ni aux personnages. D'habitude, ce qui m'accroche avec les policiers de cette époque, c'est un mélange de détestation et de fascination. Ici, je n'ai pas connu ce mélange particulier d'émotions. Je n'ai pas vibré, ni fascinée, ni rebutée. L'ensemble m'a fait l'effet d'un très belle exercice de style, poli et précis mais un peu lisse. Je crois que c'est ça : j'ai éprouvé un manque d'aspérité. Ce petit plus qui fait tilt.

Mais très honnêtement, je cherche la petite bête pour exprimer mon manque d'adhésion car objectivement, je trouve que c'est un bon polar noir. Allez savoir pourquoi, parfois, on passe complètement à côté de ses lectures !

 

2061720019.jpgChallenge Polar Historique
5eme lecture





challenge US.jpgChallenge US chez Noctenbule
6eme lecture

25/10/2013

Love Medicine de Louise Erdrich

love medicine.jpg
Love Medicine de Louise Erdrich, ed. Albin Michel, 2008/Le livre de poche, 2011 [1984], 509p.

 

Traduit en 2008, Love Medicine est en fait le premier roman de Louise Erdrich. Souvent moins apprécié que les suivants par les lectrices dont j'ai pu lire les chroniques, il pose néanmoins l'univers de l'auteur avec une grande virtuosité.
Ceux qui la connaissent savent que l'existence contemporaine des amérindiens, et plus précisément des Chippewas Ojibwés du Dakota du Nord, jalonne toute son œuvre. C'est ici que ce propos prend racine, à travers l'existence de plusieurs familles que l'on retrouvera par la suite : Les Nanapush, les Kashpaw ou les Lamartine. Le roman brosse cette saga décadente de manière originale puisqu'il ne propose pas une fresque linéaire à rebondissements. Au contraire, il se découpe en courts récits (qui pourraient presque constituer des nouvelles) qui remontent dans le temps pour mieux le redescendre ensuite. Dans chacun, un personnage central et une tranche de vie - qui peut sembler anecdotique mais qui tisse en fait la toile complexe de l'évolution familiale.
La vie n'est pas rose dans la réserve et il faut savoir jouer avec la violence, l'alcool, la solitude, un désespoir sourd et le sentiment lancinant de la dépossession. Pourtant, Louise Erdrich parvient à éclairer ce quotidien de pointes d'humour et à élever le prosaïque avec une poésie presque mystique.

Puisque je connais l'univers d'Erdrich, j'ai éprouvé un grand plaisir à cueillir ces personnages récurrents au seuil de leur création et à repérer ces petits cailloux blancs qui seront ensuite développés dans les romans suivants. Est-ce à dire qu'il faut connaître l'auteur et ses œuvres plus récentes pour apprécier la première ? Je crois au contraire que tout le monde pourra s'y retrouver. Car si Love Medicine est un plaisir de retrouvailles pour les aficionados, il peut aussi être une très belle introduction pour les néophytes.  On pourra peut-être lui reprocher un trop grand nombres de pages (un peu plus de 500) pour un ouvrage qui ne se lit pas comme un page turner mais la construction est si savamment maîtrisée et l'écriture si douce et incisive qu'on l'oublie bien aisément.

J'aime particulièrement ce qu'en dit Toni Morrison et c'est donc en la citant que je clorai cette chronique : "Un livre d'une telle beauté qu'on en oublierait presque qu'il nous brise le cœur".

 

Challenge améridiens.jpgChallenge Amérindiens

10eme Lecture

 

 

 

 

moisamericain.jpgEt lu en lecture commune pour le challenge américain chez Noctembule

5eme Lecture

 

 

24/10/2013

La poésie du jeudi avec Walt Whitman

Poésie jeudi.jpgAsphodèle nous propose nouvellement de partager un morceau poétique tous les quinze jours, au gré de l'envie et de l'inspiration. Grâce à elle, j'ai pu découvrir aujourd'hui un poème automnal de Verhaeren puis relire avec plaisir Mon rêve familier de Verlaine chez Natiora.

A mon tour de vous faire part d'un poème, et d'un poète, qui me touchent tout particulièrement. Il s'agit de Walt Whitman, poète américain du XIXe siècle. Sa voix exprime cette exaltation du Moi et le champ de tous les possibles typiques de la conquête américaine. Il chante la liberté, la fumée sifflante des locomotives dans les plaines et la luxuriante nature qui devient paradis de l'homme dans le vent. Et puis, c'est aussi le fameux poète cité dans Le cercle des poètes disparus... Vous vous souvenez ? « Ô moi ! Ô la vie ! Tant de questions qui m'assaillent, ces interminables cortèges d'incroyants, ces cités peuplées de sots. Qu'y a-t-il de beau en cela ? Ô moi ! Ô la vie ! [...] Réponse : que tu es ici, que la vie existe, et l'identité. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime...» Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime... Quelle sera votre rime ? ^^


En voyage par les États


En voyage par les États, nous sommes sur le départ
(Ce sont nos chants qui nous poussent par le monde, mais oui,
Qui nous font embarquer vers les pays, les mers du globe entier),
Volontiers élèves de tous, professeurs de tous, amants de tous.

 

Nous avons regardé s'éloigner les saisons dispensatrices d'elles-mêmes,
Nous avons dit, pourquoi un homme une femme ne produiraient-ils pas autant que les saisons, ne diffuseraient-ils pas autant ?

 

Nous posons un peu dans chaque cité chaque ville,
Nous traversons le Kanada, le Nord-Est, la vaste vallée du Mississippi, les États du Sud,
Nous conférons d'égal à égal avec chacun des États,
Nous sommes nos propres juges, invitons les femmes les hommes à écouter,
Nous nous disons à nous-mêmes : Souviens-toi, ne crains rien, sois droit, promulgue le corps et l'âme,
Pose un instant passe ta route, sois copieux, tempéré, chaste, magnétique,
Ce que tu diffuseras reviendra comme les saisons reviennent,
Aura peut-être un jour l'importance des saisons.

 

Walt Whitman, dans Feuilles d'herbe

 

challenge US.jpg